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Un bon moment, avec des nouvelles très différentes les unes des autres, mais qui ont comme point commun un encrage fantastique, surnaturel.
Certaines marquent durablement. (J'ai personnellement beaucoup aimé le lac, L'émissaire, La faux et La merveilleuse mort de Dudley Stone, j'ai été effaré et suis resté pantois devant le petit assassin, sorte prélude de à Damien. Certaines sont glauques, d'autres poétiques. le phrasé de Bradbury fait souvent mouche, avec une pression dans certains moment clés marquée par l'accumulation et les phrases à rallonge, procédé que j'apprécie beaucoup.
Néanmoins, en dehors de la toute dernière qui m'a marqué, j'ai trouvé la deuxième partie du recueil moins inspirée.
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C'était parti pour deux étoiles voir peut-être un abandon… le pays d'octobre est un recueil de nouvelles . Donc, généralement, on n'aime pas forcément toutes les nouvelles. La première, La nain, je me suis dit « ouais, ok, rien de transcendant », la seconde (la plus longue du recueil) «  Au suivant » m'a laissée totalement de marbre: je n'ai pas compris les interactions entre les personnages, leurs réactions… j'ai mis du temps à la lire (la fatigue jouait aussi).

La troisième, bof … et là, je me dis que cela allait être long…. Allez, courage , et là… avec Squelette, c'est devenu intéressant et puis après : waouh !

C'est poétique et glauque à la fois (Le petit assassin est terrible); c'est parfois un peu drôle, émouvant aussi… avec un côté automnal aussi. ,Bref, c'est un petit coup de coeur au final que je recommande grandement pour la saison automnale.
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Depuis mon canapé, je vois l'été qui s'enfuit petit à petit, les jours raccourcissent, la température devient plus supportable, des nuages chargés de pluie font des apparitions plus longues dans le ciel, le vent apporte quelques notes fraîches chargées d'humidité entre deux gémissements dans les branches qu'il dépouille de feuilles orangées... Bref. Il m'a semblé que c'était le bon moment pour se laisser bercer par la poésie automnale de Bradbury, pas vous ?

Que dire ? Par où commencer ? J'aime le style d'écriture de cet auteur bordel ! Jamais je n'ai lu de descriptions si belles que celles qui sortent de sa plume. Il réussit à insuffler la vie dans chaque objet, chaque paysage au point que ces derniers en paraissent au moins aussi vivants que les personnages. C'est beau.

De base, je ne suis pas spécialement adepte de nouvelles, c'est un exercice qui nécessite de passer rapidement et complètement d'un contexte à l'autre, pas forcément ce qu'il y a de plus évident. Nous faisons donc face ici à 19 nouvelles, 19 récits originalement publiés entre 1943 et 1954 et totalement déconnectés les uns des autres. Recueil classique donc, bien loin de l'atypie des Chroniques Martiennes. Les récits sont de qualité assez inégale selon la sensibilité que vous allez avoir vis-à-vis de l'histoire développée et du degré de glauquitude que vous pouvez apprécier/endurer. Car oui, disons le sans emphase, le Pays d'Octobre est glauque. Parfois beau, mélancolique ou encore drôle, mais glauque, toujours. Je pense notamment aux nouvelles « Le bocal », « Le lac », « Le diablotin à ressort » et « Le collecteur ». Ces histoires figurent parmi mes préférées du recueil car elles arrivent à trouver un juste équilibre entre une situation particulièrement mélancolique/dérangeante et ce souffle de beauté distillé par l'auteur. D'autres comme « Le jeton de poker vigilant d'Henri Matisse » n'ont pas du tout réussi à me toucher. Cette compilation de nouvelles se termine par une petite pépite nommée « La mort merveilleuse de Dudley Stone ». Dépourvue de quoi que ce soit de glauque ou macabre si ce n'est l'évocation de la mort dans le titre, cette nouvelle a particulièrement résonné en moi et est porteuse d'un joli message.

En conclusion, il ne s'agit peut-être pas du meilleur en ce qui concerne M. Bradbury, mais cela vaut tout de même assurément le coup d'oeil.
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Qu'est-ce que ça fait du bien de se prendre une claque (littéraire) ! Durant mon voyage au "Pays d'Octobre", j'ai retrouvé le même engouement que j'avais eu pendant la lecture des "Chroniques Martiennes" (du même auteur). L'impression de découvrir une pépite oubliée, ou bien trop longtemps négligée.

