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Une brève note de lecture en 5 étoiles et 7 mots-clés :

#OBJETS : Omniprésence de ce concret (beaucoup de pierres), ces objets repères (« planches courbes ») auxquels le poète se rattache et donne « une voix » ; « Tout cela, mon ami,/Vivre, qui noue/Hier, notre illusion,/À demain, nos ombres. […] Foudre qui dort encore/Les traits en paix,/Souriante comme avant/Qu'il y ait langage. » (p. 33-34).
#TRADUCTEUR : le poète traduit ici le langage poétique des objets tout comme il a admirablement bien et beaucoup traduit des livres (de l'anglais, de l'italien).
#ESCHATOLOGIE : présence de l'interprétation sur l'au-delà et sur Dieu, bien que Bonnefoy soit athée.
#CONCEPT : On dit que Bonnefoy s'est beaucoup intéressé au « concept », qu'il critique, pour s'attacher au « mot ». En effet, il arrive fréquemment que le sens de mots se dérobe.
#SURRÉALISME : On en ressent encore l'influence bien après la rupture avec ce mouvement.
#PASSAGE : La question de la relation aux parents (ou à Dieu), de la transmission, du comment on grandit.
#MYTHOLOGIE : de nombreux renvois, notamment à des personnages comme Ulysse, Charon, Orphée.
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La poésie d'Yves Bonnefoy s'écoule comme un murmure, un doux chuchotement. Quand on la lit, étrangement, l'on a envie de faire silence. Silence au fond de soi, au fond de son coeur, au fond de son être, porté seulement par le frissonnement que procure cette voix poétique prodiguée avec la légèreté et la grâce d'un souffle, furtive douceur d'une poésie qui se fait berceuse dans la ouate des sens.

Cela s'entend, cela s'écoute comme un chant de vie à la fois proche et lointain, comme une répercussion de notes où se jouent mémoire et temps présent, réalité et songe, une définition du monde dans un écrin de sens, dans le creuset où naissent les sensations et les émotions primales, où participe l'affect davantage que l'intellect.
Les mots s'épandent en chapelet de sons, nous faisant le don d'une musique intérieure, faisant vibrer une corde sensible en frémissant vibrato. « Aller, par au-delà presque le langage / Avec rien qu'un peu de lumière »…
La poésie d'Yves Bonnefoy est tout en réceptivité, elle puise sa sève dans le perceptif, dans l'intuitif et le sensoriel, dans l'entendement du coeur. « Couché au plus creux d'une barque / le front, les yeux contre ses planches courbes », on la vit comme un voyage sur l'embarcation des mots.

Comme souvent avec Yves Bonnefoy, le travail artistique est avant tout une exploration, et le recueil « Les planches courbes », rassemblant poèmes en prose et textes poétiques, est une entrée en méditation, une incursion au coeur du langage, du temps, de la nature, de la mémoire.
Le poète est un « faiseur de sens », le créateur d'ornements à la fois mélodiques et littéraires, il étanche à la source du verbe notre soif de beauté, de sérénité et de gravité ; il dessine une carte de l'intime à parcourir avec la pulpe des sentiments, il se fait passeur de mots qui, infusés, répandus au coeur de l'être, appellent images et impressions.

Poète du dépouillement et de la sobriété, puisant dans l'éther du langage, dans « les ruines de la parole », dans l'alchimie des mots, la connaissance imparfaite, incohérente, illusoire de ce qui nous fait et de ce que nous sommes, « navires lourds de nous-mêmes / débordants de choses fermées », regardant « à la proue de notre périple toute une eau noire / s'ouvrir presque et se refuser, à jamais sans rive. »
« Partout en nous rien que l'humble mensonge / Des mots qui offrent plus que ce qui est / Ou disent autre chose que ce qui est »…

Mais comme il est bon parfois de ne pas tout expliquer en poésie, de refuser toute interprétation extérieure qui viendrait fausser la donne de son ressenti pour se laisser, tout simplement, humblement, porter par la musicalité des mots !
Ecouter cette poésie comme voix murmurante, susurrante, bruissant comme des pas dans l'herbe fraîche un matin de rosée, ne comprendre qu'avec ses sens, qu'avec sa peau, qu'avec ce qu'impriment sur l'épiderme ces mots baignés de sensualité et de lumière, afin de mettre, subrepticement, dans le calme des nuits, « ses pieds nus dans l'eau du rêve »...
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J'ai passé mon bac en 2007... Autrement dit, une éternité de cela. Enfin c'est l'impression que j'ai en tout cas.
Au programme de la filière l'(en plus, ça n'existe plus, c'est dire que de l'eau a coulé sous les ponts...), cette année-là, ce petit ouvrage.
Qui m'a résisté.
Dont je ne comprenais pas grand chose.
Que j'avais envie de foutre au feu.

