Quand on boit, le monde est toujours dehors, mais en attendant il ne te tient pas à la gorge.
Les gens me semblent bien plus intéressants quand je picole.
La picole est une forme temporaire de suicide dans laquelle je m’autorise à mourir pour ensuite revenir à la vie. L’alcool est juste une sorte de colle qui permet de maintenir assemblés mes bras, mes jambes, mon zob, ma tête et tout le reste. L’écriture, c’est juste une feuille de papier, je suis quelque chose qui marche et regarde par la fenêtre. Amen.
Il y a une immense culpabilité liée à la boisson. Je ne partage pas cette culpabilité. Si je souhaite me détruire les cellules du cerveau ainsi que mon foie et différents éléments de mon corps, c’est mon affaire. L’alcool m’a mis dans des situations que je n’aurais jamais connues sans elle : des lits, des prisons, des bagarres et des longues nuits insensées. Durant toutes mes années de clochard et de banal ouvrier, l’alcool a été la seule chose permettant de me sentir mieux. Ça m’a sorti du piège rance et boueux. Les Grecs n’appelaient pas le vin « le Sang des Dieux » pour rien. Cent pour cent de mon travail a été écrit (et continue de l’être) avec un coup dans le nez et une bouteille à portée de main. Ca détend l’atmosphère, injecte une part de hasard dans les mots. Je ne pense pas que l’alcool détruise les écrivains. Je pense qu’ils sont détruits par l’autosatisfaction, leur enflure d’ego. Ils manquent d’endurance pour la simple et bonne raison qu’ils ont très peu de choses à endurer – certains d’entre eux ont du souffle, à leur début. Mais ils s’enflamment trop vite, lâchent trop tôt et se révèlent être généralement des êtres humains de bas niveau ?
L’alcool t’offre la légèreté du rêve sans la tristesse des drogues.
La picole est une forme temporaire de suicide dans laquelle je m’autorise à mourir pour ensuite revenir à la vie.
[...] on ne peut pas tout avoir : il y a des lois.
dont on ne sait rien, des bourrades en tout genre nous amènent à brûler ou geler ; ce qui conduit le merle dans la gueule du chat
ce n'est pas à nous de le dire, pareil pour les hommes emprisonnés comme des écureuils domestiques pendant que d'autres se mouchent dans d'énormes poitrines
durant des nuits sans fin - il s'agit là du labeur et de l'effroi, et la raison on ne nous l'apprend pas. [...]
La picole, c’est un truc intense. Ça vous extrait de la normalité du quotidien, ça vous fait oublier le côté répétitif des choses. Ça vous fait quitter votre corps et votre esprit pour vous jeter contre le mur. J’ai le sentiment que boire est une forme de suicide au terme duquel on a le droit de revenir à la vie et tout reprendre à zéro le lendemain. C’est comme se suicider, sauf qu’après on voit un nouveau jour. J’imagine que j’ai vécu environ dix ou quinze mille vies à présent.
La picole est un substitut à la compagnie des autres et un substitut au suicide. C’est un mode de vie complémentaire. Je n’aime pas les ivrognes, mais je suppose qu’il m’arrive d’en être un, moi aussi. Amen.
Très tôt, j’ai compris que chercher la Femme de mes Rêves s’avérerait peine perdue ; j’en voulais juste une qui ne soit pas un cauchemar ambulant.