Beneath the Dead Oak Tree est un comics de 28 pages de format réduit (21×15 cm environ) dans lequel
Emily Carroll déploie avec beaucoup de talent un conte cruel dont les personnages, qui demeurent anonymes, sont des renards anthropomorphes.
Deux atmosphères s'opposent : celle d'une cour d'abord, un univers festif de luxe et de dentelles où dominent le rose et le culte des apparences, où les yeux et murmures de la foule dense et oppressante des figurants sont tournés vers le couple de protagonistes ; puis celle de la nuit au ciel anthracite, le moment où, dans la forêt et loin des regards indiscrets, les masques tombent. Les personnages et le vieux chêne mort, éclairés par la pleine lune, deviennent blancs, un blanc sur lequel contraste violemment le rouge du sang, rendant d'autant plus saisissante une scène de carnage.
Le trait est fin, le dessin précis et détaillé. Bien que l'ouvrage soit bref, il y a beaucoup à voir, notamment dans les scènes de foule, et l'on peut s'attarder longtemps sur chaque page. La palette de couleurs est limitée mais les contrastes soigneusement étudiés. J'aime beaucoup la façon dont l'auteure compose ses pages, utilisant de temps à autre des cases pour mieux s'en jouer et en déborder, tordant les proportions comme la perspective et structurant la foule à la manière d'un décor au point que les figurants roses et noirs font littéralement tapisserie.
Le rythme et les sonorités du texte donnent à l'oreille l'illusion qu'il est versifié. Les mots sont simples, mais riches de sens et posés avec justesse, à l'exemple des phrases formant l'introduction et la conclusion du récit : « Look. See ? That is you and that is me. » puis « Look. See ? That is you and this is me. » dans lesquelles un changement de pronom, loin d'être anecdotique, suffit à évoquer le parcours de la protagoniste et la métamorphose qui s'est opérée en elle.
Plusieurs références viennent à l'esprit à la lecture : le conte « Mr Fox », dans lequel une jeune femme épouse à son insu un tueur sanguinaire, que l'on peut lire notamment dans
Angela Carter's Book of Fairy Tales, ainsi que sa réécriture par
Neil Gaiman, « The White Road », publiée dans le recueil Smoke and Mirrors (
Miroirs et fumées en VF), qui renversait le conte en se jouant des attentes du lecteur ; difficile de ne pas songer également à « The Tiger's Bride », réécriture de « La Belle et la Bête » d'
Angela Carter parue dans le recueil The Bloody Chamber (
La Compagnie des loups en VF), qui laissait entendre que si une part d'animalité est présente chez l'homme, celle-ci a son équivalent chez la femme.
(quelques images sur le blog)
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