"Le Pays D'octobre", c'est quoi ? Un recueil de 19 nouvelles, principalement liées entre elles par une ambiance pesante, étrange et sombre. On est loin de la plume douce et nostalgique des "Chroniques Martiennes" ; ici Ray Bradbury insiste sur le côté terrifiant, fantastique et horrifique de chacune de ses nouvelles.

J'ai été bluffé. Principalement par le style de l'auteur, car il a su créer une atmosphère propre à ce recueil : un mélange parfait entre sa plume naturellement poétique, douce-amère, et ses atmosphères sombres, glauques et bizarres, dépeignant des histoires terrifiantes.

C'est une oeuvre vraiment originale, et j'ai tout simplement l'impression que Bradbury, avec ce recueil, a donné une véritable leçon sur l'art d'écrire le fantastique et l'horreur.
On ne ressort pas indemne à la fin de certaines nouvelles, tellement l'ambiance malsaine est bien décrite et immersive ("Le bocal", "La Foule", "La citerne").
Pour moi, "À qui le tour ?" est LA nouvelle du recueil : l'auteur y décrit la descente vers la folie, et bougrement bien qui plus est. On grince des dents, on est mal à l'aise, tout en étant subjugué par l'histoire, par le style inimitable de Bradbury. La folie est un sujet qu'on voit très très souvent passer dans les livres ; jamais je ne l'ai vu évoqué de cette manière, poussé aussi loin, en impliquant autant le lecteur dans cette chute.

J'ai vraiment eu l'impression de retourner en adolescence dans ce recueil, de retrouver des nouvelles d'horreur qui aurait très bien pu se trouver dans "Danse Macabre" de Stephen King, mais 20 ans plus tôt, avec un style plus poétique.
On sent pas mal l'influence des Weird Tales dans certaines des histoires ("Squelette", "Le Bocal", "L'émissaire" et d'autres), où l'horreur prend une place prédominante, et fonctionne à merveille.

Mais Bradbury ne se cantonne pas qu'à ça, et nous livre aussi des histoires dans un ton différent : "Le Lac", tragique et fantastique, "Canicule", très loufoque, "Le diable à ressort", un conte macabre très beau, ou encore "La merveilleuse mort de Dudley Stone", un texte centré sur le thème de l'écriture.

Je ne peux que vous inviter à découvrir ce chef-d'oeuvre du fantastique et de l'horreur, qui a, je pense, largement sa place dans le panthéon du genre. J'espère que l'auteur en a fait d'autres dans ce style parce que WOW, qu'est-ce que c'était bon !

Le Pays d'Octobre, c'est le pays que vous serez amenés à traverser dans ce recueil, un pays secoué par le Vent, menacé par La Foule, et hanté par la mort...

