Dans l'adaptation cinématographique de Dark Hazard tournée en 1934 par Alfred E. Green, le charismatique Edward G. Robinson incarne Jim Turner, un brave type amateur de courses de chevaux marié à la très sérieuse Marg.
Lassés d'être gardiens de nuit exploités dans un hôtel miteux de Chicago, Jim et sa femme quittent la ville pour Crescent City, pensent changer de vie. La crise de 1929 pointe son nez, Jim découvre les courses de lévriers, et sa rencontre avec Dark Hazard, un chien au nom très symbolique va bouleverser son existence.
On connaissait l'intérêt de W.R. Burnett pour les courses de chevaux (Le pur-sang irlandais), avec Dark Hazard, le lecteur découvre en même temps que Jim Turner l'univers du coursing avec simulation de chasse au lièvre, pour lequel notre anti-héros va tout perdre.
Ce roman noir est une extraordinaire plongée dans l'Amérique de la Grande Dépression, des villes où l'on subsiste, anonyme, aux patelins du Midwest où tous se connaissent, une Amérique où tout se gagne et tout se perd en quelques heures, dans les combines minables et les paris plus ou moins légaux.
La trame permet surtout à Burnett de créer un beau portrait d'anti-héros, flambeur invétéré, ayant mis toute son énergie à vivre normalement avec une femme sérieuse et raisonnable, issue d'une longue lignée de protestants du Midwest, mais qui ne peut tourner le dos ni à ses passions, ni à la marginalité.
Dark Hazard lui permet d'égratigner au passage les valeurs hypocrites de l'Amérique puritaine incarnées par la belle-famille de Jim et celles tout aussi hypocrites de la législation américaine en matière de jeux et de paris.
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Ces Américains de souche, ces protestants puritains, furent les abolitionnistes de la Guerre de Sécession, fanatiques dangereux qui détestaient le Sud non seulement à cause de l'esclavage, encore n'était-ce qu'une composante mineure de leur haine, mais également parce que la vie était moins étriquée dans le Sud, plus tolérante, empreinte d'une largeur d'esprit et d'une compréhension des autres que eux trouvaient immorales. Les petits-fils des abolitionnistes furent des partisans de la Prohibition, perpétuant, sans s'en rendre compte, la lutte engagée par leurs arrière-grand-mères contre la vie dangereuse qu'elles avaient connues à l'époque de la Frontière.
Soudain, toutes les lumières des tribunes s'éteignirent. Jim fut à la fois intrigué et abasourdi par les hurlements violents de la foule. Il se leva d'un bond. Les chiens avaient jailli de leurs boîtes et fonçaient à la poursuite du lièvre leurre qui filait si vite le long de la corde que l'œil ne percevait qu'une ligne continue. La multitude hurlait toujours, mais Jim ne l'entendait plus. Debout, ébahi, il regardait les chiens courir. De sa vie il n'avait vu une telle vitesse. Ils coururent groupés jusqu'à l'entrée de la ligne droite et là, un grand chien bringé, le numéro un, se détacha, allongea le cou, et ce fut terminé.