Humains plus qu'humains

On retrouve dans ce livre un certain nombre de thèmes chers à Octavia Butler, que l'on trouve dans les "Paraboles" : une Amérique dévastée, hors-la-loi, où les institutions gouvernementales ne contrôlent plus le chaos de la société. Comme dans Novice, qui traite le sujet du côté du vampirisme, ici, la maladie extra-terrestre révèle dans les personnages quelque chose du surhumain, qui est à la fois puissance et handicap, potentialité extraordinaire et un poison dangereux. le titre de la traduction, référence Nietzschéenne, en témoigne, mais ne rend pas justice au titre original que l'on pourrait traduire par l'Arche de Clay (Clay's Ark). Comme souvent chez Butler, il y a cette référence biblique : ici, l'arche supposée emmener l'humanité vers une vie sur une autre planète réalise l'inverse de son projet : amener la vie extraterrestre sur la Terre. Belle pirouette imaginaire, puisque la Terre se trouve alors être une terre d'asile pour les parasites extraterrestres.
On note également que tous les thèmes obsédants de notre monde contemporain, en 2022, sont déjà présents en 1984 : le réchauffement climatique, l'épuisement des ressources, la pollution etc.
Intelligence d'Octavia Butler (que n'a pas Sue Burke, que j'ai lue récemment) : la cohabitation entre humains et parasites extra-terrestres, tentée par un groupe d'idéalistes presque religieux (dont la communauté rappelle celle des "Paraboles") passe par l'apprivoisement mutuel, et non par une domination coloniale de l'un pour l'autre. On retrouve d'ailleurs chez Octavia Butler ce fantasme de communauté séparée qui pourrait, de façon hypothétique, contenir les débordements irrationnels de l'humanité dans une règle mystique mais sans transcendance, égalitaire, paritaire - un communautarisme qui serait potentiellement une issue au gigantisme sociétal toxique.
Ajoutons à ces dimensions un féminisme intelligent, qui propose une place égale pour les hommes et les femmes, sans gommer les spécificités de l'un et l'autre sexe, et sans non plus nier la place du désir féminin pour l'homme sans considérer ce dernier comme un agresseur, comme le font trop d'"autrices" contemporaines, plus pétries d'idéologie que de réflexion.
Je recommande ce roman, bien qu'il soit moins important sans doute que La parabole du semeur et La parabole des talents, et que Liens de sang, qui traite de l'histoire des Noirs en Amérique.
Lien : http://www.williamjoshbeck.c..