AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9781091887176
Inculte éditions (21/08/2013)
3.17/5   12 notes
Résumé :
"Autopsie des ombres" dépeint la lente descente aux enfers d'un casque bleu après une guerre dont il n'a perçu que de lointains échos, dont il n'a fait que ramasser et compter les cadavres. Entre flashs backs violents et putréfaction lentre, un récit puissant et intemporel, un premier roman sous l'égide de Pierre Michon et de Joseph Conrad.
Que lire après Autopsie des ombresVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
[ Livre lu dans le cadre du Festival HORS LIMITES 2014. Je remercie Libfly, Yomu et les éditions Inculte pour leur confiance. ]


" Quelle soit juste ou légitime, n'oubliez jamais que la guerre est un crime " - John Steinbeck. -

La guerre. Un affreux moment de confrontation humaine qui manufacture criminels et victimes. Mais où situer exactement Pierre Narval ?
Narval est un criminel. Un tueur de chien, certes sur ordre, mais quand bien même. Narval est un soldat français engagé dans le conflit yougoslave sous le casque azur des Nations-Unies. Un de ceux qui ont laissé se perpétrer les massacres... Comme ce couple d'amoureux morts main dans la main, mêlant leur sang sur un pont de Sarajevo. Laissé dériver ses pensées dans le bourbier bosniaque...
Narval est une victime. Un soldat brisé par les horreurs de la guerre. Rendu à la vie civile, il continue de laisser son esprit errer, abruti de vapeurs éthyliques. Il se retire progressivement de la société des hommes. S'évapore...

Narval dérive. Narval se souvient. Narval s'abandonne. Ses errances intellectuello-alcooliques sans sens ni propos deviennent les nôtres.
Tout est dit...
A aucun moment, vous ne quitterez la thématique du syndrome post-traumatique des hommes qui font de leur vie du métier des armes. On s'enfonce, on s'enfonce, on s'ennuie...
A fortiori car le traitement passe par une rédaction fastidieuse. Comme le dit l'auteur à le dernière phrase du livre " C'est toujours la même chose ". On aurai aimé que cela ne se traduise pas par des propos à l'emporte-pièce du genre : " Les phrases sont des blocs de pierre ".
Je n'ai pas pu ( m'y ) accrocher...
Commenter  J’apprécie          140
Très impressionnante lecture de l'absurdité et de la déréalisation de la force sans mission.

Par Charybde2

Publié en août 2013 chez Inculte, le premier roman de Xavier Boissel s'appuie sur sa nouvelle "Debout parmi les ruines", parue en revue en 2011 et rééditée en 2012 par Une autre image avec de riches illustrations de Boris Hurtel.

Dans une guerre civile non totalement spécifiée, mais dont tous les éléments renvoient à celle de Bosnie entre 1992 et 1995, un petit groupe de militaires français, opérant sous mandat de l'ONU, est engagé dans des opérations d'interposition et de "maintien de la paix". Au retour en France, l'un des soldats, Pierre Narval, ne parvient ni à oublier ce qu'il a vu, senti, deviné ou perçu, ni à se réadapter de ce choc traumatique d'un genre bien particulier. Il entame d'abord insensiblement, puis franchement, une dérive dans la campagne française, dans une atmosphère irréelle qui constitue le miroir presque parfait de ce qu'il a vécu, dans une quête non identifiée où la dissolution dans la simplicité du néant semble beaucoup plus présente que quelque improbable rédemption...

