Citations sur Shakespeare n'a jamais fait ça (92)
Je ne dirais pas que je commençais à m'emmerder dans cette cathédrale, mais bon, j'avais fait le tour de mes pensées, j'avais la gueule de bois et j'étais crevé ; j' ai toujours beaucoup de mal à garder les yeux ouverts, pas grave, je suis persuadé que c'est une erreur de vouloir tout voir, ça vide un bonhomme - faut savoir choisir, absorber un peu et laisser courir.
Les gens s'excitent parce que le b.a-ba leur échappe, ils se laissent bouffer par le train-train et, le soir, refusent de baiser leur partenaire, dérouillent leurs gamins, se chopent une indigestion, une insomnie, des flatulences, des ulcères hémorragiques, ils en veulent à la situation économique, aux dirigeants, au gouvernement, aux autoroutes - autant de haines aussi sensées qu'inutiles ; ils ont les orteils crispés, le dos spasmé et leur insomnie vire au cauchemar. Tout ça pour avoir garder les yeux ouverts toute la putain de journée, et en avoir trop vu...
Le sang et le fric, le Petit Chaperon rouge, Tarzan seigneur de la jungle, Annie la petite orpheline, Pierre et le loup, le pont de Londres qui s'écroule, Robin des Bois, les trois petits cochons qui sont allés au marché, la vieille dame qui habitait dans une chaussure avec tous ses enfants qu'elle ne connaissait pas, Blanche-Neige, ma mère, mon père, l'école primaire, Stanley Greenburg la brute de l'école, mon premier boulot, la terreur des murs, le meurtre des heures, les types qui bossent à l'usine près de moi avec des billes égratignées à la place des yeux et un seul désir en tête, garder ce boulot qui les a déjà tués, et puis toutes les putes dans mon lit et dans mes bagnoles pourries, des cœurs pires que des haches de guerre, moi, à l'époque, à l'église catholique, boire à la grande pompe, recracher, tenir bon, les BD Krazy Kat, Pim Pam Poum, et les deux autres en bas en train de lécher le cul à cet enflure de richard, pour le fric plutôt que pour le sang; le communisme n'est pas la solution, la littérature a échoué comme d'hab' et le meurtre est passé de mode...
[…] si je me convertissais, si j'avais la foi, je serai obligé de laisser tomber le Diable et il se retrouverait tout seul dans les flammes, ce ne serait pas gentil de ma part parce que dans les épreuves sportives j'ai tendance à soutenir le perdant et dans les épreuves spirituelles je souffre de la même maladie, car je ne suis pas un homme de réflexion, je fonctionne aux sentiments et mes sentiments vont aux estropiés, aux torturés, aux damnés, aux égarés, non par compassion mais par fraternité, parce que je suis l'un des leurs, perdu, paumé, indécent, minable, apeuré, lâche, injuste, avec de brefs éclairs de gentillesse […].
Qu'on pense aux millions de gens qui vivent ensemble à contrecœur, qui détestent leur boulot mais craignent de le perdre, pas étonnant qu'ils aient des tronches pareilles. Il est presque impossible de contempler une physionomie ordinaire sans devoir détourner les yeux vers autre chose, une orange, un caillou, une bouteille de térébenthine, le cul d'un chien. […] Quelle merde, hein, mon frère, que notre merde ait meilleure mine que nous…
Une femme qui veut vendre son corps n'est sans doute pas très différente d'un violoniste jouant son concerto sur scène -on survit comme on peut, la mort nous attend au tournant mais il n'y a pas de mal à la faire patienter.
la politique n’est pas incompatible avec le sexe,
c’est bien son seul intérêt.
Quelle merde, hein, mon frère, que notre merde ait meilleure mine que nous.
Bien sûr, certains et même beaucoup abdiquent et se mettent en ménage faute de mieux, en fait la plupart des gens vivent sous un drapeau blanc : ils voient bien que ce n’est pas génial, mais bon, on s’en contentera, à quoi bon repartir de zéro, il y a quoi à la télé ce soir ? Rien ? Pas grave, on regarde quand même. C’est toujours mieux que de se retrouver en tête à tête et penser à ça. La télévision sauve plus de couples mal assortis que les enfants ou l’église.
J’ai commandé deux bières. Les autres ont pris divers plats, thés, citronnades, coupes de glace chantilly et autres tartes à la cerise.
Un commis ou un plongeur est arrivé avec son balai à franges pour finir de tout nettoyer ; une ou deux fois, j’ai senti les franges dégueulasses du balai me fouetter les chevilles. Aucun doute, la vie est insupportable, même si la plupart des gens ont appris à faire mine de rien.