AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782367250342
236 pages
Kontre Kulture (30/11/-1)
4.08/5   6 notes
Résumé :
« La France est le seul pays où la nation ait en permanence son gouvernement contre soi, le seul où une guerre sinistre et grotesque ait été déclarée à Dieu, le seul où l'ordre ne subsiste que par survivance, sans être jamais soutenu ni fortifié, le seul où l'enseignement officiel n'ait pas d'autre tâche que de détruire obstinément tout ce qu'il devrait conserver, et dérobe à la nation la connaissance de sa propre grandeur. La République est le seul régime où rien d... >Voir plus
Que lire après Les ModérésVoir plus
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
La noblesse et la bourgeoisie, malgré beaucoup de mérites individuels, ont manqué de ces qualités collectives qui désignent une classe pour la direction d’un peuple, l’une trop vaine et l’autre trop lourde, l’une trop détachée du réel pour le connaître, l’autre trop attachée à certains de ses points pour le dominer : toutes différentes qu’elles soient, elles se heurtent souvent par les mêmes défauts, et la vanité des nobles blesse la vanité des bourgeois.

Le plus grave, chez l’une et chez l’autre, comme en général dans tous les groupes de Français, aura été de n’avoir su connaître que soi. Tels étaient les gentilshommes infatués de la fin de l’Ancien Régime, aussi bien que les parlementaires du même temps, qui joignaient à un égoïsme opiniâtre l’ambition d’être populaires ; tel fut ce tiers état qui voulait être tout, et où le sinistre Sieyès murmure : ce n’est pas la noblesse qu’il faut détruire, ce sont les nobles ; tel fut ce clergé français, qui ne cessa d’être opprimé que pour se rendre dominateur, et qui, après 1870, se pendit aux conservateurs pour les perdre, et leur ôta l’avantage d’être le parti de la paix, en prétendant les entraîner dans une guerre au profit du pape.

Quand on considère l’agitation de notre histoire contemporaine, on conçoit peu à peu quel est le genre d’homme qui y a manqué. C’est ce qu’on pourrait appeler l’honnête ouvrier du réel. On sent ce que ces mots veulent dire mieux qu’on ne saurait l’exprimer, car il est toujours plus facile de décrire un homme d’après les qualités dont il est orné que de le définir selon les dispositions qui le constituent.

Une fermeté qui fait qu’on ose être soi, une modestie qui permet de s’associer aux autres et de se subordonner à des chefs, un bon sens qui ne se laisse pas éberluer par les mots, une probité d’autant plus réelle qu’on la sent plus fortement en soi, une noblesse d’autant plus profonde qu’on l’y porte sans la sentir, voilà, pour ne le dire qu’en gros, les caractères où l’on reconnaît ce genre d’hommes. Quand il nous arrive d’en rencontrer, ils nous inspirent une estime et une sympathie auxquelles nous ne songeons pas le moins du monde à ajouter de l’admiration. Au moment même où nous les trouvons excellents, peu s’en faut que nous ne continuions à les juger ordinaires. Mais quand nous embrassons du regard une nation où ils sont en nombre, elle nous paraît grande.

Au contraire, quand nous sommes dans un pays où papillote partout un semblant d’esprit, nous avons en détail une spécieuse et fallacieuse impression de richesse, tant l’individu scintille et miroite de tous les côtés, mais quand nous prenons de ce pays une vue d’ensemble, il nous paraît pauvre.
Commenter  J’apprécie          50
Ces simples remarques permettent de voir dans son jour la République française : différente, aujourd’hui, des dictatures établies ailleurs, elle paraissait, avant la guerre, la sœur bâtarde des monarchies constitutionnelles qu’elle avait pour voisines. Cependant elle reste un monstre à part.

La France est le seul pays où la nation ait en permanence son gouvernement contre soi, le seul où une guerre sinistre et grotesque ait été déclarée à Dieu, le seul où l’ordre ne subsiste que par survivance, sans être jamais soutenu ni fortifié, le seul où l’enseignement officiel n’ait pas d’autre tâche que de détruire obstinément tout ce qu’il devrait conserver, et dérobe à la nation la connaissance de sa propre grandeur.

