Mais l'éducation technique du musicien saxon fut autrement précoce et autrement complète que celle du grand romantique français, et à l'âge où Berlioz s'essayait encore maladroitement à chercher des accords sur une guitare, Haendel avait déjà donné des preuves brillantes d'une virtuosité juvénile. Son premier voyage artistique s'accomplit vers 1696 et eut pour but Berlin, où le Grand Électeur l'écoula jouer de l'orgue et se montra tellement charmé de son exécution qu'il lit proposer au père de prendre l'enfant à son service et de l'envoyer à ses frais en Italie, pour y terminer ses études musicales.
Entre tous les grands musiciens, Haendel est celui dont les œuvres et la vie donnent le plus constamment une impression de force, de grandeur et de volonté. Il est l'homme des chœurs monstres et des Hallehijahs écrasants, le poète musical de la Bible. un des prophètes de Jéhovah. Il subjugue plutôt qu'il ne charme, et l'admiration qu'il inspire se mêle de cette crainte sacrée dont les peuples sont saisis en écoutant le langage des oracles ou en assistant aux phénomènes redoutables de la nature.
On a défini de bien des manières la musique sacrée de Haendel, et la diversité de ces définitions provient de ce qu'au fond elle n'exprime pas dans un langage sincère l'idée de « prière », sans laquelle, en aucun culte, n'existe d'art religieux. Les Antiennes et les Te Deum de Haendel ne sont pas religieux, dit Chrysander, ils sont bibliques (alttestamentisch) ; ils ne sont pas confessionnels, dit M. Volbach, mais ils sont religieux.