Malheur
Un jour il comprit que ses bras n'étaient
Faits que de nuages ;
Impossible avec des nuages d'étreindre à fond
Un corps, une chance.
La chance est ronde et compte lentement
Des étoiles d'été.
Font défaut des bras sûrs comme le vent,
Et comme la mer un baiser.
Mais lui avec ses lèvres,
Avec ses lèvres il ne sait dire que des mots ;
Mots au plafond,
Mots au plancher,
Et ses bras sont des nuages qui font de la vie
Un air navigable.
//Traduction: Jacques Ancet
je te dirai comment tu es né
Je dirai comment tu es né, plaisirs interdits,
Comment naît un désir sur les tours de la peur,
Barres menaçantes, fiel décoloré,
Nuit pétrifiée à force de poings,
Avant tout, même les plus rebelles,
Ne rentre que dans la vie sans murs.
Armure infranchissable, lances ou dagues,
Tout est bon si cela déforme un corps ;
Votre souhait est de boire ces feuilles lascives
Ou de dormir dans cette eau caressante.
Peu importe;
Ils déclarent déjà votre esprit impur.
Peu importe la pureté, les dons qu'un destin
Élevé vers les oiseaux avec des mains impérissables ;
Peu importe la jeunesse, je rêve plus que l'homme,
Le sourire si noble, plage de soie sous l'orage
D'un régime déchu.
Plaisirs interdits, planètes terrestres,
Membres de marbre au goût d'été,
Jus d'éponges abandonnées par la mer,
Fleurs de fer, retentissant comme une poitrine d'homme.
Solitudes hautaines, couronnes renversées,
Libertés mémorables, manteau de jeunesse;
Quiconque insulte ces fruits, ténèbres sur la langue,
Est vil comme un roi, comme l'ombre d'un roi
Rampant aux pieds de la terre
Pour obtenir un morceau de vie.
Il ne connaissait pas les limites imposées,
Limites de métal ou de papier,
Puisque le hasard lui a fait ouvrir les yeux sous une si haute lumière,
Où les vides réalités n'atteignent pas,
Puantes lois, codes, rats de paysages en ruine.
Tendre la main alors
C'est trouver une montagne qui interdit,
Une forêt impénétrable qui nie,
Une mer qui avale des adolescents rebelles.
Mais si colère, outrage, honte et mort,
Dents avides sans chair encore,
Menacées en ouvrant leurs torrents,
En revanche toi, plaisirs interdits,
Bronze d'orgueil, blasphème que rien ne précipite,
Tu as le mystère dans une main.
Goûtez qu'aucune amertume ne corrompt,
Ciels, cieux éclairs qui anéantissent.
En bas, des statues anonymes,
Ombres d'ombres, misère, préceptes de brume ;
Une étincelle de ces plaisirs
Brille à l'heure vengeresse.
Son éclat peut détruire votre monde.
Je voudrais être seul dans le sud
Peut-être mes yeux lents ne verront plus le sud
Aux légers paysages endormis dans l'espace,
Aux corps comme des fleurs sous l'ombrage des branches
Ou fuyant au galop de chevaux furieux.
Le sud est un désert qui pleure quand il chante,
Et comme l'oiseau mort, sa voix ne s'éteint pas ;
Vers la mer il dirige ses désirs amers
Ouvrant un faible écho qui vibre lentement.
A ce si lointain sud je veux être mêlé.
La pluie là-bas n'est rien qu'une rose entr'ouverte ;
Son brouillard même rit, rire blanc dans le vent.
Son ombre, sa lumière ont d'égales beautés.
Je ne sais quel nom lui donner dans mes rêves
Extrait 2
Alors la vie posa une lampe
Sur des murs sanglants ;
Le jour déjà fatigué séchait tristement
Les futures aurores, rapiécées
Comme loques de roi.
La lampe c'était toi,
Mes lèvres, mon sourire,
Forme que trouvent mes mains dans tout ce qu'elles
touchent.
Si mes yeux se ferment c'est pour te trouver en rêve,
Derrière la tête,
Derrière le monde asservi,
Dans ce pays perdu
Que sans le savoir nous avons quitté un jour.
//Traduction: Jacques Ancet
je suis venu voir
Je suis venu voir des visages
gentils comme de vieux balais,
je suis venu voir les ombres
Qui me sourient de loin.
Je suis venu voir les murs Par
terre ou debout indistinctement,
Je suis venu voir les choses,
Les choses endormies d'ici.
Je suis venu voir les mers
Endormi dans un panier à l'italienne,
Je suis venu voir les portes,
L'ouvrage, les toits, les vertus
D'une couleur jaune déjà dépassée.
je suis venu voir la mort
Et son filet gracieux pour chasser les papillons,
je suis venu t'attendre Les
bras un peu en l'air,
je suis venu je ne sais pourquoi;
Un jour j'ai ouvert les yeux : je suis venu.
C'est pourquoi je veux saluer sans insistance
À tant de choses plus que gentilles :
Les amis de couleur bleu clair,
Les jours de couleur variable,
La liberté de la couleur de mes yeux ;
Les petits enfants de soie si claire,
Les sépultures ennuyeuses comme des pierres,
La sécurité, cet insecte
Qui niche dans les volutes de la lumière.
Au revoir, doux amants invisibles,
je suis désolé de ne pas avoir dormi dans vos bras.
Je ne suis venu que pour ces baisers ;
Gardez les lèvres si je reviens.