Après parcouru la bibliographie d'Anne, j'ai eu envie de me pencher sur la seconde des soeurs d'Emily : Charlotte, l'autrice du non moins célèbre
Jane Eyre, mais qu'on limite souvent à cela alors qu'elle a produit trois autres
romansLe Professeur,
Shirley et
Villette. Cependant bien qu'intéressant, je comprends pourquoi ceux-ci sont moins connus que son plus grand succès. Ils sont moins percutants.
Pour commencer cette plongée dans sa bibliographie, je me suis donc intéressée au premier roman qu'elle avait écrit, bien que publié au final après sa mort :
Le Professeur. Sorte d'autobiographie avec inversion de genre, elle y explore la destinée d'un jeune professeur de pension pour jeunes filles en puisant dans son expérience personnelle, puisqu'elle a elle-même été, bien que brièvement, élève dans ce type d'institution.
Écrit alors qu'elle avait déjà plus de 30 ans, on ne peut pas dire que l'ouvrage souffre d'une plume juvénile, au contraire celle-ci est aboutie, plaisante et facile à lire. En revanche, le parti pris de choisir un héros masculin et de tenter de l'incarner,
lui, fut une gageure que l'autrice n'a pas pleinement concrétisée et c'est là une des raisons du manque de percutant de cette oeuvre. Tout du long, j'ai eu le sentiment d'être en décalage avec la réalité et plutôt dans le fantasme d'une jeune fille qui pense que les hommes pensent et agissent ainsi. Là où elle est si juste dans
Jane Eyre avec le terrible personnage de Rochester, elle est terriblement maladroite ici.
Autre choix qui ne l'a pas fait avec moi, ce
lui de suivre un William, qui a tout d'un héros à la
Musset, c'est-à-dire qui incarne un certain idéal romantique d'homme en pleine dépression permanente qui se plaint de tout et peine à se relever. J'ai eu beaucoup de mal avec le côté geignard du héros qui m'a probablement fait occulter les bons côtés qu'il a également, comme ce désir de s'en sortir par
lui-même dans un monde qui est quand même un brin contre
lui, tant il joue de malchance dans la vie. Mais je dois dire que c'est un trait de caractère assez rédhibitoire pour moi...
Ajoutez à ce
lui, dans l'édition que j'ai eu entre les mains, une préface de
Catherine Rihoit qui, bien que très riche et intéressante, en dévoile bien trop sur l'intrigue et m'a donné des attentes qui n'ont été que bien trop tardivement comblées. En effet, elle évoque avec beaucoup de passion la façon dont Charlotte dépeint le mariage et la position de la femme dans cette institution, sujet qui m'intéresse beaucoup, mais qui n'apparaît que bien tard et de manière assez fugace. le coeur de l'histoire était ailleurs pour moi dans ce destin que le héros tente de se bâtir pour se créer une destinée à incarner et il le trouve avec le professorat.
C'est donc finalement par cette porte, enfin, que j'ai réussi à entrer et apprécier un tant soit peu l'oeuvre. Malgré tous les biais que je cite au-dessus, j'ai vraiment aimé découvrir la vie d'un professeur de pension pour jeunes filles au XIXe siècle, l'entendre parler de son goût pour l'enseignement, voir ces jeunes filles à travers ses yeux, un peu comme dans le manga Hoshi dans le jardin des fleurs de
Yama Wayama, ou encore l'entendre parler de ses leçons. Je ne suis pas enseignante pour rien. J'ai également éprouvé un vrai intérêt dans la description de sa vie de galère, de ses difficultés à trouver un emploi, à se faire sa place dans sa famille, à gérer ses relations professionnelles et sentimentales. C'est un portrait riche et incisif, même si comme je le disais plus haut, on dirait parfois qu'il est issu des fantasme d'une jeune femme.
Il se dégage aussi de la plume de la jeune autrice qu'est encore Charlotte sur ce premier roman, un humour qui est absent de son grand succès et que je ne pensais pas trouver ici. Derrière les déboires de son héros, on sent aussi presque une douce moquerie de ce dernier et un ton de satire sociale de certains hommes et femmes qu'il rencontre via son nouveau travail, un peu comme chez
Maupassant, je trouve, auteur postérieur pourtant. Mais son portrait de cette société qui se greffe autour de
lui, qui cherche à l'utiliser, qui se joue de
lui, n'accepte pas son rejet, mais revient vers
lui ensuite est assez grinçant. le seul reproche que je pourrais
lui faire est que ça tombe toujours sur des gens de nationalité autre que britannique étrangement...
Je le craignais,
Le Professeur n'était pas à la hauteur de mes attentes d'une oeuvre signée
Charlotte Brontë, l'autrice du torturé
Jane Eyre. Pourtant malgré cette erreur de casting avec ce héros romantique plus fantasmé que réaliste, j'ai savouré la douce satire faite du métier de professeur dans une pension pour filles au XIXe siècle et de la destinée malchanceuse de ce fils cadet à la famille qui ne fait pas rêver. Ce n'est donc pas la lecture percutante escomptée mais ce fut tout de même un moment intéressant.
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