« Quelle idée de lire ce livre dans cette période », me suis-je dit lorsque j'ai commencé
le Mythe de Sisyphe. Pour un lecteur malavisé de la philosophie de Camus, comme moi, le début de ce petit essai peut être un peu déstabilisant, et même déprimant... Certains passages ont un style plutôt aride, ce qui peut être décourageant si l'on est plus habitué à la lecture de romans qu'à des traités philosophiques, notamment là où Camus dialogue avec les ouvres des auteurs rationalistes et existentialistes, dont j'assume, non sans un peu de gêne, que je ne connais pas grand-chose.
Mais si je dis bien « le début », c'est car très vite on se sent happé par le constat de l'« absurdité » de la vie exposée par l'auteur. Comment peut-on vouloir continuer à vivre dans un monde dont on n'a pas demandé à participer, où nous allons éprouver tout type de souffrance et d'où nous allons partir inexorablement sans rien amener et, principalement, sans rien comprendre ? Comment peut-on continuer à vivre notre quotidien, alors que le sentiment de l'absurdité peut nous frapper dans n'importe quel coin de rue, lorsque soudainement un événement vient nous confronter à notre totale incapacité à expliquer notre place dans ce monde, lorsque nous nous rendons compte de l'incroyable futilité de notre condition en tant qu'êtres vivants ?
C'est à partir de ce problème philosophique que Camus nous explique les différentes façons de vivre comme un « homme absurde », c'est-à-dire, de vivre de manière consciente de notre destin mortel, d'embrasser notre inutilité sans chercher des explications irrationnelles, telles la religion et l'idéologie, qui puissent nous conforter dans notre désarroi.
Ce livre m'a fait énormément réfléchir sur la responsabilité que nous avons sur notre vie et sur comment faire quelque chose de cette très brève existence. Dans une époque si incertaine comme la nôtre, où l'abondance des mauvaises nouvelles favorise quotidiennement la remise en question de nos petites certitudes, je suis content d'avoir pris le temps de lire ce classique qui, finalement, porte un regard optimiste sur l'homme et sa capacité à se faire maître de ses jours, malgré son fardeau.