Comme dans la nouvelle d'origine, bien entendu, on retrouve, en écho à « Warriors », ce téléfilm britannique si réussi de Peter Kosminsky (1999), un lourd climat de militaires « normaux », prisonniers de leurs idiosyncrasies viriles et de leurs apprentissages guerriers, confrontés à l'absurdité de consignes d'engagement délétères qui les mine progressivement, et les condamne le plus souvent à deviner qu'il y a, quelque part, par là, un « ennemi », dont les horreurs rencontrées après coup témoignent au quotidien, mais qui n'est jamais ou presque présent, face à eux, dissimulé derrière le sourire goguenard ou la vexation qui sait « ne pas aller trop loin » d'un milicien tenant un checkpoint, face visible et inattaquable du bourreau nocturne, bien réel…

C'est de cette déréalisation, de ce mensonge éthéré et permanent (qui ne peut être un hasard, venant d'un auteur ayant su traquer les restes d'un faux Paris pour y débusquer du réel et du sens du simulacre - dans « Paris est un leurre » en 2011), que Xavier Boissel nourrit avec un immense brio la dérive française de son protagoniste, intercalée dans les flashbacks « de Bosnie », dérive par vidange intérieure qui reflète très exactement celle des patrouilles arpentant en vain des rues écroulées pour y traquer, faute de mieux, faute de sens, faute de mission, chiens et chats éventuels porteurs de maladies… La langue de bois des instructions onusiennes, discrètement mais régulièrement rappelée, comme la mainmise sur le vocabulaire opérée par les purificateurs ethniques et les simples barbares ordinaires, qui fait songer au « Casus Belli » du slammeur D' de Kabal, résonne de façon terrible avec les indices concrets de malaise profond, disséminés dans les paysages rurbains et périurbains de l'errance. L'ensemble écrit dans un style tout de justesse, de poésie diaphane, alimentée pourtant par des munitions de 5,56 mm, des lunettes de vision nocturne ou des obus de mortier de 120 mm, comme par de simples signes d'une pulsion consommatrice frénétique, à lire dans le paysage français, décrypté incidemment comme dans « Paris est un leurre », pulsion toute contenue, en dérision, dans l'emblématique boîte de thon en conserve ramassée dans les ruines de Bosnie, qui, à elle seule, comme le sang dans la neige du Langlois d' « Un roi sans divertissement », englobe toute la violence jamais dite, jamais avouée, de l'avidité partout à l'oeuvre.

Un livre magnifique, impressionnant premier roman, qui résonne longtemps en vous après avoir été refermé, et que la librairie Charybde vous invite à venir découvrir chez elle (129 rue de Charenton 75012 Paris) en présence de l'auteur dès le 30 août 2013.
Commenter  J’apprécie          50
«Tu ne t'appartiens plus ; tu es comme une feuille saisie dans un ouragan.
Tu remâches ta défaite.
Pierre Narval, l'Histoire te mord la nuque.»

Casque bleu dans une Bosnie qui n'est jamais nommée, Pierre Narval revient d'un théâtre de guerre fantomatique. Il n'y a pas vraiment vécu le choc du combat, juste «le contact avec un morceau de guerre», comme le dit l'ancien casque bleu dans le film de Chris Marker. Pierre Narval a côtoyé la folie et la destruction : Ruines, carcasses de voitures criblées de balles, snipers invisibles, ville évacuée, convois de refugiés tirant des charrettes à bras, chiens errants devenus fous et un couple d'amants enlacés abattus par un tireur, dont les cadavres ont été abandonnés sur un pont.

Soldats impuissants et honteux, entravés par des ordres impossibles énoncés en langage onusien (ne jamais faire usage de ses armes, ne jamais faire usage de ses armes, sauf en cas d'agression adverse, être garant de la neutralité), croisant des bourreaux convaincus de leur impunité, leurs missions sont de ramasser des cadavres puis d'abattre les chiens et tous les animaux. Au coeur d'une ville transformée en champ de ruines déserté, cette extermination de la seule vie qui reste, prend un relief particulièrement barbare.

L'homme en revenant se désagrège ; comment revenir dans un monde censé être normal, aussi irréel que cette guerre sans combats ? le récit en va-et-vient entre le "théâtre" de la guerre et celui de la France, les changements de langage et de rythme forment un miroir puissant de la fragmentation d'un héros en constant décalage, en Bosnie comme en France.

«La question ne se pose pas de savoir qui tu es, mais de savoir si tu es.»

