Magnifiquement sombre
Certains sont seul sur Mars, d'autres le sont dans les Alpes. Un propos similaire, la survie en milieu hostile. de l'espérance en l'homme dans le premier, un profond désespoir pour le second.
Le paradoxe de Fermi, c'est :
1. le titre du célèbre paradoxe dont tout amateur de SF s'est posé au moins une fois la question : si la vie extraterrestre est potentiellement si abondante, pourquoi les petits hommes verts n'ont-ils pas encore frappé à notre porte ?
2. Un roman qui s'ouvre sur une citation du poème Ballade des pendus de
François Villon, mis en musique cinq siècle plus tard par plusieurs chanteurs, dont
Léo Ferré :
Frères humains, qui après nous vivez,
N'ayez les coeurs contre nous endurcis…
3. Une bulle financière qui fait PLOP !
Difficile à priori de faire un rapprochement entre ces trois items, mais l'auteur y arrive admirablement bien.
Voici le journal (donc ne vous attendez pas à de la grande prose littéraire) de Robert Poinsot, 42 ans (un indice), un ex universitaire spécialiste de la dynamique des populations animales appliquée à la lutte contre certaines parasitoses.
Donc Robert, planté seul au sommet d'une montagne des Alpes avec son crayon et son cahier d'écolier pour nous conter l'enchainement des événements. Les chapitres courts alternent entre son vécu de survivant, son passé et son point de vue sur l'histoire et la société. Assez tôt, le narrateur nous dit qu'il est un fugitif. de quoi, de qui ? Il faudra patienter pour le savoir.
Sur un ton légèrement sarcastique, ce journal est celui d'un homme et de sa compréhension des évènements, parcellaires. Suite à l'effondrement de la société, difficile de rester informer, nous avons donc une vision intimiste de ce chaos.
J'ai aimé le coup d'envoi des émeutes américaines :
Si ma mémoire est fidèle, ce sont les retraités qui sont, parmi les premiers, devenus enragés à la suite du Krach. La faillite de nombreux organismes liés aux fonds de pension jetait dans la misère absolue, ou relative, mais du jour au lendemain, des millions de sexagénaires aisés. Ce sont eux qui ont donné le signal de la violence, avec toute la force symbolique et morale que porte l'âge. Les papis et les mamies ont pris les fusils… Ils ont foncé dans les vitrines avec leurs grosses voitures… Quel spectacle ! Quel choc !
Dans de nombreux romans post apocalyptique, la catastrophe a un déclencheur clairement identifié. Ici, même si certains événements ont eu un impact sociétale plus importants que d'autres, à la lecture du journal on réalise que non, c'est tout un ensemble de choses prégnantes dans notre société actuelle qui ont précipité le chaos : la finance, les médias, l'exclusion, les relations internationales et la gouvernance. Il n' y a pas eu la goutte d'eau qui a fait déborder le vase, mais des gouttes d'eau, voir un seau complet. Et tout ça ne s'est pas fait du jour au lendemain. L'impact a eu lieu au loin, puis là bas et ailleurs pour finir ici. Tant que cela ne touchait que le voisin, la population se disait que l'ordre allait bientôt reprendre ses droits. Mais à force de patienter...
L'explication du paradoxe de Fermi arrive naturellement. le seul reproche que je pourrais faire est qu'il rompt avec le style journal du reste. Les conversations sont retranscrites fidèlement alors qu'il ne se rappelle même pas comment il a perdu son arc, une arme qui lui permet de chasser et de se nourrir. Alors on peut ne pas être d'accord avec la solution apportée par l'auteur, peu importe. Mais un roman qui nous fait réfléchir sur les différentes hypothèses possibles a réussi son pari. Peut être un léger côté anthropocentriste
Une couverture splendide qui illustre parfaitement le propos du livre.
J'avais quelques doutes sur ce livre, ayant du mal à cerner où voulait m'emmener l'auteur et du fait d'un côté "clinique", voir essayiste du roman. J'ai eu tout faux, un très bon texte.
A déconseiller cependant à tous ceux qui ont encore espoir en l'homme