Défi solidaire 2024
Chapsal est décédée cette année, et sa carrière d'écrivaine fut prolifique, les thèmes explorés (romance, séduction, féminité) cohérents, et dont on ne peut pas dire (ce serait intellectuellement malhonnête) que "
Jeu de femme", seul ouvrage que j'aie lu de Chapsal, n'ait pas de personnalité. Une personnalité odieuse, clichée, agaçante, parsemée de quelques traits d'esprit, assez fluide, quelques réflexions sur l'amour et la séduction.
Mais une vision du monde assénée et martelée d'un ton péremptoire, et n'étant pas du tout d'accord avec, je n'ai pas du tout été convaincue (alors qu'en soi, elle aurait pu). En fait, je me suis amusée à faire un florilège des clichés mais j'ai vite arrêté car j'ai davantage écrit que lu.
Florilège : les différences entre les sexes sont évidentes, puisque certains hommes ont une voix grave ! (a) je suis une chanteuse contralto qui peut chanter des airs de ténors, et b) j'ai des camarades phonéticiens qui étudient les voix masculines et féminines et ce n'est pas si binaire qu'on pourrait le croire). Oui, je suis de mauvaise foi, mais c'est parce que ces affirmations constantes m'ont profondément agacée. Et puis les femmes ne pensent qu'à se faire belles, on connaît leurs couleurs de cheveux (la brune, la blonde) ce que
De Beauvoir trouvait déjà narcissique, de mauvais goût et typique d'une littérature féminine non émancipée.
Essentialisme (l'homme séducteur, conquérant, la femme amoureuse, changeante, vengeresse, les cafés où l'on sait ce que servir veut dire, la culture bourgeoise de droite avec Deauville, la Rochelle et les écharpes en peau de renard, sans compter les voiliers, les yatchs et les riches qui ont aussi des problèmes (personne ne le nie), et les courses hippiques... pourquoi pas choisir cette univers, plutôt qu'un autre, mais Chapsal n'en fait rien, sinon des clichés.)
A vrai dire, en à peine trente pages mon florilège était si fourni que je suis vite passée à autre chose. Tout est si exagérée que j'ai l'impression que Chapsal joue un peu, à vrai dire. Et je pense que si ce livre est une parodie, il est excellent.
Cela dit, ce séducteur de Houelle est assez bien écrit, dans le sens où c'est un odieux personnage, et une autre source d'intérêt est qu'on le sait dès le début, et que sa "trahison" dont on se doute fait quand même mal. Cela, c'est intéressant, mais à aucun moment il n'est question de psychologie humaine, seulement d'hommes et de femmes.
Passons à moi. J'écris peu de critiques négatives, et je me suis plu à ne pas aimer le livre. (au début, du moins, j'ai abandonné p. 90 et ai lu la fin -qui "sauve" un peu le livre
l'amour vaut mieux que la séduction, jeu finalement bien futile - le tout sur fond de dispute plutôt que de moraline, ce qui est coloré et """"sauve""""" un peu le tout ). Alors, qu'est ce qui, compte tenu de mon histoire et de celle du livre, a court-circuité ? Prenons Bourdieu dans la Distinction. Je pense être dotée d'un fort capital économique et d'un fort capital culturel. Or, ce livre est la caricature du fort capital économique et faible capital culturel. Et ces deux catégories se haïssent et se méprisent mutuellement, et n'ont pas la même vision de la culture. Huhuhu, Madeleine, votre bavardage mondain est fort plaisant ! Si je n'ai pas aimé, c'est qu'il est à la fois emblématique d'une certaine norme de genre et de classe. Or, en tant que femme bourge, ce livre me renvoie au personnage que je ne veux surtout pas être, et que des déterminismes me font être. Pourvu que cet état d'esprit chapsalien ne soit jamais ma vie, voilà ce que je me dis. D'une certaine manière, c'est assez beau : j'utilise des catégories pour expliquer que ce livre est cliché.
Les cases, c'est pas fait pour la littérature. C'est fait pour les échiquiers.