Je suis dingue d’écriture. C’est ma drogue. C’est ma femme, mon vin, mon Dieu. Ma chance.
Les gens me semblent bien plus intéressants quand je picole.
Je me rendais même pas compte de mon âge. Les années s’étaient juste empilées jusqu’à former un tas de merde.
À l’heure où je vous parle, j’affiche la bagatelle de sept P.V . pour 18 nuits passées en cellule de dégrisement. Autant dire que je suis meilleur conducteur que buveur.
L’humanité m’a toujours écœuré. Et ce qui m’écœure le plus, c’est tout ce cirque des relations de famille, qui inclue le mariage, l’échange de bons précédés, qui de fil en aiguille gagne du terrain comme la lèpre : le voisin de palier, de trottoir, du quartier, de la ville, du département, de la nation, chacun se raccroche au cul de l’autre, la trouille au ventre dictée par un instinct de survie digne du plus stupide des animaux.
Pour moi
c'était
ou c'est
une manière de
mourir
avec des bottes
avec un flingue
une clope au bec
musique symphonique
en arrière-plan
boire seul,
je veux dire.
c'est la seule
façon de boire
boire seul
être seul
recoller les morceaux
ressentir les choses.
bien sûr
boire peut
être
mortel
comme une douche
froide
comme un tableau de
Gauguin
ou un vieux chien
par une chaude
journée.
je suppose
qu'un millier d'hirondelles
dans le ciel
vous chiant sur la tête
en même temps
vous tuerait
aussi.
c'est pour ça que je
bois : dans l'attente
d'un truc comme
ça.
Fourmis grouillant sur mes bras ivres :
Ô fourmis grouillant sur mes bras ivres
vous avez laissé Van Gogh s'asseoir dans un champ
de maïs
et se retirer du monde
avec un fusil de chasse,
fourmis grouillant sur mes bras ivres
vous avez poussé Rimbaud
au trafic d'armes, fouinant dans les rochers
pour de l'argent,
Ô fourmis grouillant sur mes bras ivres,
vous avez envoyé Pound à l'asile
et poussé Crane à se jeter dans la mer
en pyjama,
fourmis, fourmis, grouillant sur mes bras ivres
à l'heure où nos écoliers scandent le nom de Willie
Mays
à la place de Bach,
fourmis grouillant sur mes bras ivres
sous l'emprise de la boisson j'essaie d'attraper
des planches de surf, des lavabos, des tournesols
et la machine à écrire tombe de la table
à la manière d'une crise cardiaque
ou d'un taureau mis à mort
et les fourmis entrent dans ma bouche
et descendent dans ma gorge,
je les fais passer avec du vin
et remontent les stores
elles sont sur le grillage de la fenêtre
elles sont dans les rues
escaladant les clochers
et les carcasses de pneus
cherchant quelque chose d'autre
à manger.
L’alcool t’offre la légèreté du rêve sans la tristesse des drogues. Tu peux redescendre. Il y a juste la gueule de bois à affronter.
Avec l’alcool, n’importe quel pari expose à une perte potentielle, mais c’est toujours mieux de lancer les dés plutôt que d’aller se mettre au lit avec les nonnes.
Là où l’alcool fait danser la muse, les drogues la font disparaître.