Nous sommes dans le bassin lorrain et plus précisément à Villerupt, une cité ouvrière que l'auteur connait bien pour y avoir passé son enfance. La Lorraine, un territoire sinistré, souvent à la une des journaux pour des fermetures d'entreprises ou des délocalisations d'usines. Un territoire où les revendications sociales et les plans sociaux rythment les journées de tout un chacun. Malgré ce tableau à priori sordide, l'on se croirait sous le soleil italien avec l'accent chantant des personnages, les expressions italiennes ou les plats qui truffent de part et d'autre ce roman. Et puis, Bracone, si je ne me trompe c'est bien un nom qui fleure bon l'Italie. D'ailleurs le personnage principal a francisé son nom, de Figuetti il est devenu Figuette.
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Danse avec la foudre » c'est le récit à la 3ème personne d'une histoire d'amour qui a pris fin du jour au lendemain sans crier gare lorsque Moïra s'enfuit cette fois-ci définitivement, laissant Figuette seul avec leur petite fille Zoé. Moïra c'est une femme-enfant fragile, versatile, fantasque, immature, trop éprise de liberté pour résister à l'ennui. Figuette, anéanti par cette ultime fugue, se souvient de sa rencontre avec Moïra, comment il l'avait séduite, mineure, en organisant chez lui des mises en scène théâtrales avant de lui faire l'amour, la surprenant à chaque fois. Elle qui avait besoin de rêver. Moïra a été recueillie très jeune avec sa soeur par ses grands parents suite au décès accidentel de ses parents. Un départ difficile dans la vie, un besoin d'amour incommensurable. Et Figuette était ce magicien imaginatif qui « faisait rêver les princesses ». Mais lorsque l'on «
Danse avec la foudre » c'est aussi comme si l'on jouait avec le feu, et à force on finit par se brûler. Les accès de colère imprévisibles de Moïra frappaient Figuette comme les éclairs de la foudre le laissant foudroyé, abasourdi, sonné, incapable de comprendre ce qui lui arrivait. Mais il restait toujours sous le « coup de foudre » car « lui ce qu'il aime c'est les chieuses, les passionnées, les folles furieuses. Mais pas n'importe quelle chieuse, une en particulier. Une seule et de toute éternité ».
Mais heureusement qu'il y a les copains et la famille que Figuette retrouvait autour d'un verre au Spoutnik, le bistrot de Wanda et d'Alain. Bolchoï, Piccio, Pop, les frères Ronza, la grand-mère Tatta, Nourdine, Karima : des personnages truculents qui entourent Figuette et Zoé de leur amitié et de leur affection. Des hommes et des femmes très attachants malgré leurs fêlures. Et pour eux l'amitié n'est pas un vain mot. Un pour tous, tous pour un car les dures conditions de vie des ouvriers les rendent très solidaires. D'ailleurs dans l'expectative de la fermeture de leur usine ils ont commencé à se constituer une cagnotte solidaire : ils prélèvent les robots ménagers défectueux de la chaîne de montage, les réparent, les sortent discrètement de l'usine et les revendent. Car finalement l'usine sera vidée de toutes ses machines pendant un week-end sans prévenir les salariés, les mettant devant le fait accompli. Heureusement qu'il y a la cagnotte ….
Souhaitant reconquérir sa belle, Figuette décide de partir en vacances avec sa fille. Mais ils n'ont pas du tout quitté la région : ils sont enfermés dans le noir dans la maison. Tout cela n'est qu'une mascarade pour faire revenir Moïra à la maison et fuir les difficultés, l'éventualité d'une délocalisation de l'usine, l'accumulation de dettes. Figuette est un père très attachant, complice avec sa fille, plein de pudeur. Cette situation me fait penser à un film italien « La ville est belle » de
Roberto Benigni où un père invente pour son fils une histoire extraordinaire afin qu'il ne se rende pas compte de l'aspect dramatique de leur situation, leur présence dans un camp de concentration. Ce titre m'a également fait penser au film de
Kevin Costner « Danse avec les loups » d'ailleurs l'auteur y fait certainement allusion dans un des chapitres où Figuette organise un jeu pour Zoé sur le thème des Indiens.
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Danse avec la foudre » un livre poétique, tendre, humaniste.
Bella Ciao Figuette !