On attendait un peu ce huitième opus au tournant : après avoir énormément joué sur l'humour dans les tous premiers tomes de la série, les deux derniers titres se démarquaient par leur épaisseur et leur habile construction. Si certains éléments récurrents auraient pu nous lasser au fil du temps, ils se sont finalement imposés comme des codes plutôt que des redites : la situation financière de l'héroïne amène généralement à l'élément déclencheur de l'intrigue, le meurtre survient le plus souvent après une longue phase d'amorce, Darcy, le chevalier servant de notre adorable lady, débarque toujours par surprise (si bien que ça n'en n'est plus vraiment une), et Queenie, la demoiselle de compagnie, accumule les gaffes. Notre espionne royale parvient-elle ici à se réinventer ?
Bien que l'on passe toujours un excellent moment en compagnie de Georgie et même si on lit toujours
Rhys Bowen avec un plaisir (presque) coupable (comme un anti-dépresseur, un cosy mystery fait quoi qu'il en soit toujours l'effet désiré), on admet être quelque peu mitigé sur ce coup-là. La dimension historique, toujours bien amenée, reste l'un des atouts de cette série : on voyage à bord du Berengaria, véritable paquebot de luxe dont on imagine sans peine l'opulence, et on redécouvre l'âge d'or d'Hollywood avec de véritables guest stars à la table des suspects (dont
Charlie Chaplin himself, dépeint avec toute la réputation de séducteur qui le caractérisait). Mais voilà, l'intrigue policière, sans être réellement décousue, est étirée en longueur et semble refléter les difficultés de l'autrice à l'élaborer, et ce malgré quelques bonnes idées. le meurtre survient bien après la moitié du livre et, à proportion du roman entier, semble donc résolu anormalement vite, induisant une anomalie dans le rythme et la construction de l'histoire.
de fait, alors que le synopsis et le début du roman nous laissaient croire que l'intrigue se déroulerait intégralement à bord du paquebot – concept sujet à un huis clos de grande classe – il s'avère que les éléments nécessaires au décor ne sont encore pas tous posés lorsque nos personnages arrivent à bon port. On apprécie évidemment l'atmosphère extravagante et excessive d'Hollywood et du monde du cinéma, mais on regrette un peu le potentiel qu'aurait eu une intrigue entière en haute mer façon "meurtre en croisière". Finalement, il y avait dans ce huitième tome matière à donner naissance à deux histoires bien distinctes.
La solution du mystère, aussi, est donnée à la va-vite, comme sortie du chapeau de l'autrice sans que le lecteur ait pu bénéficier des réels indices pour que la chance lui soit donnée de résoudre lui aussi le crime. L'auteur du meurtre manque également du relief et du charisme qu'on espérait, et ce même si le mobile ainsi que l'ensemble du scénario se tiennent malgré tout.
En bref : Pas le tome le plus réussi de la série, "Son espionne royale et la reine des coeurs" reste cependant une lecture légère qui remplit son office mais perd un peu de la qualité des précédents tomes. On retient l'atmosphère luxueuse de la croisière et l'extravagance d'Hollywood, généreusement racontés, mais on regrette la construction inégale de l'intrigue.