Je suis absent de ma vie. Je la regarde sans vraiment la toucher. Léger décalage. Derrière ou devant. Jamais dedans.
Écrire relève de l’espérance. Tu mets la virgule là où tu veux que ça freine et le point là où tu veux que ça s'arrête. Quand tu veux laisser ton idée faire son chemin sans toi, tu rajoutes quelques points. Quand tu t'étonnes, tu peux t'exclamer, c'est pas obligé. Et puis le reste, tu laisses à ceux qui veulent tout expliquer.
En fait jamais pu vivre la vie en place. Un formidable don d'observation pouvait laisser espérer à un plus grand talent, à une plus grande verticalité. Mais je fais dans le sanguin ! L'affectif ! A la fois, je touche les anges sans pouvoir l'exprimer, et m'abandonne à des clichés. Je suis superficiel profondément. Ou peut-être profondément superficiel. Il suffira de la couleur du matin.
Nous ne sommes responsables que de poésie.
Mais déjà, comme en été, un nuage noir faisait frissonner les pans éclatants des champs.
C'est comme cela que les poètes découvrent les traces de leur destin.
C'est dans ces traces qu'ils trouvent les signes de leurs défaites.
Alors ils courent volontairement à leur perte, pour accélérer le mouvement afin de vivre plus vite encore leurs chagrins
Tu verras le bonheur, c'est un tout petit truc de rien du tout qui fout le camp dès que t'as le dos tourné. Mais ça vaut le coup.
Ca me fait penser à Roland. J’aime faire la route avec lui. Il a des grands silences. Moi, je remonte le fil de sa nuit. A petits pas, à petits mots. Sans rien presser pour rien casser. Il est fragile, Roland. Roland, c’est un beau souvenir. On a fraternisé. Fraternisé pour la vie. Mon frère l’acteur. Le païen! L’éructant! Mon miel en colère. Celui qui a des paillettes d’or dans les mirettes. J’ai joué l’Ouest, le Vrai, avec lui. Quand je prenais la main de Roland à la fin je sentais à quel point nous étions fiers du boulot bien fait. Un beau boulot. J’ai passé des nuits de ma vie avec lui et sa vie. Des nuits d’agonies et de renaissances. Des nuits fleurs bleues avec du néon partout. Des éclatements en mille parcelles multicolores de nos colères. Nous nous sommes aimés debout, en brassant l’espace. Je l’aime celui là et les autres. Les inconnus, les fous d’amour. Avec le mal humain qui les ronge. Chiens galeux! Chiens jaunes de nos errances! Témoins humains de nos errances! J’aime l’errance! Je m’engloutis d’errance! Je macère dans l’errance! J’aime les êtres d’errance! Mon ami l’acteur avec qui j’ai fait le tour de France. Roland, tu sais, Paulo, c’est cet acteur à qui on ne donne que des rôles de méchants, de fourbes. Ce poète scandaleux et doux comme le souvenir débarbouillé des ses vilaines plumes. Celui qui se fait mal pour être plus près de toi.
Toujours vivre dans une cale au milieu d'un trésor inventé. De l'Inde du Sud au Grand Nord emmitouflé. Des tavernes exaltantes de destins brisés, de petit matin immortel où l'éthylisme rend prince indompté. Tout n'est qu'invention.
J’ai appris à ne plus écrire avec cette putain de drogue, à inventer chaque nuit une nouvelle histoire qui ne verrait jamais la vie. J’ai appris à mentir pour écrire, à me prendre pour un maudit, à tout dire pour qu’il ne me reste rien à écrire. Ecrire relève de l’espérance. Tu mets la virgule là où tu veux que ça freine et le point là où tu veux que ça s’arrête. Quand tu veux laisser ton idée faire son chemin sans toi, tu rajoutes quelques points.
Quand tu t’étonnes tu peux t’exclamer, c’est pas obligé. Et puis le reste, tu laisses à ceux qui veulent tout expliquer.
Elle porte au coin des yeux le gai du triste, comme étonnée que les oiseaux s'envolent.