Mouchot, le jeune pompier, était persuadé qu'il n'avait découvert qu'un petit corps sans vie : le nourrisson avait passé plus d'une heure sous la neige... Et pourtant, lorsqu'il se pencha, il se fit la réflexion que l'enfant, son visage, ses mains, ses doigts étaient à peine bleuis. ... La chaleur protectrice de la carlingue brûlante l'enveloppait.
Dix-huit ans que cette histoire me colle aux neurones, comme une petite boule de cervelle rose, mâchée et remâchée, jusqu'à n'avoir plus aucune saveur.
Méfiez-vous, vous qui lisez ces pages, que la petite boule de cervelle rose ne se colle pas à vos propres pensées, malaxée par votre imagination, étirée par votre logique. Sans fin.
Elle ne vit pas les lumières s'éteindre. Elle ne vit pas l'avion se tordre comme une vulgaire canette de soda au contact d'une forêt d'arbres qui semblaient un à un se sacrifier pour ralentir la course folle de l'Airbus.
Réunir deux malchances est parfois une équation positive, comme quand on ajoute deux signes moins.
(...) je ne comprends pas qu'on puisse emmener des gamins chez Disney pour enrichir ce rat capitaliste de Mickey !
Saint Lazare. [...] Ces gens entamaient ils cette course contre la montre à cause d'une urgence exceptionnelle, ou bien couraient-ils ainsi tous les jours, matin et soir, tout simplement par habitude, comme d'autres font leur jogging sous les platanes ?
Il avait lu il y a peu l'histoire de ce type, l'un des plus grands violonistes au monde, un nom russe qu'il n'avait pas retenu, qui un beau jour, pendant plusieurs heures, s'était installé pour jouer dans un hall de métro. Sans affiche, sans annonce officielle, il s'était juste planté anonymement dans le couloir et avait sorti son violon. Alors que tous les soirs, il remplissait les salles du monde entier, alors que les places pour obtenir le privilège de l'écouter s'arrachaient à des centaines de francs, ce jour-là, personne ou presque dans le couloir du métro ne s'arrêta pour l'écouter. Tous ces types cravatés n'avaient même pas ralenti en passant devant lui et avaient couru vers leur train, et peut être même le soir même, ou le weekend, avaient-ils couru, encore, pour arriver dans les temps au concert d'un musicien réputé qu'il ne fallait rater sous aucun prétexte.
Elle devait prendre un décision. Parler ou se taire. Il y avait urgence, elle en était consciente, elle devait choisir avant ce soir.
Pierre et Nicole Vitral apprirent le drame ensemble, en écoutant le flash de radio France Inter de sept heure.
Comme tous les matins.
Face à face, de chaque côté de la petite table de cuisine encombrée. Longtemps, les deux bols de grès, de café pour Pierre et de thé pour Nicole, restèrent là, glacés, à peine entamés, sans une ride, stupides, figés pas cette seconde qui empailla la vie dans cette petite maison de pêcheurs, dans le quartier du Pollet, cet ancien quartier de pêcheurs posé comme une île au milieu du port de Dieppe.
(...) les douleurs ne s'additionnent pas, elles se superposent, c'est une grande chance.
Les gosses aiment bien écouter les adultes qui parlent peu. Ils doivent partager avec eux la même pudeur.