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Luc Gendrillon (Autre)
EAN : 9782360060443
219 pages
Déterna éditions (01/01/2012)
4.33/5   3 notes
Résumé :
Abel Bonnard :"Un des plus beaux esprits français (.) tout à fait dans la tradition de Rivarol". (L.-F. Céline.) En d'autres temps, un écrivain de la classe d'Abel Bonnard eût tout naturellement exercé une sorte de magistrature tacite sur les lettres et sur ses contemporains. Mais notre époque, dont tout le mouvement est de s'avilir, et où nous n'avons pas choisi de vivre, n'a pas d'organe pour entendre une voix qui ne parvient plus à toucher désormais que quelques ... >Voir plus
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
143

LE PLAISIR. – Si je devais résumer les réflexions que m’inspirent beaucoup de mes contemporains, je dirais qu’ils aiment trop le plaisir, mais qu’ils n’aiment pas assez le bonheur. Le plaisir, tel surtout qu’on le conçoit aujourd’hui, vulgaire, brusque, immédiat, nous vient du dehors ; le bonheur monte du fond de nous-mêmes. Le plaisir s’achète, le bonheur s’obtient. Le plaisir illumine l’instant, le bonheur remplit la durée, et quand je prétends que beaucoup de gens, aujourd’hui, ne cherchent pas assez à être heureux, je veux dire précisément qu’au fond ils désespèrent de leur vie, qu’ils renoncent à en faire leur œuvre : ils vont chercher l’heure du plaisir, là où elle se vend, pareille à ces bouteilles d’un vin frelaté qui fascinent les pauvres gens par leur capsule écarlate, leur goulot doré à force de cachets et d’étiquettes. Le plaisir est la drogue de l’homme moderne. Certains se contentent d’un divertissement banal, les platitudes du cinéma leur suffisent. Chez d’autres le besoin d’avoir des moments intenses est d’autant plus âpre que le dégoût de leur propre vie est plus profond. L’amusement recouvre le désespoir et la recherche du plaisir est pour eux une forme atténuée du suicide. (27 décembre 1933.)

144

L’individu n’a pas d’enfants, n’a plus d’ancêtres : il s’isole de tous les côtés, il se retranche du passé comme de l’avenir. Reste le moment, pour la jouissance ou l’ennui.

145.

Ne pas avoir d’enfants, c’est un suicide reporté.

146.

Comment s’étonner qu’un pays meure dans son corps quand il meurt dans son âme ? Il ne naîtra des Français que si une France renaît. Comment s’étonner qu’on n’ait plus d’enfants quand tout dans les idées, les préjugés et les lois détruit la famille ? (pp. 66-67)
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353

Ceux qui n’ont pas voulu d’un Dieu au-dessus d’eux s’en font un autre aussi bas qu’eux-mêmes.

354

On ne remplace pas Dieu par quelques majuscules.

355

Le monde moderne est plein de religion dissipée.

C’est dans la mesure où la religion n’existe plus dans notre monde que notre monde en est infesté. Elle est répandue partout sans être présente à sa place. Elle n’y est même pas chez les prêtres. Il suffit d’entendre les sermons du dimanche matin : ce qui se dit dans l'église même, ce n’est pas la doctrine qui doit y fleurir, c’est la vague phraséologie humanitaire qui coule partout ; ce n’est pas une chose forte, rigoureuse, pleine de promesses de vie pour ceux qui l’adoptent, c’est un verbiage sans vigueur et sans rigueur où la religion elle-même essaye de vivre aux crochets de l’idéologie régnante.

356.

Bergson et le catholicisme : il me dit qu’il s’en est rapproché de plus en plus. Il croit à sa vitalité profonde.

Sa faiblesse est de vouloir être à la mode, au lieu d’être soi-même. Jamais les hommes n’ont eu un plus grand besoin de la religion essentielle. Il le croit comme moi.

Il ne peut y avoir de sentiment réel de la fraternité que par un sentiment religieux qui ajoute ou superpose la nature d’homme au sentiment que nous avons de nous-mêmes par notre existence sociale et nationale.

357

Le catholicisme : comme tant de grandes choses d’aujourd’hui, sa faiblesse, ce n’est pas d’être menacé à sa frontière, c’est d’être pauvre dans son centre. (pp. 182-183)
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155

[...]
Cet ancien monde, nous sentons aussi qu'il fut plus noble ; ce qui témoigne pour lui, ce ne sont pas seulement les grands hommes qui brillent sur ses sommets, mais la multitude de belles âmes qui ont obscurément vécu dans ses profondeurs ; il a vraiment été noble, puisqu'il a permis aux plus humbles de n'être pas vils. Il a sincèrement aimé la grandeur, il a apprécié et favorisé le mérite dans tous les ordres.

