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EAN : 9782072966439
112 pages
Gallimard (03/02/2022)
3.35/5   13 notes
Résumé :
En 1998, du fond de l’oubli, une voix au téléphone informe Paule du Bouchet de la mort de Miette, son amie d’enfance. Miette fut la compagne des petits riens comme des heures intenses ; une jeune fille ardente, en mouvement, à la joie contagieuse mais à la mélancolie abyssale. Cette « amie-sœur » avait un secret qu’elle taisait. Par traits successifs et avec une puissance narrative étonnante, Paule du Bouchet offre un portrait singulier de Miette, et, en creux, d’el... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Un livre donne satisfaction au lecteur quand il tient sa promesse de lecture, ce contrat tacite dont les « écritures » (au sens juridique) se nichent pour l'essentiel dans un titre ou une quatrième de couverture. Mais un livre est un joyau quand il va au-delà, quand le lecteur se sent emporté dans une promenade qui l'émeut et le grandit, pleine de mystères et de trésors cachés.
Et c'est le cas de L'annonce, de Paule du Bouchet.


Ce récit de la trajectoire d'une amitié sculpte par des phrases ciselées, courtes et poétiques, non pas un, mais deux portraits. Celui de l'amie (Miette) et celui de la narratrice. Par ce double portrait, le contrat de lecture est déjà pleinement rempli. Mais soudain la tragédie prend corps par la force de cinq mots, comme le tranchant d'un glaive, comme chez Racine : « Bien sûr, il est entré. » Par ces cinq mots l'auteure montre toute sa virtuosité et fait basculer le récit.


De Miette, on découvre peu à peu la vivacité, l'intelligence, la gaieté (parfois excessive, ce qui fait symptôme), la maturité, le goût pour la domination (« …j'avais le sentiment de faire allégeance… ») dont on comprend plus loin le caractère symptomatique, et la latence douloureuse et permanente du drame. Comme dans une tragédie, la tension s'installe dès les premières lignes :
« …selon les modalités singulières de cette amitié, c'était à elle, Miette, de m'apprendre sa mort. »
Et plus le récit avance, plus l'on devine que cette histoire n'est pas banale, plus le mystère s'épaissit. On pense ici à Jean Paulhan : « Les gens gagnent à être connus : ils y gagnent en mystère. »

De la narratrice, on lit en filigrane la naissance précoce d'une vocation : celle d'écrire, engendré par un rapport insatisfaisant, voire frustrant, à l'oralité. On pense ici à George Perec (W, ou le souvenir d'enfance) : « L'indicible n'est pas tapi dans l'écriture, il est ce qui l'a bien avant déclenché. » Dans L'annonce certaines phrases y font explicitement allusion :
« Dès que j'ouvrais la bouche, c'était comme si la réalité se délitait. »
Ou encore :
« Je vivais, moi, les choses du quotidien dans une sorte de douleur brumeuse que j'étais incapable de mettre en mots. »
On trouve, mine de rien, dans la genèse de cette amitié, des allusions explicites aux préoccupations cardinales de tout narrateur, notamment la recherche de « l'effet de réel », comme ici : « …son aptitude non seulement à échapper au monde ordinaire, mais à s'en construire un autre, parfaitement convainquant, me paraissait hautement enviable. » Ce qui nous ramène, encore une fois, à la phrase de Perec ci-dessus…
Plus loin, la magie de la narration niche peut-être dans la réappropriation du présent par le récit : « Avec Miette, j'aurais appris que le présent n'était en aucune manière un bien commun, mais une création particulière. Que le recycler était une manière efficace de se l'approprier. »
On pourrait citer bien d'autres passages encore, notamment l'épisode, à sept ans, de la fétichisation de l'écriture : « J'étais troublée par l'idée de salir le cahier… ». Un peu plus loin, on retrouve l'importance de tisser par les mots des fils chargés de sens, la recherche de la « soif de continuité ».


Et puis, il y a l'amitié, l'interaction si belle et si subtile qui se noue entre ces deux êtres :
« Respecter son secret, c'était d'une manière le partager. »
Ou encore :
« Qu'elle nous imagine ensemble me bouleversait toujours. »
Une amitié également teintée de culpabilité : « …je n'aurai jamais cessé de me demander ce qui relevait de sa décision ou de ma faute. » La narratrice n'est pas en situation de décision. L'amie ne peut pas être en situation de faute…


Un des thèmes centraux de cet émouvant récit est la superposition des temps : le temps de l'amitié (1956- ?), le temps de la mort de Miette (avant 1998), le temps de l'annonce (1998) et le temps de la narration (probablement 2020-2021, si l'on se fie à la date de publication). Entre ces quatre jalons, on devine une lente et douloureuse maturation : la distillation du sens. Un processus précieux et fragile, que le temps réel, chronologique, le temps de l'action et du présent, trop rapide, ne permet pas.


Enfin, le récit, d'abord limité aux premières années d'une amitié d'enfance, prend une dimension socio-historique et une amplitude universelle, notamment par l'évocation d'une assimilation, concevable alors, d'un crime à « une forme d'esthétique de la vie ».
L'annonce témoigne, avec pudeur et justesse, des vies brisées qu'une époque pas si lointaine enfantait en silence.
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Lecture audio

Une histoire d'amitié, celle qui lie la narratrice et Miette dont elle vient d'apprendre le décès. Elle retrace ce qui les liait, comment elles étaient différentes et pourtant très unies mais au fil de la narration plane un mystère.
Une amitié narrée de façon très succincte mais qui reflète les personnalités de chacune et les sentiments de la narratrice face à Miette.
Une centaine de pages qui évoquent donc une amitié mais également une époque, des milieux sociaux avec un dénouement rapide qui m'a surprise.
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Surface sensible.

Voici un livre intense, tenu et bouleversant.
L'histoire d'une triple singularité. Celle d'une personnalité trop exceptionnelle, celle d'une amitié trop rare, celle d'un drame trop commun. Paule du Bouchet est parvenue à trouver un ton et une forme spécifiques qui les donnent toutes trois à voir et à ressentir.

C'est une prouesse tant ce récit navigue entre plusieurs dimensions simultanées du réel, tant la fiction et l'imaginaire fondent la relation, tant le temps passé percute le récit. Une prouesse car, si elle ne sauve pas, c'est une écriture qui rend justice. Une écriture qui dit la magie et le drame de ce qui a eu lieu, de celle qui a été. le souvenir et sa complexité sont travaillés pour rendre compte et, mieux encore, pour "rendre conte".

Extrait : « Une sensibilité psychanalytique dirait sans doute que cette réinvention de son présent était destinée à la fuir. Je crois plutôt à l'intuition aiguë de ce qui nous meut, de ce qui nous fait nous endormir le soir et nous lever le matin. L'intuition que le réel n'existe que dans un certain réenchantement. »
Ce n'est pas rien d'écrire cela. Établir depuis les ténèbres de cette histoire que le « réel n'existe que dans un certain réenchantement », c'est un acte de confiance en l'existence. Une confiance qui confine à la défiance.

En reposant le livre, Miette nous hante. Son image latente s'est imprimée en nous. Au sens photochimique, l'on est impressionné. Miette et les mots de son amie nous ont ramenés à notre condition de surface sensible. Qu'elles en soit toutes deux remerciées.
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Vidéo de Paule du Bouchet
Paule du Bouchet vous présente son ouvrage "La langue de l'hirondelle" aux éditions Gallimard.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/3003831/paule-du-bouchet-la-langue-de-l-hirondelle-recit
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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