La folie, c' est d' abord de nous envoyer aux tranchées. La folie, c' est de nous apprendre à tuer ; c' est de récompenser ceux qui le font bien.
"Nous aurons passé toute la guerre côte à côte pour nous perdre aux tous derniers jours. Un obus est tombé trop près. Il m'a lancé dans les airs et, soudain, j'étais oiseau. Quand je suis redescendu, je n'avais plus ma jambe gauche. J'ai toujours su que les hommes ne sont pas faits pour voler."
Niska (indienne Cree) :
Le rhum est une arme aussi rusée que puissante : j'ai passé ma vie à la regarder noyer mon peuple.
On nous déplace au nord avant le nouvel an. L'endroit s'appelle la crête de Vimy ; un paysage vallonné autour d'une ville en ruine, Arras. On devine que c'etait autrefois une belle campagne ; il n'en reste que de la terre retournée. Je regarde les décombres autour de moi ; je me demande si ces lieux guériront jamais.
Il y a tellement de morts enterrés là-bas que si les arbres repoussent, les branches porteront des crânes.
Sa peau, dans le couchant, a la couleur du thuya en cendres.
Je sais que là-bas, le tireur est en train de recharger, qu'il va faire feu d'ici à quelques secondes. Mon arme vise juste au dessus de l'endroit où le canon émerge et, sans plus réfléchir, j'enfonce la détente. Il y a la détonation, le recul. Quand la fumée se dissipe, je vois que le fusil au dessus duquel j'ai visé, git maintenant de guingois.Peu à peu, la conclusion s'impose. Je guette un mouvement dans ma lunette, mais je sais déjà qu'il n'y en aura pas.
Mais le rhum est une arme aussi rusée que puissante : j'ai passé ma vie à la regarder noyer mon peuple.
À nouveau, j'inspire, j'expire, plus rien n'existe que le bruit de mon souffle dans ma tête, j'enfonce la détente et le soldat part à la renverse dans un crachat de rouge.
C'était un ours d'hiver, amaigri par le sommeil; et les chairs, malgré son jeune âge, étaient déjà dures. Mais nous avions faim.