Mes nouvelles préférées : À qui le tour ?, Squelette, le Bocal, La Foule, La Faux, Il était une vieille femme..., La grande réunion.
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Le Pays d'Octobre, ce sont 19 nouvelles, 19 facettes de cet immense écrivain que fut Ray Bradbury. Ecrites entre 1943 et 1955, agrémentées d'une préface signé de l'auteur lui-même et datant de 1996, elles enchaînent le fantastique, l'horreur, l'absurde et une certaine poésie. Comme toujours dans ce genre de recueil, il est plus facile d'en apprécier certaines plus que d'autres, je vais essayer de résumer chacune d'entre elles:
- le nain: un homme de petite taille passe son temps dans une fête foraine, dans les miroirs grossissants, jusqu'à ce que le propriétaire lui joue un tour… cruel.
- Au suivant, la plus longue, un couple voyage au Mexique, et visite un étrange cimetière où les morts sont alignés à la va vite. La femme finit par sombrer dans la folie à l'idée de rester bloquée sur place.
- le jeton de poker vigilant de Henri Matisse: George Garvey est un homme insignifiant. jusqu'au cours d'une soirée où une de ses remarques fait mouche. On se presse pour venir le voir et l'écouter. Lorsque son aura pâli, il est prêt à tout… même à se mutiler.
- Squelette: une nouvelle entre horreur et fantastique. le personnage est persuadé que ses os nuisent à sa santé et est prêt à tout pour s'en débarrasser, y compris le recours à un étrange médecin…
- le bocal: un simple bocal en verre, contenant… quelque chose. Quoi ? Chacun y voit ce qu'il veut y voir. Charlie qui le récupère y voit surtout une façon de se rendre important… et de supprimer quelques gêneurs par la même occasion.
- le Lac: nouvelle la plus émouvante et la plus poétique du recueil. le protagoniste revient sur les lieux de son enfance, où son amie s'est noyée tandis qu'ils réalisaient un château de sable. C'est son esprit qui revient des années plus tard pour l'aider à achever ce qu'ils ont commencé.
- L'émissaire: bien qu'antérieure, cette histoire m'a rappelé le roman de King, Simetierre. Une véritable histoire d'horreur contée de façon poétique. le narrateur enfant, paralysé dans son lit, s'évade grâce à son animal qu'il appelle chien. L'animal lui rapporte des senteurs du monde extérieur, Un jour, il écrit un mot sur son collier en espérant de la visite. C'est sa jeune institutrice qui le rejoint grâce à Chien. Lorsqu'elle meurt, l'enfant pleure sa visiteuse…
- Canicule: nouvelle loufoque, deux anciens agents d'assurance sont convaincus que certaines personnes peuvent commettre des meurtres lorsque la température atteint les 33 degrés. Ils épient leurs semblables à la recherche de celui ou celle qui aura besoin de se faire aider avant de commettre l'irréparable… Mais ce petit jeu peut se retourner facilement…
- le petit assassin: une des meilleures du recueil, horrible, presque malsaine d'effroi. Et si, dès la naissance, un bébé était capable de conscience pure, de sentiments marqués, au point de réaliser certains gestes?
- La Foule: lors d'un accident de voiture, il y a immanquablement une foule de badauds venus se rincer honteusement l'oeil. Mais si, dans le lot, certains n'étaient là que pour précipiter le décès de ceux qui ne sont que blessés? Etrange et macabre à souhait.
- le diablotin à ressort: nouvelle purement fantastique, presque héroïc- fantasy, un enfant coincé dans un immense château aux multiples étages, des salles mystérieuses qui ne s'ouvrent qu'à son anniversaire… et une fin totalement inattendue.
- La Faux: Drew Erickson débarque avec sa famille dans une ferme abandonnée. Des champs immenses à faucher. de la nourriture à foison. Les blés coupés repoussent aussitôt, et pourrissent dès qu'ils touchent le sol, mais Drew doit le faire, il n'a pas le choix. Et si la faux était tout simplement la faucheuse?
- Oncle Einar: nouvelle fantastique. Quand un homme pourvu d'ailes renonce à son pouvoir de voler pour l'amour d'une femme terrestre.
- le vent : et si le vent était un personnage doué de vie propre, de raison, prêt à s'en prendre au quelqu'un?
- le Locataire: Un étrange personnage qui ne travaille que la nuit et qui dort le jour prend pension chez la grand-mère du narrateur. Qui va s'en méfier à juste titre.
- Il était une vieille femme : et si vous aviez décidé que l'heure de votre mort n'tait pas celle que vous aviez choisie? ‘est ce que pense Tante Tildy qui poursuit son corps jusqu'à la morgue, bien décidée à le récupérer. Loufoque à souhait, humour noir, une des meilleures.
- le Collecteur: étrange nouvelle… Un femme qui regarde la pluie, et le collecteur d'égout. Elle raconte à sa soeur qu'en-dessous il existe un monde paisible. Un couple y vit d'ailleurs. Et si l'homme était son amour de jeunesse disparu, qui l'attend ?
- La grande réunion: la famille Addams version Bradbury. Une réunion de famille entre vampires, démons et autres créatures. Et au milieu, Timothy, la pièce rapportée de la famille qui ne sait ni voler ni boire du sang.
- La mort merveilleuse de Dudley Moore: quand un écrivain médiocre offre à un auteur de génie la porte de sortie qu'il attendait, voyant son talent disparu.
Mes préférences iront à : Squelette - le Lac - l'émissaire - le petit assassin - La Faux - le locataire - Il était une vieille femme.
Je remercie les éditions Folio pour leur confiance
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*Le Pays d'Octobre* (*October Country*) est un recueil de nouvelles initialement publiées chez Denoël en 1955. Les différentes histoires le composant couvre une bonne partie du début de carrière de Bradbury, la plus ancienne datant de 1943 (voire plus si l'on considère que "Le Lac" est un des premiers écrits de Bradbury) et la plus récente de 1954.
Je réalise à la lecture de ce bouquin que je connais bien peu Bradbury. J'ai un exemplaire vieillissant des *Chroniques Martiennes*, jamais lu encore, et n'ai exploré l'oeuvre que par *L'arbre d'Halloween* qui était un récit plein de nostalgie et de poésie, agréable à lire mais avec du recul périssable (en-dehors de quelques traits d'esprit poétique, je n'en ai guère de souvenir). Quand je dis que je suis loin de l'affaire, c'est que ne présumais absolument pas de de fantastique très malsain déployé ici. Je n'avais d'ailleurs aucune connaissance d'une "veine fantastique" chez Bradbury. Eh bien, je me trompais, et lourdement.

