Ce court récit de Brassaï, excusez du peu, se paye le luxe d'une introduction d'
Henry Miller (oui, oui, celui des tropiques).
En effet, les deux hommes se sont connus à Paris, ils avaient un ami commun,
Alfred Perlès ("Au rythme de deux repas par jour, il lui suffisait de quatorze amis [...] Ils étaient tous absolument ravis de le recevoir. Henry était un hôte de choix ; il payait largement son écot de sa seule conversation."
Mon ami
Henry Miller.
Alfred Perlès.)
Miller nous rapporte avec jubilation l'admiration qu'il éprouve pour le caractère "caméléon" de Brassaï, à l'aise dans tous les milieux, dans tous les quartiers de Paris, dans toutes les circonstances, avec toutes les catégories sociales.
Il dit de lui "Un mur couvert de
graffiti l'absorbe autant que l'enfer de la Bibliothèque nationale"
Le livre est fait d'une multitude de monologues, de soliloques et de dialogues courts, chacun étant identifié comme un propos de Marie, d'une Marie, ces "maries" qui sont toujours là lorsqu'on a besoin d'elles, mais pour lesquelles nous ne faisons jamais rien.
Pour reprendre les propos de la préface, "les Maries de ce monde, toutes "mal-armées", savent qu'elles sont condamnées, que sous aucun régime, on ne fera rien pour les soulager."
Elles sont filles-mères, mères de bâtards, ou sans héritiers, se font foutre à la porte, subissent la concurrence des bonniches polonaises, se font peloter dans les files d'attente, sont en but aux concierges, aux huissiers, aux hommes d'affaires, aux avocats, aux tireuses de cartes,
Font le ménage, la vaisselle, la lessive, lavent les escaliers, les planchers, les cabinets.
Voient toujours ce qu'il ne faut pas voir.
Elles pourraient être une réincarnation de votre femme de ménage, de votre concierge, de votre baby-sitter, de la contractuelle du quartier, de la marchande de poissons, que sais-je ?
Un livre à la fois drôle et poignant, à lire.