Le silence lourd, plus lourd que le sommeil. Le petit garçon a mis un poing fermé dans sa bouche et avalé les cailloux blancs du souvenir avec le reste.
Les autres
Daniel le frérot, enchanté et complice, les choyait, leur préparait à manger. Un oiseau muet qui vous souhaite bien de la chance, de l'indulgence et du savoir-faire car trop d'affection étouffe ou pas assez vous désespère. (p. 117)
J'ai un peu plus de quarante ans. Je ne sais pas quoi en faire. (p. 31)
Pendant que les sages cherchent le pont
Les fous passent la rivière.
(proverbe croate)
Elle avait faim de cet homme, une forme de plénitude physique mais aussi spirituelle. Elle en était certaine, il éprouvait les mêmes sensations. Tous les deux en harmonie, à l'instar des touches d'un piano , accordés. Elle n'avait pas lu Goethe, pourtant elle ressassait sans cesse ce mot: affinités. Des fois, elle se trouvait gourde;, où elle paniquait se disant : Oui ! Mais pour combien de temps ? Il suffisait qu'il apparaisse et elle envoyait la raison et le doute balader comme l'on envoie et jette son chapeau à la rivière. (p. 135)
Epilogue
-Vlad, que dirais-tu si nous passions notre brevet de pilote ?
Vladimir hésite à répondre, déconcerté. Cependant il est intrigué. Il faut toujours laisser les fées nous bercer. (...)
Vladimir ferme les yeux, se demande pourquoi. Aucune importance, il la suit. La contemple. Elle est comme une géographie, un continent à elle seule.
(p. 151)
En revanche, pour Vladimir, cette cabane symbolisait la maison de l'exil. Oh ! à peine plus grande qu'une boîte à chaussures mais il avait le droit d'y remiser ses souliers, il se plaisait dedans. Il avait, comme on dit, les pieds au sec avec, tout autour pour décor, la prairie, géante toile d'araignée nimbée de rosée et, comme ambiance, les matins frissonnants dans le murmure proche du ruisseau et le bruissement des arbres. Aussi, en quittant à l'aube son "chez soi" pour se rendre au travail, espérait il avoir mis du sens, recousu et relié son existence. Le début d'un poème en prose trottait dans sa tête. Poussé par le vent qui dans son esprit a une direction sûre, il avance dans sa vie à la poursuite des nuages, les voir qui cavalent sur l'immense patinoire et l'oeil noir de l'univers.
Vladimir
(1995-1998)
Vladimir était bûcheron de profession. (...)
Il longeait des terres sans horizon, sans un seul arbre, un paysage morne et moribond, où même le silence semblait s'être retiré. (p. 33)
Je ne suis plus jamais allé à l'école. J'ai eu droit à des éducateurs. Ils venaient me voir pour m'aider à apprendre, continuer la vie, dans ma famille d'accueil: les parents de secours-comme on dit. Eux aussi, ils m'ont beaucoup aidé. Céline Ravoux et surtout André. il est instituteur. de là date ma passion pour les livres.
Au début, mon mutisme correspondait surtout à une manière de lutter, de me protéger puis je me suis appliqué à jouer au sourd-muet, ça m'arrangeait. En général, pour m'exprimer, je rédige de petits billets ou je fais des signes. On me répond de la même façon. Je préfère lire qu'être obligé d'entendre. (p. 13)
Daniel s'étonnait de son frère, se disant ; il ressemble à un mort qui parle et réfléchit en même temps.
Ses lèvres montaient et descendaient peut-être qu'il mastiquait son rêve, qu'il cherchait à le recracher.
p111