S'il y a une constatation qui me vient spontanément, c'est que Bradbury livre ici une prestation magistrale et classique. Si je devais comparer avec une seule oeuvre, qui lui est bien postérieure et ne nous trompons pas probablement inspirée par ce recueil, c'est *Danse Macabre* de Stephen King. On est face à des nouvelles, des récits de facture extrêmement classique tant dans la construction que dans l'abord du fantastique. On revient aux bases du genre, et cela fait extrêmement de bien: LE DOUTE. Les malheureux personnages de Bradbury, bien avant de connaître le mystique et le monstrueux, s'éprouvent dans une atmosphère glauque où s'effacent les limites du réel. On est bien loin de ce fantastique lovecraftien ou stokerien haut en couleur souvent porte-fanion du genre. Et je trouve, à titre personnel, qu'il est sincèrement plus difficile d'instiller ce doute et de le travailler délicatement afin de préserver l'illusion au lecteur et ne pas l'ennuyer que finalement, décrire des monstruosités (enfin, la comparaison s'arrête aux récits les plus fréquents, puisqu'une description de Lovecraft vaut beaucoup). Et la structure est donc tout autant classique: on est face à la nouvelle "de base", c'est-à-dire des récits toujours courts (le plus long doit faire dans les cinquante pages) et à chute. Et cet effort porté aux chutes et fins de récits est incroyable: on les sent parfois venir, mais ça fonctionne à chaque fois. Et encore une fois, personnellement, j'adore les récits à chute. Un bon twist, franchement, c'est précieux...

Ce à quoi je ne m'attendais pas, c'est ce glauque incroyablement puissant qui règne dans chacun de ces récits. Si la plume de Bradbury est toujours magnifique et vaut à elle seule le détour, elle est cette fois-ci au service d'un macabre émétisant et bizarre. Honnêtement, il n'y en a pas une pour rattraper l'autre (façon de parler, c'est exquis). Bien souvent, on pose le livre de côté pour souffler un peu et regarder le soleil alentour, car dans ces histoires, les chemins sont tortueux pour parvenir à l'arrivée, et celle-ci est toujours funeste...

Au palmarès des récits, je retiens;
- "Au suivant!": probablement le meilleur récit du recueil. Un couple dysfonctionnel est en vacances au Brésil et, sous l'insistance du mari, va visiter les catacombes d'un petit village mexicain et ses célèbres "momies". On parle ici des cadavres de pauvres n'ayant pas assez d'argent pour enterrer (ou maintenir enterrés) leurs proches. Mais la femme n'est décidément pas à l'aise dans cette petite ville, et sa rencontre avec les morts, figés dans leurs derniers instants, va finir de l'ébranler... C'est tout simplement excellent: le travail de l'atmosphère est incroyable, le final exécuté avec perfection et cela glace tout simplement le sang.
***et***
- "Squelette" vaut également le détour par son postulat de base incroyable: un homme ressent soudainement toute l'animosité que porte envers lui son propre squelette. Cette structure étrange dont il ne peut se détacher lui vaut du mal, il en est sûr, et cela va le mener aux portes de la folie.

Tout le reste est par ailleurs très bon, avec quelques récits de fantastique parfaitement orchestrés: "La Foule", "Le Vent" ou encore "La Faux"...
Ainsi, n'hésitez pas à lire ce recueil, tout bonnement excellent et donnant une grande leçon magistrale au genre.
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L'écriture maitrisée et élégante de Ray bradbury assure au recueil de 19 nouvelles une qualité homogène. Les récits s'articulent du morbide au merveilleux avec le zeste de mélancolie qui fait la marque de fabrique de l'auteur.

Les nouvelles qui ont particulièrement retenu mon attention tant par l'originalité de l'histoire que par la qualité de leur écriture :
"La faux" qui associe l'outil à une terrible obligation, "Squelette" qui rend une réalité anatomique obsessionnelle, "Le lac" qui illustre la mémoire des êtres disparus, "Le vent" qui a en commun avec "La pluie", nouvelle du recueil "L'homme illustré" du même auteur de mettre en scène un phénomène météorologique, "La grande réunion" montre quant à elle un adolescent qui finit par comprendre qu'il ne fait pas vraiment partie de sa très grande et particulière famille.

Ce recueil paru récemment en édition de poche Folio (classé en collection SF) où la nocivité et la paranoïa s'insinuent dans certains récits propose des histoires qui se lisent agréablement, mettent en scène un protagoniste d'âge différent qui se retrouve confronté à une situation étrange ou à un destin hors du commun.
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Dans ce recueil de nouvelles, Bradbury enfile son costume d'Halloween, un drôle de patchwork qui n'évoque pas vraiment les monstres traditionnels de cette fête.

