Cette vocation fortement prédictive des capsules de temps peut parfois même être concertée. Ainsi, à Barcelone, en 2009, les habitants de la ville ont été invités à imaginer ce que serait leur ville dans 150 ans, en 2159. À partir de 45 thèmes proposés, tout un chacun a pu participer en enregistrant son message pour les générations futures. Les idées les plus folles, mélange de science-fiction et de poésie, ont été regroupées au sein de près de 2 000 capsules individuelles. Les « gardiens » de cette capsule – une urne en acier inoxydable qui n’est pas enterrée, mais visible -, sont tous des Barcelonais, chargés de transmettre oralement à leurs descendants des informations sur ce projet. Chaque année, un habitant de Barcelone est censé faire tourner la capsule de 2,4 degrés, si bien que son contenu deviendra lisible (pour les visiteurs du musée d’histoire de Barcelone où se trouve le dispositif) en 2159, l’urne ayant alors accompli une rotation de 360 degrés. Les informations concernant ce projet sont parcimonieuses, la ville de Barcelone communiquant très peu à son sujet – mais rien n’indique qu’il aurait avorté. Il est en sommeil et la capsule fait son œuvre : elle attend, se fait oublier.
Par le heurt de deux morceaux de temps disjoints, la capsule opère ainsi un saut qualitatif entre les époques.
Si c’est principalement durant « l’âge des extrêmes » ou « le court XXe siècle » (selon l’expression de l’historien Eric Hobsbawm) que s’est généralisée cette pratique, les capsules de temps sont omniprésentes sur le territoire nord-américain et particulièrement aux États-Unis. De nombreux lycées organisent en fin de cycle d’études, de manière très cérémonieuse, des enfouissements de capsules de temps, qui font quasiment office de rite de passage pour les adolescents. Le fait qu’elles nourrissent l’imaginaire populaire d’un pays dont l’histoire est récente fait sens : le moindre monument quelque peu ancien revêt aux yeux d’un Américain une valeur patrimoniale singulière ; les capsules de temps ne permettent-elles pas de se donner une épaisseur historique ? De projeter la possibilité d’une archéologie future ?
Ce que nous enfouissons – sous la terre, sous la glace – finit parfois par revenir à la surface. Que ce geste soit sciemment concerté, ou simplement livré à l’indifférence et à l’oubli, quelle que soit la teneur de son objet, il fait signe vers un temps vestigial.
Rien n’est plus beau qu’une capsule de temps involontaire et a fortiori, rien n’est plus beau que ce Lascaux d’encre et de papier qui traverse les siècles pour venir jusqu’à nous. À cet égard, tout livre est une capsule de temps, et toute bibliothèque, une promesse faite aux destinataires du futur. Mais chaque livre est un pari et demeure le risque qu’il ne soit jamais lu, parce que fragile, corruptible, ou pire, jamais retrouvé.
Sommeil de cendres de Xavier Boissel aux éditions 10-18
https://www.lagriffenoire.com/sommeil-de-cendres-1.html
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