Banlieue mon amour

Jamais, comme pour le quartier de la Défense, la suzeraineté de Paris ne s'est exercée avec autant de sans-gêne. Depuis l'absorption par les dernières fortifications des faubourgs, on n'avait vu une telle OPA. Aux confins de Courbevoie, Puteaux et Nanterre, la Défense était à la croisée des banlieues. Pourquoi la Défense? A cause d'un monument érigé après 1870 aux défenseurs de Paris. Ce lieu serait resté à ses héros, si de purs et durs Haussmanniens n'avaient soulevé un lièvre: la Défense n'était-elle pas sur un axe, imaginé au XVIIIe siècle pour relier le Louvre à Saint-Germain ? Ce n'était pas, pour une fois, la faute de Rousseau, mais d'un jardinier, Le Nôtre.

X...habitait à la Défense. Un jour, en regardant la télévision, il se dit qu'il habitait une espèce de radeau intersidéral comme les Japonnais les dessinent dans leurs feuilletons de science-fiction;que cet ensemble n'avait rien de solidaire avec la terre, et ne se positionnait pas par rapport au niveau de la mer; qu'il pouvait décoller, se balader et se poser ailleurs dans un autre pays, auprès d'une autre ville lumière, pourvu qu'il serve sa grandeur et qu'il y ait de l'argent à moudre.

Comme la rébellion, la soumission faisait partie de la logique banlieusarde. "Ban" est un terme féodal:"proclamation du suzerain dans sa juridiction". Le mot "banlieue" signifie littéralement "un espace d'environ une lieue autour de la ville où s'exerçait la juridiction d'une autorité". Le terme n’est pas nouveau, on en voit des traces en 1211. Monarchie ou République, même combat! La banlieue fut et reste un lieu que le pouvoir asservit, récompense ou punit.