Peu de fantômes hurlants déploient leurs draps à travers ces pages. La richesse sensorielle de Bradbury lui permet d'évoquer les esprits d'outre-tombe par le simple toucher d'une feuille d'automne dans les poils d'un chien en vadrouille, ou le clapotis des vagues près d'un château de sable dans un été déclinant. La créature surnaturelle la plus envahissante n'est autre qu'un vent doué de conscience, qui souffle sur les maisons comme un grand méchant loup désincarné.

Non, les monstres ne sont pas là où on les attend. L'horreur inspirée par les cris silencieux des momies inertes est catalysée par un mari indifférent. La difformité d'un nain est moins horrible que l'absence d'empathie chez son observateur. Une forêt obscure étouffe moins qu'une mère repliée sur son univers. Cette dernière nouvelle, « le Diable à ressort », atterrit d'emblée dans le panthéon de mes textes préférés de l'auteur : Bradbury y rejoue l'indémodable mythe de la caverne à l'aide de motifs évoquant « Titus d'Enfer » de Mervyn Peake, paru un an avant. Hommage, zeitgeist ou simple hasard, c'est de toute façon un cocktail cosmique !

Les monstres ordinaires pullulent dans ce recueil, et le rendent parfois étonnamment sombre pour les standards de Bradbury : l'enchainement entre « À qui le tour ? » et « Le squelette » montre que l'auteur connaissait les tourments dans lesquels peut s'enfermer l'esprit humain, entre obsessions morbides et dégoût de soi-même. Cependant, le grotesque n'est jamais très loin de l'horreur. La fin du « petit assassin » parait ainsi clairement écrite avec un sourire en coin : en bon père de famille, Bradbury ne pouvait pas prendre trop au sérieux cette sinistre histoire de haine entre une mère et son nouveau-né.

Le grotesque allège l'horreur, c'est pourquoi les créatures à l'apparence monstrueuses ont la possibilité de jouer des rôles positifs. Elles préservent l'enfance un peu malgré elles, au sein de leur famille inspirée de Charles Addams, vers laquelle Bradbury reviendra plus longuement dans son ultime chef-d'oeuvre « de la poussière à la chair ».

Et la mort elle-même s'avère parfois une alliée débonnaire. Elle peut vous autoriser à prendre vos distance avec le royaume des vivants, sans forcément le quitter pour de bon. Elle n'est pas une fatalité. On peut y survivre, rapiécer au besoin son enveloppe charnelle amochée, ce qui prête parfois à rire. Y a-t-il meilleure preuve de l'incurable optimisme de Bradbury ?
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19 nouvelles étranges ou fantastiques qui distillent l'inconfort, la stupeur, le sourire et l'angoisse ; écrite par un maître du genre qui enserre le lecteur de son écriture immersive pour lui faire traverser trente six émotions qui chamboulent et laissent rêveur.
Lien : http://news-nouvelles-fant.m..
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Il y a bien longtemps, quand je n'étais encore qu'un lecteur jeune et naïf, je suis tombé par hasard sur ce bouquin, et le fait est qu'il m'a marqué. Je n'avais jamais rien lu d'aussi glauque, et je ne suis pas sûr d'avoir rencontré pire depuis. Même Amélie Nothomb m'a paru presque saine en comparaison.

Les sujets sont assez variables et parfois assez noirs, mais ce qui est fort c'est qu'ils n'y contribuent pas tant… Que l'écriture de Ray Bradbury ! Sa capacité à dresser une ambiance pointue, minutieuse, prenante et avalant le lecteur comme des sables mouvants. On connait le totalitarisme de « Fahrentheit 451 », l'onirisme des « Chroniques martiennes », et ici… On a l'impression de pénétrer dans un brouillard sale et poisseux, qui colle à la peau, étouffe et dont on ne peut s'arracher. On y croise des condensés de misère humaine et de laideur.

Bizarrement, il n'y a que quand elles touchent au monde des vampires que ces nouvelles prennent une certaine douceur. Comme s'ils lui inspiraient une sympathie diffuse et mal assumée. L'une d'elle, où il est question d'un enfant différend de ses frères et soeurs à longs crocs, se termine même sur une note d'une étonnante beauté – émouvante même. La fleur au milieu du marécage putride…

Une expérience littéraire à faire, mais pas un jour de déprime. Et quand à le noter, j'en serais bien en peine...
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