Les guerriers du silence est le premier volume d'une trilogie. C'est un respectable pavé de plus de 600 pages, qui raconte comment les Scaythes d'Hyponéros, des sortes d'humains à la mine patibulaire, aux intentions mauvaises et aux puissantes facultés psychiques, ont pris le pouvoir dans la confédération de Naflin, qui regroupe des centaines de monde quelque part dans la Voie Lactée. Pour mettre toutes les chances de leur côté, ces brutes se sont alliées avec le clergé kreuzien qui, au nom de conceptions religieuses rigoristes et extrêmes, a vite fait de condamner les hérétiques ou dénoncés comme tels, au supplice de la croix de feu, et aux mercenaires et assassins de Pritiv, qui exécutent sans sourciller, avec un plaisir sadique et une grande efficacité, les basses oeuvres de leurs clients.
Comment les mondes désormais sous le joug d'un empire et d'une Eglise totalitaires vont-ils se sortir de ce mauvais pas ? Il faut pour le savoir lire les deux autres volumes de la trilogie, Terra Mater et La citadelle d'Hyponéros.
C'est le premier livre de
Pierre Bordage que je lis. Je l'ai choisi un peu par hasard, en cherchant un auteur réputé pour me mettre à la science-fiction, et je suis plutôt déçu.
Il y a quelque chose de très maladroit et de très naïf dans ce roman. Voilà tout d'abord un space opéra qui échoue totalement à faire ressentir les notions de temps et d'espace. Toute l'action se passe en quelques jours, dans une sorte de blitzkrieg interplanétaire parfaitement coordonnée, où il faut moins de temps pour conquérir la galaxie que l'armée allemande n'en a mis en 1940 pour s'emparer des Pays-Bas ! Côté espace, on joue à saute-planète, passant d'un système à l'autre à coup de deremat, des machines à voyager par transfert de cellules. Admettons. Sauf qu'une fois arrivés sur des planètes nouvelles et probablement très vastes, les personnages passent leur temps à se croiser et se rencontrer, comme s'ils étaient dans un village avec deux ou trois rues et une unique place centrale.
Mais ça n'est en fait que le symptôme d'un problème encore plus embêtant : les mondes dans lesquels le roman nous promène ne sont que des morceaux de la Terre mal déguisés. Ça devient presqu'un jeu d'essayer de reconnaître les régions du monde qui ont inspiré telle planète, telle ville ou encore tel trait de civilisation. Cette planète aux deux saisons où il pleut beaucoup et à la végétation luxuriante pourrait être l'Amazonie par exemple. Telle autre avec son océan immense et ses sympathiques villages de pêcheurs pourrait être un coin de Méditerranée ou un bout d'Afrique. Telle métropole raffinée tient de Rome et de Venise, etc. A ce compte, tout aurait pu se passer sur Terre. Ce n'est en effet pas la peine d'aller aussi loin pour trouver ce que nous avons ici. le vernis de gadgets technologiques, livrés avec de rapides explications techniques sur leur fonctionnement, de capacités psychiques permettant de lire dans les pensées, de tuer mentalement ou de se déplacer par la pensée, d'animaux exotiques rappelant des paons, des vaches, des baleines ou des crocodiles mutants, et de noms un peu poétiques de lieux, d'étoiles ou de satellites, n'arrive pas à masquer l'incapacité de l'auteur à imaginer autre chose que ce qui nous entoure. C'est de la science-fiction sans science et de l'intergalactique avec une galaxie qui tient dans la poche. le syndrome Star Wars en somme : tout sonne creux.
La même superficialité vaut pour les personnages. le personnage principal est un jeune dépressif chronique qui a peur de tout, mais qui ramasse un don nouveau à chaque chapitre. C'est la figure classique du héros de roman d'initiation, mais là, il part vraiment de loin et on se demande bien pourquoi c'est à lui que ça arrive, pourquoi c'est lui qui devra sauver les mondes, puisque c'est avec l'annonce de ce beau destin que se termine le livre. Les autres sont très stéréotypés : les méchants sont très méchants, en plus ils sont laids, retors, volontiers pervers et, pour les pires, pédophiles. Ceux qui vont être renversés et liquidés sont très imbus d'eux-mêmes mais ils ne voient rien venir, et ceux qui aident le personnage principal sont de braves gens simples et généreux, qui ne se posent pas de question et qui sont tout contents de rendre service. de manière générale, tout le monde a une psychologie et des émotions simplistes : la stupeur, la colère, la fébrilité, l'inquiétude, la nervosité semblent être des états permanents, sans nuance.
Quant à l'histoire, c'est une succession de péripéties qu'on apprend vite à voir venir tellement elles sont téléphonées. Elles sont tout aussi superficielles que le reste puisqu'elles en sont l'aboutissement : tout va vite, tout est simple et se termine sans surprise.
Pierre Bordage a voulu faire grand, mais il a oublié de faire profond. Ses mondes et son histoire n'ont pas de fondations, ils ne reposent sur rien de solide, parce qu'il pas à développer ni construire quelque chose de structuré. Au bout du compte, ça se lit vite et ça n'est pas désagréable, mais c'est simpliste et très adolescent.