18h30. Adèle n'est toujours pas rentrée du lycée. Elle n'est pas joignable sur son portable Inquiètes, sa mère et sa soeur contactent ses amies, découvrent qu'elles se sont fâchées. Dans la chambre d'Adèle, Sophie, sa mère, trouve un mot : Adèle est partie en Syrie, gagner le paradis pour elle et les siens en mourant là-bas. Sophie et son mari Philippe n'ont rien vu venir. Ils n'ont rien deviné de la conversion d'Adèle. D'abord atterrée, Sophie va rencontrer d'autres parents "orphelins". Tous ont vécu des situations différentes mais on retrouve quand même des points communs qui démontrent un endoctrinement de type sectaire.
J'ai d'abord été surprise par la forme de narration choisie pour ce livre : il est écrit comme un roman, à la troisième personne mais du point de vue de Sophie. C'est un peu déstabilisant quand on sait qu'il a été écrit par une personne qui a rencontré Sophie. Cependant, cela présente l'avantage d'une lecture facile (je n'ose pas dire agréable) qui manque parfois dans les livres témoignages.
Dounia Bouzar écrit plutôt bien pour quelqu'un dont ce n'est pas vraiment le "métier" et cela permet de lire son livre sans peine.
Ce que j'ai trouvé le plus intéressant, c'est qu'elle démontre bien que l'embrigadement de ces jeunes est de type sectaire. On pourrait croire, si on s'en tient à la façon dont les médias et les pouvoirs publics présentent la chose, que c'est le libre choix de jeunes qui ont bien le droit de devenir musulmans, même si c'est dans une version radicale. de là, un désintérêt pour leur cause et pour la souffrance de leurs parents. Ce livre a donc le mérite de nous mettre les points sur les i à ce sujet. Par contre, ce qui est effrayant, c'est de constater que cette opinion est également très répandue chez les interlocuteurs des parents : psychologues, travailleurs sociaux, services de police et de justice, responsables politiques. On voit bien, à travers les différents exemples, combien cette méconnaissance de la dimension sectaire de l'embrigadement des jeunes empêche de les aider à s'en sortir ou à ne pas y tomber.
En résumé, un livre vraiment utile pour comprendre la réalité de l'embrigadement des jeunes qui partent faire le "djihad". Il a le mérite d'être (bien) écrit par une spécialiste du sujet qui est en même temps une des rares personnes à avoir essayé de proposer une solution concrète pour désembrigader les jeunes et aider les familles (à travers le Centre de Prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam qui a arrêté son activité début 2016).
Dans les années 90, j'étais particulièrement intéressée par les sectes et les histoires de femmes retenues contre leur volonté dans des pays musulmans (comme
Betty Mahmoody). A la lecture de ce livre, j'ai eu l'impression que ces deux fléaux s'étaient rejoints : non seulement ces jeunes filles sont retenues prisonnières dans un pays en guerre, sous le joug de fous furieux mais, en plus, elles sont endoctrinées au point de ne pas vouloir en partir ! Quel cauchemar cela doit être pour les parents ! Ce livre nous permet de mieux comprendre ce qu'ils vivent.
(Il faut cependant remarquer que la théorie de l'embrigadement sectaire est la lecture que
Dounia Bouzar fait de ce phénomène. Elle n'est pas partagée par tous mais elle a au moins le mérite d'exister.)