Ce qui flétrit, au contraire, l'époque des démocraties, c'est qu'il s'agit là d'un monde menteur, où tout est erreur dans les idées, sans que rien soit noblesse dans les sentiments, et où les grands mots servent à couvrir les vilains instincts. Si l'on prenait les rois d'autrefois, tels qu'ils furent, et qu'on les comparât aux politiciens d'aujourd'hui, tels qu'ils sont, où croit-on qu'on trouverait le plus de gravité, de méditation, de scrupule, et un sentiment plus vrai du devoir ?

Et si l'on considère l'ancien Etat, ne le trouve-t-on pas, malgré ses imperfections, bien modeste, bien discret et bien respectueux de la personne humaine, en comparaison de l'Etat démocratique qui fabrique tant de lois qu'il n'en conserve plus aucune, ou de l'Etat totalitaire qui avale corps et âme ses administrés, ou de l'Etat bolchevique qui ayant ôté aux malheureux sur lesquels il règne Dieu, les arts, les lettres, la famille, l'amour, les libres études et les libres loisirs, leur donne à adorer des moteurs et des casseroles ? (7 décembre 1933)
[...] (pp. 75-76)
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216

Tout homme doit être libre, non point dans l’ordre politique, mais pour pouvoir y échapper. Tout homme doit avoir une moitié de sa vie qui ne soit qu’à lui, non pas pour s’y enfermer dans l’isolement avide et sinistre de l’individu, mais pour la dédier à ce qu’il aime, à des êtres qu’il a choisis, à une famille, à un groupe humain – social ou religieux – à un travail qu’il préfère (revenir sur son métier pour en faire un art), à une oisiveté, une paresse où il laisse son âme chanter.

Cette liberté doit être marquée par une propriété (la propriété, support de l’âme) : d’une part elle nous insère dans l’organisation sociale, nous impose des obligations connexes aux avantages qu’elle nous assure ; d’autre part elle nous en retire pour nous livrer à nous-mêmes.

Avoir est la condition d’être.

217

Qu’il s’agisse de la plus modeste demeure ou de la plus riche, notre maison n’est pas faite pour continuer le monde de la rue, mais pour l’interrompre. Elle marque l’endroit où nous insérons notre royaume dans celui des autres. Elle est notre prison apparente et le lieu même de notre liberté. Ce n’est pas assez de dire qu’elle est à nous : elle est le commencement de nous-mêmes.

218

Le peintre du bonheur, ce n’est pas ce Turner échafaudant des villes fantastiques si vaines qu’elles ne tiennent pas debout, ce n’est pas même ce grand Claude exposant au soleil tranquille de l’après-midi la mare du château enchanté entre le moutonnement des arbres et celui des flots. C’est ce Vermeer qui reproduit avec une exactitude obstinée notre chambre et les objets familiers qui nous entourent, et qui plonge tout en bloc dans un autre monde limpide. Ce n’est pas celui qui consolide le fabuleux, c’est celui qui transfigure l’ordinaire. (pp. 136-137)
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339

Les animaux et nous, nous sommes embarqués dans la même aventure, nous sommes les passagers différents du même navire. L’individualité des êtres commence au plus bas degré. Ceux d’entre les hommes qui ont connu des bêtes : chevaux, chiens ou chats, ceux qui ont élevé des oiseaux savent quelles sont la diversité et l’inégalité prodigieuses des natures dans les espèces animales, et comment la bonté, le courage, le dévouement, la tendresse et l’amour qui rendent sacrés les cœurs humains, commencent bien au-dessous d’eux. Tout le monde vivant est plein d’un effort d’âmes. Tel animal qui nous est ami mérite vraiment d’être regardé comme une personne, car il en a le caractère unique. Tandis que l’individu qui a rompu tous les fils qui le reliaient à l’univers frisonne dans sa misère où il se sent seul, l’homme d’intelligence et de sympathie, au contraire, se sent vivre hors de son corps, il s’évade dans les bêtes, il s’envole dans les oiseaux.

Il est deux sortes de libertés : la liberté au sens politique du mot, qui se définit par l’extension de l’activité qui nous est permise en surface, et la liberté réelle, qui est une évasion par la profondeur. C’est dans ce dernier sens qu’un homme qui s’est joint à la nature sera toujours libre et ne se trouvera jamais seul. Même dans les villes, il sent passer sur son front un vent frais qui l’avertit que la violette pullule au bord des ruisseaux et, à la fin de février, son oreille recueille avec délice, au-dessus du grondement des voitures, le chant audacieux du merle qui ordonne à l’hiver de déguerpir. Il contemple un instant ces opulents nuages de l’après-midi qui font lever la tête à ceux qui travaillent et qui promènent dans le ciel l’âme des prisonniers.