Cherchant une échappatoire à ce retour impossible, le temps comme suspendu, l'absurdité du quotidien constamment révélée dans le langage des medias, l'impuissance à se rapprocher, même de ceux qui sont proches, Pierre Narval part en dérive routière, le long des centres commerciaux et des lieux interstitiels, larguant progressivement tout ce qui l'encombre dans une progression vers le néant.

«Il rallume une cigarette, regarde avec satisfaction le rougeoiement de sa Craven A se refléter dans le pare-brise. La nuit du monde s'avance à sa rencontre.»

Cet impressionnant récit de la guerre en creux, et de sa déréalisation, rappelle évidemment l'oeuvre de Jean-Yves Jouannais, et les portraits obsidionaux de « L'usage des ruines ».
Commenter  J’apprécie          70
Je ne sais pas trop quoi penser à la lecture d autopsie des ombres. le sujet m intéressait, aussi, grâce à Babelio, j ai remarqué ce livre publié dans une collection que j apprécie (Olivier rohe, mathias enard..)
très partagé donc. le style m a posé un gros problème. J ai eu l impression que l auteur à visé deux objectifs ( l histoire en elle même et la forme utilisée) sans en atteindre véritablement aucun des deux. Les détails les ressentis de Pierre Narval, le personnage de l ouvrage, m ont plus fait songer à l élaboration d un film à venir. Visuellement, ça tient la route. Mais sous forme de livre, Xavier boissel arrive, malgré l intérêt du sujet, je le répète, à me lasser. C est à demi réussi ou a demi raté. Au choix. de très bons passages cependant.
Commenter  J’apprécie          10
J'ai été très déçue par ce livre. Dès les premières pages, je n'ai pas accroché sur le style d'écriture, très cinématographique. J'avais l'impression de lire une succession de prouesses grammaticales, de nombreuses descriptions me semblaient inutiles. J'ai persisté jusqu'au bout mais n'est jamais pu rentrer dans la peau du personnage.
Commenter  J’apprécie          30

Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Chaque matin – et c’est comme un rituel pressuré d’attentes intranquilles – tu cours dans la ville, le long de ses artères désertes et enneigées (au sol crépitent mille cristaux d’insectes broyés par tes bottes de combat, les caniveaux verglacés craquent comme des vertèbres), tu cours et ton souffle, avec constance, expire dans l’atmosphère embuée, lourde encore de gel nocturne, de minuscules nuages gris, tandis que de rauques rafales de vent s’engouffrent dans les bâtiments dévastés, que leur cortège strident exhale ses remugles de honte séculaire et de vieilles rancunes recuites, tu cours, le fusil-mitrailleur en bandoulière, l’esprit encore gros de tes rêves, et chaque matin la ville n’est plus encore tout à fait la même que le jour précédent, se décharnant, se desquamant toujours plus, abandonnant sa peau aux blessures de l’aube, réduisant sa topographie à sa plus simple expression (en attente de son autopsie, de sa nouvelle mue, de ce moment futur, inévitable, qui programmera son amnésie, laissant affleurer en surface de son derme quelques stigmates à l’édification de notre fausse conscience).
Commenter  J’apprécie          40
Il démarre le véhicule, roule une petite heure encore, dans la vallée, le long du fleuve où les tours de refroidissement des réacteurs de centrales nucléaires sont comme des balises, mais bientôt il finit par quitter l’autoroute, et ce sont les pales immobiles des éoliennes qui maintenant ponctuent le paysage. Il roule sur une nationale, et très vite, il emprunte une départementale, régulièrement interrompue par une série de ronds-points qui mènent à des centres commerciaux spécialisés en tapis, chaussures, accessoires d’automobiles ou matériel agricole ; il longe une déchetterie, un cimetière pour chiens, pénètre dans les faubourgs d’une petite ville, passe sous trois banderoles : la première annonce une « Fête des fleurs vivaces » dans un village voisin, la deuxième une « Fête du pain » dans un autre endroit et la troisième une « Fête des confitures » dans un lieu qu’il n’a pas pu identifier. Il franchit encore un rond-point, au centre duquel sont installées plusieurs brouettes multicolores, les bras dirigés vers le ciel et arrive enfin dans le « centre historique » – comme l’indique un panneau – où il gare difficilement la voiture ; il se dirige vers un secteur piétonnier et remonte une ruelle pavée de petits galets, restaurée avec soin, dans un goût médiéval – apparemment, l’artère commerciale de la ville, si l’on se fie à ses oriflammes, ou plutôt, ses effigies. Elle débouche sur une petite place où il s’installe à la terrasse d’un café. Il commande un noir, sans sucre, et deux croissants, sort une cigarette, et regarde le donjon, ou la tour, aux pierres proprement rejointoyées – certainement médiévale, elle aussi – qui lui fait face.
Commenter  J’apprécie          10
Ta génération n’avait plus d’ennemi. Libérée du poids des crimes, des servitudes morales, chevillée désormais à une mémoire antiquaire, elle pouvait s’adonner à des jeux plus frivoles ; ni tragique, ni lyrique, comme celle de ses pères, mais assignée à un temps devenu homogène à lui-même, paisiblement nichée dans un quotidien transmué en divertissement, elle se livrait donc à l’insouciance d’un perpétuel présent ; il paraissait que l’Histoire touchait à son terme (les grands esprits disaient « à son achèvement ») – et le passé n’avait plus barre sur elle. Mais, comme un fauve assoupi brusquement réveillé par la faim, l’Histoire se rappelait à toi et à tes contemporains ; et l’Histoire s’écrit toujours du côté des vainqueurs, de manière réglementaire, officielle, carnassière. Toute ta conscience se cristallisait dans ce morceau de temps disjoint, comme les bobines d’un vieux film qui bégayaient : les bourreaux piochaient dans le passé l’alibi immuable de leur fureur, l’identification de leur ennemi héréditaire, celui qu’ils vouaient à la suppression, à la destruction ; il fallait – et c’était leur but final, chose que tu avais mis longtemps à comprendre – abolir la lumière de son ciel.
Commenter  J’apprécie          10
Il lui arrive encore de pleurer. Tel donc, dans la ligne de mire des bouches à feu, le condamné qui anticipe sa propre mort : torsion soudaine de son corps, mille brûlures dans la poitrine, cri sec absorbé par l’air, genoux au sol et bientôt visage contre terre, la vie quittant ce corps comme une courtisane impénitente, chétive et disgraciée. Il sent combien l’échec est depuis longtemps consommé, toute résistance disparue en langue, inscrite au registre des pertes, toutes les audaces, enfuies ; peut-être qu’il voit, en l’acquiescement tacite à sa propre exécution, les dernières formes de prières muettes qu’on puisse adresser à son bourreau – à ses démons. Tout l’art est de se persuader qu’il s’agit d’une victoire.
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Xavier Boissel (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Xavier Boissel
Sommeil de cendres de Xavier Boissel aux éditions 10-18 https://www.lagriffenoire.com/sommeil-de-cendres-1.html • • • Chinez & découvrez nos livres coups d'coeur dans notre librairie en ligne lagriffenoire.com • Notre chaîne Youtube : Griffenoiretv • Notre Newsletter https://www.lagriffenoire.com/?fond=n... • Vos libraires passionnés, Gérard Collard & Jean-Edgar Casel • • • #lagriffenoire #bookish #bookgeek #bookhoarder #igbooks #bookstagram #instabook #booklover #novel #lire #livres #conseillecture #editions1018
autres livres classés : casques bleusVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (22) Voir plus



Quiz Voir plus

Compléter les titres

Orgueil et ..., de Jane Austen ?

Modestie
Vantardise
Innocence
Préjugé

10 questions
20221 lecteurs ont répondu
Thèmes : humourCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..