La foire des ténèbres

Quel homme, à l'instar des femmes, s'est-il jamais couché la nuit et relevé au matin, avec un enfant ? Celles qui sont gentilles et souriantes détiennent cet incomparable mystère. Quelles horloges étranges et merveilleuses que les femmes ! Elles ont leur nid dans le Temps. Elles créent une chair résistante qui emprisonne l'éternité. Elle vivent à l'intérieur de ce présent, connaissent la vraie puissance et l'acceptent sans avoir besoin d'en parler. Pourquoi parler du Temps lorsqu'on est le Temps et qu'on le façonne, au fur et à mesure, universellement, en chaleur et en actes ? Comme les hommes envient et haïssent souvent ces chaudes horloges, ces épouses qui savent qu'elles vivront éternellement !

Quelles horloges étranges et merveilleuses que les femmes ! Elles font leur nid dans le Temps.

L’ennui avec Jim, c’était qu’il observait le monde et ne pouvait en détacher les yeux.

En regardant les deux garçons disparaître, Charles Halloway réprima une furieuse envie de courir avec eux, de tout abandonner. Il savait ce que le vent leur apportait, où il les emmenait… vers tous ces endroits secrets qui cessaient de l’être quand on avait grandi.

Plus fort, Will, fait le pitre ! Ne leur laisse pas boire tes larmes et en redemander ! Ne les laisse pas s'emparer de tes pleurs, pour les retourner à l'envers et en faire leur sourire à eux ! Que le diable m'emporte si je laisse la mort me prendre ma tristesse pour s'en faire une parure. Ne leur donne rien, Willy, laisse jouer tes os ! Respire ! Gueule !

Je suis un idiot. Toujours à regarder par-dessus ton épaule pour voir ce qui va arriver, au lieu de te regarder toi pour voir qui se trouve là, devant moi. (Son père à Will)

- Depuis quand crois-tu qu'être quelqu'un de bien apporte automatiquement le bonheur ? (Le père de Will)
- Depuis toujours.
- A partir de maintenant, apprends qu'il n'en est rien. L'homme qui donne l'impression d'être le plus heureux de la terre, en affichant le plus large sourire, est parfois celui qui porte le plus lourd fardeau de péchés. Il y a sourire et sourire : il faut apprendre à distinguer le vrai du faux.

Comme tout les garçons, ils ne marchaient jamais : Ils se fixaient le but, et fonçaient. Il n'y avait pas de gagnant, aucune ne cherchait à gagner. C'est dans l'amitié de leurs ombres jointes qu'ils voulaient courir à jamais. Leurs mains s'abattaient en même temps sur la poignée de porte de la bibliothèque, leurs poitrines rompaient ensemble les rubans d'arrivée ; leurs chaussures de tennis laissaient des empreintes de quadrupèdes sur les gazons et les arbres escaladés, sans perdant, avec deux gagnants ex aequo, préservant leur amitié pour d'autres occasion de la perdre.

Il arrive des moments où une auge à porcs satisfait mieux notre appétit qu'une table mise.

Quelque part dans les profondes solitudes, au milieu de millions de livres immobiles mais grouillant de vie, égarés après deux douzaines de virages à droite et trois douzaines de virages à gauche dans des allées, à travers des couloirs et des impasses, devant des portes verrouillées et des rayonnages à moitié vides, quelque part dans la suie littéraire du Londres de Dickens, du Moscou de Dostoïevski ou des steppes environnantes, quelque part dans la poussière des atlas ou de l'Encyclopédie géographique, dans des réduits à éternuements devenus leurs prisons, les deux garçons se terraient, pelotonnés, le corps couvert en permanence de sueurs froides.
Caché dans un coin, Jim se disait : Il approche !
Caché dans un autre, Will se disait : Il est tout près !
"Les garçons... ?"