Un tel homme sera toujours prévenu contre le danger du rester captif d’un ennui mesquin, il ne sera jamais tout à fait cerné par les soucis de la vie. Un seul bouquet lui parlera de tous les jardins. Avoir avec la nature ce commerce habituel et constant, c’est ce qui nous aide le mieux à vivre et ce qui peut nous disposer à mourir plus facilement. Lorsque nous sommes ainsi reliés à l’univers, il doit nous paraître moins affreux de retomber en lui, car si la mort nous sépare alors des amis que nous avons parmi les hommes, elle nous ramène peut-être vers les amitiés que nous avons ailleurs. (Extrait d’une conférence prononcée le 3 décembre 1937.) (pp. 174-175)
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CHAPITRES : 0:00 - Titre
A : 0:06 - ACTE - Jacques Deval 0:16 - ACTION - Sacha Guitry 0:28 - ADMIRATION - Comtesse Diane 0:38 - ADULTÈRE - Daniel Darc 0:59 - ÂGE - Fabrice Carré 1:08 - AMI - Jean Paulhan 1:18 - AMIS - Madame du Deffand 1:30 - AMOUR - André Birabeau 1:40 - AMOUR - Madeleine de Scudéry 1:51 - AMOUR DES FEMMES - Edmond Jaloux 2:03 - AMOUR ET FEMMES - Paul Géraldy 2:16 - AMUSEMENT - Jean Delacour 2:36 - ANIMAL - André Suarès 2:47 - APPARENCE - Nathalie Clifford-Barney 2:57 - ARGUMENT - Léonce Bourliaguet 3:07 - AVARICE - Abel Bonnard 3:19 - AVENIR - Gustave Flaubert 3:28 - AVIS - Marie d'Arconville
B : 3:37 - BAISER - Tristan Bernard 3:49 - BEAUTÉ - Fontenelle 4:00 - BÊTISE - Valtour 4:13 - BIBLIOTHÈQUE - André de Prémontval 4:24 - BLASÉ - Louise-Victorine Ackermann 4:35 - BONHEUR - Henri Barbusse 4:45 - BUT - Richelieu
C : 4:54 - CAPITAL - Auguste Detoeuf 5:10 - CERVEAU - Charles d'Ollone 5:20 - CHANCE - Pierre Aguétant 5:31 - COMPRENDRE - Charles Ferdinand Ramuz 5:42 - CONSEIL - Maurice Garçot
5:55 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Jean Delacour, Tout l'esprit français, Paris, Albin Michel, 1974.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Jacques Deval : http://www.lepetitcelinien.com/2013/06/lettre-inedite-louis-ferdinand-celine-jacques-deval.html Sacha Guitry : https://de.wikipedia.org/wiki/Sacha_Guitry#/media/Datei:Sacha_Guitry_1931_(2).jp Comtesse Diane : https://www.babelio.com/auteur/Marie-Josephine-de-Suin-dite-Comtesse-Diane/303306 Jean Paulhan : https://jeanpaulhan-sljp.fr/ Madame du Deffand : https://fr.wikipedia.org/wiki/Madame_du_Deffand#/media/Fichier:Mme_du_Deffant_CIPA0635.jpg André Birabeau : https://fr.wikipedia.org/wiki/André_Birabeau#/media/Fichier:André_Birabeau_1938.jpg Madeleine de Scudéry : https://www.posterazzi.com/madeleine-de-scudery-n-1607-1701-french-poet-and-novelist-wood-engraving-19th-century-after-a-painting-by-elizabeth-cheron-poster-print-by-granger-collection-item-vargrc0078786/ Edmond Jaloux : https://excerpts.numilog.com/books/9791037103666.pdf Paul Géraldy : https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Géraldy#/media/Fichier:Paul_Géraldy_by_André_Taponier.jpg André Suarès : https://www.edition-originale.com/fr/litterature/divers-litterature/suares-correspondance-1904-1938-1951-79921 Nathalie Clifford-Barney : https://www.amazon.fr/Eparpillements-Natalie-Clifford-Barney/dp/B081KQLJ87 Léonce Bourliaguet : https://www.babelio.com/auteur/Leonce-Bourliaguet/123718/photos Abel Bonnard : https://twitter.com/wrathofgnon/status/840114996193329153 Gustave Flaubert : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/ea/
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