C'est mon fils de 4 ans qui m'a fait acheter ce gros livre (plus de 400 pages) sans aucune illustration en couleur ! Nous n'avons rien trouvé pour enfants à ce sujet ! Pourtant c'est la suite logique de ses lectures (c'est-à-dire de nos lectures !) : le Moyen âge, les châteaux, des gargouilles... Donc je lisais Michael Camille pour moi tout en donnant, de temps en temps, des becquées de lecture à mon fils, des becquées de connaissances... C'était passionnant. Nous regardions longuement les photos des 54 gargouilles répertoriées. L'aboutissement de cette lecture était notre montée des 422 marches permettant de rencontrer les gargouilles de
Viollet-le-Duc de près. Et mon petit ne s'est pas fait porter sur les épaules de papa! Actuellement il continue à réaliser les gargouilles en klipo et il excelle dans cet art éphémère des klipos ! Par son intérêt démesuré pour les gargouilles, il est en train de lancer la mode parmi ses copains sans éclipser les dinosaures (ou les squelettes) bien sûr !
Nous étions séduits par l'opulence des photos et des photos inédites rassemblées dans l'ouvrage, toujours en noir en blanc ! Ma préférée étant celle-ci : Léon
Gimpel, Une chambre à coucher peu banale : Campement sur la galerie ouest de Notre-Dame pour (ne pas) voir la comète de Haley, 18-19 mai, 1910. J'ai aussi adoré la manière de ce chercheur d'exposer des choses hautement techniques en gardant un certain esprit de jeu propre aux grands scientifiques. Je pense à Einstein, le tireur de langue ! Michael Camille écrit : «Chaque fois que je longeais la façade ouest de la cathédrale je croyais entendre les chimères me héler depuis les hauteurs de la balustrade : « Hé, toi ! On mérite d'être étudiées pour nous - mêmes ! Au travail! » »
La première partie de l'ouvrage est consacrée à la restauration des gargouilles jusqu'à 1864 tandis que la deuxième à leur reproduction c'est-à-dire à leur vie au cours des 150 ans à venir car les gargouilles ont toujours participé à la marche de l'histoire ! La table des matières reflète les problématiques du livre. Voici les grands chapitres: Monstres de la raison, Monstres de pierre, Monstres du romantisme, Monstres de la race, Monstres de la révolution, Monstres de la mélancolie (les gargouilles de
Charles Méryon), Monstres de la lumière (les gargouilles des photographes), Monstres du sexe (les gargouilles du genre), Monstres des médias… Ainsi les gargouilles rayonnent ! J'admire ce livre de Michael Camille comme on admire une oeuvre d'architecture avec ses symétries et ses rosaces.
En tant que musicienne j'ai senti qu'au coeur de la recherche de Michael Camille est le problème d'interprétation qui est fondamental dans la musique, dans l'art en général, la philosophie et même dans la vie de tous les jours ! La gargouille concrétisait la peur au Moyen âge mais Michael Camille montre comment ensuite on apprivoise nos peurs en les exposant sur la balustrade de la cathédrale !
Sans discuter du sexe des anges, Michael Camille pose le problème du sexe des gargouilles et là apparemment les spécialistes ne sont pas d'accord : Michael Camille dit le Stryge ou le Démon Pensif alors que dans le petit livret qu'on donne aux enfants avant la visite des tours c'est marqué La Stryge ! C'est un petit détail.
C'est un très beau livre à offrir à quelqu'un ou à soi-même.