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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Pour la petite histoire, ma grand-mère était salvadorienne, et j'ai encore beaucoup de famille dans ce pays, puisqu'une partie y est retournée après la fin de la guerre civile. Ne connaissant aucun écrivain originaire du Salvador, quand j'ai découvert Horacio Castellanos Moya à l'occasion de la sortie française d'un roman intitulé Là où vous ne serez pas, (tout un programme..!), j'ai voulu commencer par le dégoût. Bien m'en a pris, je vais sans doute éviter de le citer dans les prochaines correspondances avec mes cousins éloignés.

Même si cet auteur , dans un entretien, dit:
" L'humour est une composante de la mentalité centrale-américaine. C'est difficile à expliquer, mais nous, les centre-américains, nous aimons rire de tout, et notamment rire des gens. Ce n'est pas toujours politiquement correct, mais c'est inscrit dans notre culture. C'est sans doute un mécanisme de défense. La réalité est trop dure pour être assumée sérieusement ", je ne suis pas persuadé que cet "humour" soit apprécié à sa juste valeur. Et d'ailleurs, pour ce seul roman paru au Salvador, les réactions ont été assez violentes.."

Ne t'inquiète pas, j'apprécie, moi, les gènes?
L'avant-propos :
"Edgardo Vega , le personnage central de ce récit, existe: il vit à Montréal sous un autre nom- un nom d'origine saxonne qui n'est cependant pas celui de Thomas Bernhard. Il m'a fait part de ses opinions de manière assurément plus outrée et plus crue qu'elles n'apparaissent dans ce texte. J'ai voulu atténuer quelques uns de ces jugements qui sinon auraient scandalisé certains lecteurs."

Ah bon!! Qu'est-ce que cela pourrait être, alors, car ce roman est déjà, disons assez heu.. percutant..
Vega, donc, exilé au Canada sous le nom de Thomas Bernhard , d'où le thème, pays je te hais- et le style- est contraint de rentrer au bercail une quinzaine de jours à la mort de sa mère. Pour l'enterrement et pour y toucher sa part d'héritage. Il y est accueilli par son frère et sa famille, et retrouve dans un bar un certain Moya, double de l'auteur, journaliste et écrivain. de 17 heures à 19 heures . Il boit deux verres de whisky, deux seulement à cause de sa colite. Et écoute Tchaïkovski. Et hurle. Son dégoût de tout ce qui concerne ce pays. Sa politique, son absence complète de culture, son frère, sa belle soeur, les enfants de son frère, la télé, la bière locale.. Tout y passe.. et on sort un peu abasourdi de cette lecture, à la fois exercice de style d'écriture, et de pastiche finalement, mais aussi portrait certainement réaliste, je n'en doute pas une minute, de ce qu'est devenu ce pays d'Amérique centrale après une guerre civile qui a fait 100 000 morts.

" Je ne décris que des personnages qui n'ont rien de commun avec moi. Tant que je ne les entends pas, le livre ne vaut rien. J'écris à l'oreille. Je pars d'un ton, non d'une vision. Au livre suivant, je change. D'abord, c'est un pari sur le langage. Ensuite, je déteste me répéter. Enfin, c'est le plaisir de la croissance : plonger dans d'autres passions, d'autres voix. La mienne ne m'intéresse pas "
Horacio Castellanos Moya dans Libération.

Là, ça sonnait quand même très personnel, pourtant.. Et une des forces du texte, c'est que ce n'est pas vraiment un personnage sympathique, ce Vega! Car après tout, la mort de sa mère, il s'en fout, seul lui importe l'héritage, il n'est là que pour 15 jours et s'il ne se plait pas chez son frère et ses neveux brailleurs, si les télés dans toutes les chambres l'horripilent tant , il n'était pas obligé d'y aller, si la bière locale lui donne la diarrhée, il n'est pas obligé non plus d'en boire etc.. Il réussit , par sa verve énervée qui mélange un peu tout tant il hait ce pays, ses états d'âme et ses problèmes digestifs variés, à nous donner envie de lui dire de prendre un Lexomil et de reprendre l'avion le plus vite possible. Et à la fin, il perd son passeport, c'est l'horreur absolue.. et c'est très drôle..
J'aime beaucoup les écrivains qui arrivent à rire d'eux-mêmes. Car c'est en grande partie comme cela que j'ai lu ce roman.

Un petit extrait:
"Et les pires, ce sont les misérables politiciens de gauche, Moya, ceux qui naguère se faisaient appeler commandant, ce sont ceux qui m'écoeurent le plus, je n'aurais jamais cru qu'il y avait des types aussi vils, des types répugnants de la tête aux pieds, après avoir envoyé à la mort tant de gens, après avoir envoyé tant de naïfs au sacrifice, après s'être fatigués de répéter ces stupidités qu'ils appelaient leurs idéaux, les voilà maintenant qui se comportent comme les plus voraces des rats, des rats qui ont troqué leurs uniformes militaires de guérilleros contre le complet veston-cravate, des rats qui ont troqué leurs harangues de justice pour la moindre miette tombée de la table des riches, des rats dont l'unique désir a toujours été de s'emparer de l'Etat pour se goinfrer, des rats vraiment écoeurants, Moya, ça me fait de la peine de penser à tous ces imbéciles qui sont morts à cause de ces rats, ça me fait une peine terrible de penser à ces milliards d'imbéciles qui se sont fait tuer parce qu'ils obéissaient aux ordres de ces rats, à ces dizaines de milliers d'imbéciles qui sont allés à la mort dans l'enthousiasme parce qu'il obéissaient aux ordres de ces rats qui maintenant ne pensent qu'à amasser la plus grande quantité de fric possible pour ressembler aux riches qu'ils combattaient avant…."