La République est le seul régime où rien de sublime, ni seulement d’honnête, n’est donné en aliment à un peuple dont l’âme est à jeun ; c’est le seul régime qui, pressé de tous côtés par les choses, ne parle jamais un langage qui leur réponde, le seul où les problèmes les plus importants ne puissent pas être résolus, ni même posés, parce que l’intérêt du parti régnant entretient partout des fictions qui séparent la nation du réel. Il est dans un régime quelque chose qui compte davantage encore que les actes ostensibles sur lesquels il est discuté : c’est l’esprit qu’il infuse à tout moment, par le seul jeu de sa machine, dans le pays entier et jusque dans les derniers hameaux ; si cet esprit ne vient pas partout au secours des meilleures âmes, s’il ne les soutient pas dans la fierté de leurs vertus et la pratique de leurs devoirs, s’il passe au service des instincts qu’il doit réprimer, s’il ronge les forces morales qu’il doit préserver, s’il pousse en tous points l’homme à se défaire, il y a là un scandale qui, tout fondu qu’il est dans la grisaille des choses, est plus monstrueux que ceux qui se dessinent à leur surface : c’est la fonction même de l’État qui n’est pas remplie ; c’est l’acquis d’une nation et d’une société perdu par l’organe qui doit le sauver.

Sans doute, dans ce régime dénaturé, il arrive parfois que des hommes en place parlent sagement ; ils s’émancipent jusqu’à citer un proverbe, ils osent rappeler une de ces vérités banales qui ont cessé de l’être dans un régime séparé du vrai : mais, contraires à l’esprit du système où elles sont prononcées, leurs paroles n’y résonnent pas, elles tombent à terre sans que nul les ait entendues, tandis que le moindre appel de démagogie retentit comme s’il passait par le clairon de l’archange.
Commenter  J’apprécie          30
S’admirant à la fois selon les idées de l’ancien monde et selon celles du nouveau, ils [les libéraux] sont persuadés qu’ils ne perdront rien de leurs avantages en renonçant à leurs privilèges, car ils ne doutent pas qu’on ne leur rende, pour leur mérite, le rang que leur naissance leur avait donné.

Les illusions qu’ils se font sur l’homme commencent à celles qu’ils ont sur eux-mêmes. Leur optimisme n’est qu’une extension de leur fatuité : convaincus de leur propre supériorité, ils accordent au commun des hommes ce qu’il faut de jugement pour la reconnaître. « Le mérite, dit ingénument Mme de Staël, finit toujours par triompher, dans les pays où le public est appelé à le désigner. »

Rien n’est moins désintéressé que l’attachement des libéraux pour le régime représentatif. Ils l’aiment pour la figure qu’ils y font. Ils veulent que la politique soit un débat et non un combat, parce que tout combat les exclut, et qu’un débat, au contraire, convient admirablement à leurs qualités spécieuses ; ayant en eux, selon qu’ils sont nobles ou bourgeois, plus de salon ou plus de collège, une assemblée leur est également nécessaire, comme le lieu de faux-semblant où ils paraîtront avec avantage : c’est là qu’ils parlent et qu’ils croient penser, c’est là qu’ils votent et qu’ils croient agir.

De pareilles gens ne sont pas faits pour empêcher les Révolutions, ils regardent seulement comment elles leur vont. Après que s’est produit au dehors l’événement que la plupart d’entre eux amènent sans l’avoir voulu, tandis que quelques-uns ne se font pas faute de le préparer sciemment, ils reparaissent pour voir s’il subsiste une tribune ; dans ce cas, rien n’est compromis ; dans le cas contraire, tout est perdu. Alors il ne leur reste plus qu’à méditer la phrase bien recuite et bien scolaire, bien envenimée et bien naïve, par où ils croiront flétrir pour jamais le régime qui leur a coupé le caquet.
Commenter  J’apprécie          20
Rien ne me paraît moins justifié que de définir les grands hommes comme des hommes représentatifs. Ils sont, au contraire, des étrangers et des solitaires : ils introduisent dans l’histoire un élément de liberté que nous ne pouvons plus ressaisir, une fois qu’il a disparu sous la pétrification des faits qui le couvrent. Les grands hommes d’action sont des dons imprévus que le génie de l’humanité fait à son histoire. Si puissamment qu’ils y interviennent, ils n’y sont jamais pris tout entiers : leur âme ne nous renseigne pas mieux sur les sociétés d’où elle s’élève, que la cime des plus hautes montagnes sur les pays d’où elles se dégagent, et, au faîte du génie de Jules César, on ne se sent pas plus dans l’histoire romaine, qu’en parvenant au haut du mont Blanc, on ne se souvient qu’on est en France ; les sommets de l’homme, comme ceux de la Terre, échappent à leur enracinement local, et, d’où qu’ils surgissent, les mêmes qualités suprêmes miroitent doucement sur eux, comme sur les monts les plus hauts de l’Europe ou de l’Asie brillent les mêmes glaciers et les mêmes neiges.
Commenter  J’apprécie          20