Et aujourd'hui ?
Des passages entiers me hantent. Je les ai absorbés, digérés, pensés, interrogés.

Florilège :

«Nous sommes des navires lourds de nous-mêmes,
Débordants de choses fermées, nous regardons
À la proue de notre périple toute une eau noire
S'ouvrir presque et se refuser, à jamais sans rive.»

«Je pourrais m'écrier que partout sur terre
Injustice et malheur ravagent le sens
Que l'esprit a rêvé de donner au monde,
En somme, me souvenir de ce qui est,
N'être que la lucidité qui désespère
Et, bien que soit retorse
Aux branches du jardin d'Armide la chimère
Qui leurre autant la raison que le rêve,
Abandonner les mots à qui rature,
Prose, par évidence de la matière,
L'offre de la beauté dans la vérité.»

«Et demain, à l'éveil,
Peut-être que nos vies seront plus confiantes
Où des voix et des ombres s'attarderont,
Mais détournées, calmes, inattentives,
Sans guerre, sans reproche, cependant
Que l'enfant près de nous, sur le chemin,
Secouera en riant sa tête immense,
Nous regardant avec la gaucherie
De l'esprit qui reprend à son origine
Sa tâche de lumière dans l'énigme»

Bon, je ne prétends pas avoir tout compris aujourd'hui non plus. J'ai simplement accepté et entraperçu le pouvoir magique de la poésie.
L'alchimie des mots.
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Un recueil de poésie qui m'a été imposé pour le bac et qui ne m'a pas plu du tout. Même si les thèmes abordés me plaisait, impossible pour moi d'aborder ces poèmes si complexes....
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Comme souvent, l'inscription à un programme scolaire d'un grand livre, d'un grand poète, se révèle contre-productive : dans une intention louable de mettre la vraie littérature à la portée de ceux qui ne lisent pas, ou pire, qui ne lisent que des sous-produits "culturels" frelatés, on expose le poème et le poète aux insultes des ignorants et au ressentiment des demi-habiles.

Bonnefoy, dans ce recueil, s'écarte quelque peu de la poésie moderniste, en ce qu'il laisse une place assez large à la compréhension rationnelle, à la pensée, et ne fonde pas tous ses effets sur les associations libres d'images et de sons, auxquelles les surréalistes et leurs héritiers nous ont habitués. Riche d'images et de mythes, sa poésie interroge aussi le lecteur à la façon de l'essai : il renoue ainsi avec une tradition ancienne, celle du discours en vers, que Ronsard avait su remettre à l'honneur, à l'imitation des Grecs et des Latins, dans notre littérature. La pensée et l'imagination collaborent sans que l'une prenne le pas sur l'autre.