...Et ça ne leur a pas plu, au Salvador?





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Horacio Castellanos Moya est originaire du Salvador, bien que né au Honduras. Il a quitté le Salvador au début de la guerre civile. Il a écrit ce livre en 1997 : victime de nombreuses menaces de mort pour ses livres, activités journalistiques et politiques, il a dû s'exiler au Canada, au Costa Rica puis au Mexique, au Japon, en Allemagne...
Le roman nous met en position d'auditeur totalement impuissant face à la logorrhée verbale du personnage principal. le narrateur est un ancien camarade de pensionnat mariste d'Edgardo Vega, il l'écoute parler de son retour au Salvador pour les obsèques de sa mère.
Edgardo Vega est professeur d'histoire de l'art au Canada à présent, il a changé d'identité et adopté la nationalité canadienne sous le nom de Thomas Bernhard.
Thomas bernhard comme cet écrivain autrichien qui n'a jamais eu de mots assez durs envers son pays, celui qui du faire un séjour dans un centre de rééducation national-socialiste pour enfants où il fut torturé. Ses écrits lui valurent de nombreux procès en diffamations. Et malgré tout il cherchait à tirer son pays vers le haut...
Vega se défoule, il déroule le dégoût profond que les dirigeants et la petite bourgeoisie salvadorienne lui inspirent. Dans une homélie obsessionnelle et répétitive, il décrit ses impressions sur l'Université salvadorienne, sur la junte militaire au pouvoir soutenue par des groupes paramilitaires d'extrême-droite, les escadrons de la mort, qui firent des milliers de morts.
Au fur et à mesure de l'avancement du discours, un effet comique se fait jour dans des scènes d'une absurdité terrible et assez abjecte parfois.
Il faut un courage immense pour écrire un livre pareil, et surtout il fait aimer son pays pour avoir écrit ce livre.
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Lors de la lecture de ce livre, j'étais assez perturbée du fait que le style d'écriture est assez différent des livres classiques, et du fait que l'oeuvre entière est un monologue.
Ce monologue est brutal avec une telle violence dans le choix des mots, qu'on peut ressentir la haine du personnage, envers tout ce qui peut toucher El Salvador.
Sa lecture m'a fait beaucoup penser à celle de l'Etranger d'Albert Camus, mais dix fois mieux. Excusez-moi, je n'aime pas du tout Albert Camus !
La chute est très bonne, même si on la connaissait dès le début.
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Un livre remarquable qui vaut le détour. Dans un long monologue ininterrompu, un homme exprime tout son dégoût de son pays d'origine, le Salvador, et de ses ex-compatriotes, les Salvadoriens. Il s'est exilé au Canada, et n'est revenu au Salvador que pour les funérailles de sa mère. C'est à cette occasion qu'il s'exprime un soir auprès d'un ami d'enfance retrouvé lors des funérailles.

Rien n'échappe à son mépris : le manque de culture des Salvadoriens ; la multiplication des universités privées où n'importe qui peut devenir professeur et qui enseignent à leurs élèves comment devenir "manager d'entreprise" ; les militaires ; la famille de son frère, en particulier sa belle-soeur qui ne se nourrit que de cancans et de soap-opéras mexicains ; l'horrible bière du pays qui lui donne la diarrhée ; les sorties au port et le comportement abject de ses ex-compatriotes dans l'avion et à l'aéroport.

Le monologue se termine par une grande crise d'angoisse : il a failli perdre son passeport canadien !

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Livre coup de poing, un gros décrassage au vitriol de notre société. Même si on attaque dans ce livre la population de San Salvador, on peut facilement appliquer cette longue analyse à notre société élitiste.

Ce gros décrassage en long en large et en travers fait vraiment du bien. Ici tout ce que les gens pensent tout bas est enfin étalé au grand jour. Les seules personnes qui peuvent se sentir choquées sont les personnes visées par les propos de l'auteur.

Le seul reproche est le côté trop court de l'oeuvre, car il y avait encore tant à dénoncer. J'avais déjà lu un livre de l'auteur lors d'un masse critique, je n'ai vraiment pas bouder mon plaisir avec ce livre coup de gueule. Vraiment un pur régal. C'est violent, acerbe et jouissif...
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C'est bien écrit, souvent bien observé, ça fait parfois sourire, souvent réfléchir.
Entre nouvelle et roman (environ 100 pages) ce livre est assez particulier puisqu'il n'est composé que d'une seule phrase ! Féroce, drôle, grinçant, trash, loufoque et implacable à la fois ce livre qui se lit d'une traite mérite le détour grâce à son originalité d'une part , mais aussi il permet aussi de découvrir un romancier d'Amérique centrale.
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