Video de Abel Bonnard (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Abel Bonnard
CHAPITRES : 0:00 - Titre
A : 0:06 - ACTE - Jacques Deval 0:16 - ACTION - Sacha Guitry 0:28 - ADMIRATION - Comtesse Diane 0:38 - ADULTÈRE - Daniel Darc 0:59 - ÂGE - Fabrice Carré 1:08 - AMI - Jean Paulhan 1:18 - AMIS - Madame du Deffand 1:30 - AMOUR - André Birabeau 1:40 - AMOUR - Madeleine de Scudéry 1:51 - AMOUR DES FEMMES - Edmond Jaloux 2:03 - AMOUR ET FEMMES - Paul Géraldy 2:16 - AMUSEMENT - Jean Delacour 2:36 - ANIMAL - André Suarès 2:47 - APPARENCE - Nathalie Clifford-Barney 2:57 - ARGUMENT - Léonce Bourliaguet 3:07 - AVARICE - Abel Bonnard 3:19 - AVENIR - Gustave Flaubert 3:28 - AVIS - Marie d'Arconville
B : 3:37 - BAISER - Tristan Bernard 3:49 - BEAUTÉ - Fontenelle 4:00 - BÊTISE - Valtour 4:13 - BIBLIOTHÈQUE - André de Prémontval 4:24 - BLASÉ - Louise-Victorine Ackermann 4:35 - BONHEUR - Henri Barbusse 4:45 - BUT - Richelieu
C : 4:54 - CAPITAL - Auguste Detoeuf 5:10 - CERVEAU - Charles d'Ollone 5:20 - CHANCE - Pierre Aguétant 5:31 - COMPRENDRE - Charles Ferdinand Ramuz 5:42 - CONSEIL - Maurice Garçot
5:55 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Jean Delacour, Tout l'esprit français, Paris, Albin Michel, 1974.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Jacques Deval : http://www.lepetitcelinien.com/2013/06/lettre-inedite-louis-ferdinand-celine-jacques-deval.html Sacha Guitry : https://de.wikipedia.org/wiki/Sacha_Guitry#/media/Datei:Sacha_Guitry_1931_(2).jp Comtesse Diane : https://www.babelio.com/auteur/Marie-Josephine-de-Suin-dite-Comtesse-Diane/303306 Jean Paulhan : https://jeanpaulhan-sljp.fr/ Madame du Deffand : https://fr.wikipedia.org/wiki/Madame_du_Deffand#/media/Fichier:Mme_du_Deffant_CIPA0635.jpg André Birabeau : https://fr.wikipedia.org/wiki/André_Birabeau#/media/Fichier:André_Birabeau_1938.jpg Madeleine de Scudéry : https://www.posterazzi.com/madeleine-de-scudery-n-1607-1701-french-poet-and-novelist-wood-engraving-19th-century-after-a-painting-by-elizabeth-cheron-poster-print-by-granger-collection-item-vargrc0078786/ Edmond Jaloux : https://excerpts.numilog.com/books/9791037103666.pdf Paul Géraldy : https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Géraldy#/media/Fichier:Paul_Géraldy_by_André_Taponier.jpg André Suarès : https://www.edition-originale.com/fr/litterature/divers-litterature/suares-correspondance-1904-1938-1951-79921 Nathalie Clifford-Barney : https://www.amazon.fr/Eparpillements-Natalie-Clifford-Barney/dp/B081KQLJ87 Léonce Bourliaguet : https://www.babelio.com/auteur/Leonce-Bourliaguet/123718/photos Abel Bonnard : https://twitter.com/wrathofgnon/status/840114996193329153 Gustave Flaubert : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/ea/
+ Lire la suite
autres livres classés : réactionnaireVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (35) Voir plus




{* *}