Cela rend-il Bonnefoy plus "compréhensible" que les autres poètes contemporains ? En un sens, oui. Mais sûrement pas à des lecteurs contraints de Terminale "littéraire", ni à des amateurs pour qui penser, c'est rabâcher des évidences et des lieux communs qui font se sentir bien ensemble. Sa poésie, comme toute littérature digne de ce nom, nous demande un effort, ce qui ne peut que nous scandaliser, habitués que nous sommes aux plaisirs faciles. L'effort, évidemment, débouche sur des jouissances littéraires accrues, mais réservées à ceux qui les désirent vraiment.
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Les planches courbes, cela va d'abord être pour moi les quelques morceaux de bois assemblés de guingois au pied d'un immeuble servant de boîte à livres, sur lequel j'ai trouvé ce recueil. le charme d'une rencontre aléatoire...
Depuis quelques mois, je fais un voyage à travers la poésie française, rencontrant des lieux et des styles différents, des vers musicaux de Verlaine présentant une Venise galante fantasmée autant que la modernité de Paris ou la froide et plate Belgique, la Rome éternelle en ruines dans les alexandrins classiques de Bellay, ou le corps-paysage d'Elsa aimée comme la France chantée par le lyrisme d'Aragon. Et ici, c'est une maison natale de campagne, un ruisseau, des champs. A travers ce voyage dans ces différentes oeuvres, même si je maîtrise moins la poésie contemporaine, je vois bien que la définition de la poésie, c'est la musicalité et les images évoquées.
Je découvre Yves Bonnefoy, je ne vais pas pouvoir l'analyser de façon érudite. Mais j'ai été séduite par de belles images mélancoliques, vues comme à travers une buée, un peu effacées, ou le souvenir se mêle à la mythologie. La buée du souvenir dans les récits du retour du père, la buée derrière la vitre sous la pluie d'été, un champ de blé dont l'image se brouille en plein soleil. J'ai apprécié la sensualité qui se dégage de la lune, des étoiles, d'une robe rouge, de la forme d'un sein. Cette femme est peut-être partie, est peut-être un souvenir, est peut-être nymphe ou déesse - et on retrouve l'idée de fécondité avec Cérès... Une image très forte est liée à la barque, faite de planches courbes, la barque qui est celle de migrants traversant une mer - la première marque originelle étant, toujours dans la mythologie, celle de Charon transportant les morts...
Ce sont donc des souvenirs, en partie idéalisés, ou recréés. Quel est cet enfant, mi-réel mi-mythologique qui hante le début du texte ? Est-ce un enfant mort, pleuré par le poète comme Léopoldine ? Ou est-ce l'enfant perdu qu'était le poète lui-même dans sa jeunesse ? Car il est évoqué à travers l'image embrumée elle-aussi du père. Cet enfant, ce pourrait aussi être un dieu, voire le Dieu lui-même, l'enfant-Christ, comme dans la légende de saint-Christophe ?
Mais néanmoins, les dernières parties m'ont moins séduites, celles à tonalité théologique, car je n'ai pas les clefs pour les comprendre, découvrant l'auteur.
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Lu et étudié pour le bac 2006 au lycée... J'ai gardé cet objet davantage pour le souvenir insolite, avec le recul drôle, mais sur le moment, c'était tout sauf une partie de plaisir.

Quand il s'agit de poésie, je suis très conservateur. À partir du moment où le poète s'affranchit du vers, à moins d'un miracle, je trouve qu'il n'y a plus rien à se mettre sous la dent. Vous aurez donc compris que des gens comme Michaux, ainsi que ses disciples comme Bonnefoy, sont le moment où l'on sort pour moi, de ce que je considère comme de la poésie. Ils donnent du vide en pâture au lecteur et celui-ci va devoir s'imaginer tout un tas d'interprétations capillo-tractées à partir d'une sorte de néant artistique. Il y en a des auteurs difficiles, ce n'est pas ça qui me dérange, bien au contraire, je cherche à toujours plus repousser les limites de la soi-disant difficulté de lecture... Mais les poètes du vide, ce n'est pas quelque chose de difficile, c'est du vide, il n'y a rien, aucun interêt. Si le théâtre y arrive très bien avec des gens comme Beckett, pour moi, la poésie, en faisant la même chose, se dénature et perd tous ses atours, et avec eux, tout ce qui fait qu'on l'aime. Ses jeux musicaux avec la langue...

Après Hugo, le chaos. Quoique, le début du XXième en a quelques-uns sympas.

Il reste tout de même certain que d'ici plusieurs années, je lui redonnerai sa chance, car Bonnefoy a tout de même mon estime en tant que traducteur de Shakespeare.

Note de 2021 : J'ai écrit cela en 2013, avec mes goûts d'alors. ll est certain que je n'avais pas lu Baudelaire, ni Rimbaud, ni Apollinaire... Mais mon appréciation pour la poésie à partir de Michaux reste inchangée. Je maintiens tout de même qu'il me faudra sans doute retenter un jour...
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Même si les thèmes abordés auraient pu me plaire, notamment l'enfance et la nature, j'ai trouvé ce recueil très hermétique. Ce livre peut plaire aux inconditionnels de la poésie, mais pour un premier abord ce n'est pas ce qui me semble approprié.
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J'avoue que je connaissais mal l'oeuvre d'Yves Bonnefoy (1923-2016). Je savais seulement qu'il est considéré comme un grand poète. J'ai voulu en savoir plus et j'ai parcouru avec intérêt "Les planches courbes" (paru en 2001). En fait, le présent recueil contient également des poèmes parus sous d'autres titres. La poésie d'Yves Bonnefoy me semble délicate, sobre, mystérieuse, à l'opposé de l'expressionnisme. Parfois j'ai pensé à Paul Valéry; ses vers sont peut-être moins géniaux, mais ils sont souvent plus fluides. En tout cas, j'ai apprécié cette découverte.
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J'aime la posésie mais là...Il faut être vraiment très fort pour comprendre les mots d'un poète qui dit lui-même "ne pas toujours comprendre ce qu'il écrit"...
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