Citations sur Autre-Monde, tome 3 : Le coeur de la terre (61)
- Notre armée ?
- L'armée d'Eden, l'armée des Pans. Nous n'avons plus le choix, nous sommes en guerre contre les Cyniks.
- Wouah ! Je m'absente quelques jours et c'est le chaos !
Il alla jusqu'à Plume prendre le sac à dos et l'arc qu'il gardait parmi ses affaires et les rendit à Tobias.
- Mon matériel ? s'exclama celui-ci, ébahi.
- Je savais que, tôt ou tard, je te retrouverais. Je n'ai jamais perdu l'espoir, Toby.
Tobias se jeta dans ses bras et lui chuchota tout bas :
- On va trouver pourquoi ton père est le Raupéroden, tout ça a forcément une explication, d'accord ?
Matt approuva et ils se mirent en route vers la muraille qui traversait la vallée.
Matt se laissa choir à l'écart, les genoux repliés contre sa poitrine.
Tobias vint s'agenouiller près de lui.
- Je suis désolé, dit-il plein de tristesse.
- Tu le savais, pas vrai ? Tu l'avais vu...
Tobias ne trouva pas la force de répondre, il se contenta d'approuver d'un geste.
- C'est impossible, tenta de se convaincre Matt. Ca ne peut pas être lui.
- C'était sa voix, c'était son visage.
Matt laissa retomber son front entre ses mains jointes.
Il était perdu. Il s'était attendu à tout, sauf à cela.
L'âme du Raupéroden, son cerveau, avait un visage humain.
Celui de son père.
- Dépêche-toi d'aller te trouver un compagnon à quattre pattes.
- C'est déjà fait, dit-il en s'écartant pour désigner une boule de fourrure noire et marron dont les yeux étaient à peines visibles sous les poils trop longs. Je l'ai choisi parce qu'il est aussi moche que moi ! On devrait s'entendre !
Le lever du soleil ressemblait à un matin de Noël. En découvrant cette armée de chiens géants les Pans se mirent à crier de joie, à les prendre dans leurs bras et à jouer avec eux, pour le plus grand bonheur des animaux.
Ambre et Matt observaient des scènes parfois cocasses, les Pans les plus jeunes ne parvenant pas à se décrocher de leur nouveaux amis.
La lune apparut et la plaine sortit des ténèbres.
Ils étaient des centaines.
Grands comme des chevaux. Assis sur leur train arrière, attendant un signal.
Des chiens partout. Le poil ébouriffé, la masse imposante, le museau levé. Matt se figea. Il ne savait pas s’il devait les trouver mignons comme des nounours ou inquiétants comme des fauves.
Une forme s’avança vers lui, et Plume surgit de l’ombre.
Matt fit un pas dans sa direction et la chienne jappa vers son jeune maître.
— Tu me dis que tu es parti pour ça, pas vrai ? comprit Matt. Voilà ce que tu manigançais dans la forêt ? Tu les as sentis, et tu es partie les chercher !
Plume vint se frotter si fort contre lui qu’elle faillit le renverser.
— Tu vois qu’ils sont gentils ! fit un garde dans son dos.
— Mais qu’est-ce qu’on va faire d’eux ? Ils sont beaucoup trop nombreux !
— Notre cavalerie spéciale, annonça Matt. C’est pour ça qu’ils sont venus. Pour nous aider.
Cette chose, Tobias l’avait surnommée le Dévoreur.
Lorsque le Dévoreur repartait, il ne restait qu’un squelette tiède qui venait s’ajouter aux nombreux autres.
Tobias avait déjà tenté de s’enfuir, la première fois qu’il avait assisté à ce spectacle abominable. Mais une porte gluante leur barrait l’accès. Une grille dont les barreaux étaient recouverts d’une substance poisseuse et collante dont Tobias avait eu toutes les peines du monde à débarrasser ses mains.
Depuis, il se tenait plaqué dans le renfoncement qu’il s’était choisi, sursautant à chaque bruit, craignant le retour du Dévoreur.
Il ignorait tout de cet endroit. Était-ce le monde d’où venait le Raupéroden ? Était-ce loin de la Terre ?
Tobias savait qu’il n’était pas mort, pas encore, car il respirait, il éprouvait le froid et la terreur, cependant il ne parvenait pas à comprendre ce qui lui était arrivé.
— Son corps n’est qu’une porte ! Un passage vers un territoire lointain, un ailleurs, et sur ses terres, il enferme ses proies pour les manger petit à petit. J’ai bien songé à tout cela et je suis convaincu que Tobias est là-bas. Il est encore possible de le sauver. J’ignore comment, mais rien n’est encore perdu pour lui.
Ambre fixait Matt avec inquiétude.
— Nous l’avons déjà affronté, il est invincible, tu le sais, rien que son armée de Guetteurs le rend inaccessible.
— Pas si je me rends à lui.
— Matt ! C’est du suicide !
Le jeune homme fit une grimace résignée.
— Je sais…
Ambre l’enveloppa de ses bras.
— Crois-moi, je suis aussi triste que toi, mais te jeter dans la gueule du loup ne ramènera pas Toby.
— Ben ! s’écria Ambre.
Le Long Marcheur vint les saluer avec le sourire. Matt se souvint de lui, ils s’étaient rencontrés sur l’île Carmichael, et il avait soupçonné Ambre d’être séduite par son physique d’acteur.
— C’est un plaisir de vous voir ici ! s’enthousiasma Ben.
Et en plus il est gentil ! pesta Matt en silence.
Malgré tout, il ne fut pas aussi jaloux qu’il l’aurait cru. Il ne ressentit ni ce pincement au cœur, ni cette boule dans l’estomac qu’il connaissait bien. Rien qu’une pointe d’agacement.
Pourquoi devrais-je être jaloux ? Il faudrait que je ressente quelque chose pour Ambre ! Ce n’est que mon amie, après tout. Je n’ai aucun droit sur elle, ni sur ses relations avec les autres…
De toute façon, l’esprit de Matt devait tout entier se tourner vers ses préoccupations de survie. L’imminence d’un conflit avec les Cyniks.
Ce tome est plus prenant que le second, j'en suis déjà à la moitié en quelques heures, j'ai hâte de connaître la fin!