Comme j'aimerais que l'on réhabilite un peu plus ce poète discret et secret, ami de Pierre Seghers! Un poète de la passion , du tourment, entre amour et mort...
Je l'ai découvert d'abord au hasard de quelques poèmes de lui, qui m'avaient impressionnée par leur force d'évocation. J'ai voulu poursuivre ma recherche, je me suis renseignée sur ce poète .Né en 1915, avocat appartenant au milieu bourgeois de Montelimar, il trouve sa voix/ voie intime dans la poésie. " Pour moi la poésie seule est la vie, tout le reste est subsistance." A l'écart des scintillements parisiens, il tracera son chemin de poète, ténébreux et inspiré, comme ses expressifs yeux noirs ( La photo de Babelio ne lui rend pas hommage, c'était un bel homme , élégant, mystérieux, du moins je le vois ainsi d'après d'autres photos).Il meurt brutalement à 47 ans, dans un accident de voiture.
J'ai ensuite entrepris la lecture de ses oeuvres complètes .
Superbes textes, tout en incandescence, en puissance , en transes!
" Te devêtir
aller vers encore plus de lumière et de brûlure
alors que tu m'aveugles déjà ".
L'amour, son éblouissement, et la vie contre la mort, qu'il tente d'exorciser.
" Vie comme tu brilles encore dans mon sang qui persiste"...
Les images , dans ses textes, le choix des mots me touchent en profondeur, le vertige de la mort, les résistances de la vie, l'explosion amoureuse.
Cette rencontre avec Alain Borne a été pour moi foudroyante, comme sa vision de l'amour... Qu'il puisse être un éclair, pour vous aussi un tremblement de lumière,c'est mon désir le plus cher...
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Si tu disparais de mes yeux
trop longtemps
je n'aurai de toi dans la nuit de ma tête
que le pâle clair de lune de ton image
je n'aurai
qu'un reflet de tes yeux
traversant des nuages
le mot double de ta bouche
illisible sur la page de ta face.
Si tu disparais de mes yeux je n'aurai
rien que leur envers incertain
perchoir où se pose
chaque vague souvenir et bientôt
je ne saurai
si c'est ton ombre que je retiens
ou un rêve déchiré
ou un passé qui jette de sa cendre
la dernière étincelle.
Si tu disparais je n'aurai
que le frisson au bout des doigts
de ta chair
fleur gardée fraîche par le désir
et que le souvenir
de tes dents derrière mes lèvres.
Je t'aime
Il n'y a rien pour mieux le dire
tout est infirme
le mot le baiser l'étreinte.
Pourtant je t'aime
je veux dire que je brûle
et seulement de toi
je veux dire qu'il faudrait
que la mort nous devienne ensemble.
Pourtant je t'aime
je veux dire que seule ta chair
fait un corps de mon corps
je veux dire que toi seule panse
la blessure de vivre.
Dis-moi que tout n'est pas fini de mon enfance
que je n'ai pas épuisé les jeux,
ceux où l'on rampe,
ceux où l'eau coule dans la poussière,
que je rirai de nouveau dans un tablier blanc.
Dis-moi que mon âme sera tendre
et que de belles mains inconnues doucement
la couvriront de fleurs
qu'on cherchera encore mon âme,
dans mes yeux levés vers le ciel.
Qui sera là tout près de moi?
quelle voix tranquille assurera
la musique en mon coeur?
O je vous aime
ma solitude crie à travers ce papier
comme dans le château
la voix du prince vers la belle endormie.
O je vous aime
ma solitude crie et tend ses mains lointaines
à tâtons vers vos mains
je ne veux plus de ce poème
ni du mensonge de mon rêne
mais le pain de vos lèvres
mais le vin de vos yeux
mais l'air de votre souffle.
Que m'importe que dans mon poème ton corps
soit un soleil en forme de femme
si ton corps de glaise et de sang
reste aussi loin que l'astre dont je te pétris.
Que m'importe le poème
s'il n'est que mots sur l'absence.
Alain Borne. Quand je serai mort.