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En ce qui me concerne, je n'ai pas du tout accroché avec cet ouvrage. J'étais bien consciente su'il fallait le lire au deuxième degré mais j'ai beau l'avoir lu au troisième, voire même au quatrième degré, ça n'a pas passé et je suis contente de l'avoir enfin terminé (j'ai horreur d'abandonner un livre que j'ai commencé, même si pour ce dernier, j'aurais très bien pu me le permettre car c'est mon mari qui me l'a emprunté à la médiathèque, croyant me distraire un peu...pas de vol, ça n'a pas marché. Cela m'a même plutôt plus ennuyé qu'autre chose).

Il y a dans ce récit en réalité trois narrateurs : le "Moi" du livre, "l'auteur" qui se trouve représenté dans ce dernier et enfin l'auteur du livre car cet ouvrage comprend quelques éléments biographiques d'une part et puis aussi, et surtout, parce que les deux premiers n'existeraient pas sans le troisième d'autre part. Tout commence par une banale histoire de gratin de chou-fleur à la béchamel que le narrateur (Blaise) a en horreur et contre lequel il échangerait bien volontiers, contre tout l'or du monde, une bonne truite aux amandes.
Tout commence là-dessus et, puis, ce dernier entreprend un long voyage à la suite d'une fourmi, car il n'a plus de toit, et se retrouve bien vite accompagné de Pimoé, une jeune femme rencontrée sur la route, d'un tamanoir et enfin de Charlie, un petit enfant qui, intrigué par le tamanoir, a échappé à la vigilance de sa mère. Tous suivent donc cette fourmi dans le seul but de savoir où elle se dirige et c'est au cours de cette longue pérégrination que Blaise va se confier sur ce qui fut une partie de sa vie.

Entre temps, l'auteur (celui du livre et non pas Eric Chevillard) va sans cesse intervenir dans la narration de son personnage avec de longues notes en bas de pages (si vous préférez, il y a en quelque sorte dans cet ouvrage deux livres en un, ce qui est assez déroutant car on a vite fait de perdre le fil, il faudrait en réalité le lire en deux fois ou alors le relire, ce que je ne m'aventurerai certainement pas à faire). L'on reconnaît cependant assez facilement de quelle histoire il s'agit puisque Blaise narre son récit à la première personne tandis que pour l'auteur, il intervient toujours (ou très fréquemment à la troisième personne du singulier.

Pour conclure, je veux bien croire, comme le dit l'auteur (le vrai, cette fois, Eric Chevillard) qu'il s'agit ici d'une satire ironique de la littérature et non pas d'un simple roman humoristique, je n'ai vraiment pas accroché avec cet ouvrage, qui se lit néanmoins très vie.
Vous n'avez rien compris à ma critique ? Tans mieux ! C'est un peu l'impression que j'ai eue en lisant ce livre !
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Pour le prix de seulement six choux-fleurs, il est possible d'acheter ce roman d'Éric Chevillard, et ainsi non seulement éviter de s'engluer dans le gratin de ce légume douteux, tout en s'offrant un morceau de grande littérature et de totale jubilation.

Un lecteur averti en vaut deux et Eric Chevillard annonce la couleur, d'emblée, dans son avertissement. Il faut à l'auteur «un prétexte pour commencer ; n'importe lequel ; la qualité première d'un prétexte est d'être indifférent.» le prétexte donc, la détestation du gratin de chou-fleur, est ici poussé dans les ultimes retranchements de la logique et de l'imagination - pendant près de trois cent pages, pour un livre dont l'unique sujet n'est que la langue elle-même.

Un homme, dénommé Blaise, s'était vu promettre son plat préféré pour le déjeuner. Impatient, alléché, il attendait une truite aux amandes et a eu la mauvaise surprise de voir arriver sur la table un gratin de chou-fleur. Ecoeuré, révolté, il aborde une jeune femme à une terrasse de café pour lui conter cette histoire. À partir d'un prétexte, Éric Chevillard développe un univers : Dans un exercice de style qui confine au génie, le gratin de chou-fleur devient progressivement la racine du mal et des guerres dans le monde, une métaphore du marasme dans lequel s'engluent nos existences médiocres, à moins que ce ne soit juste une supercherie.

«Afin de bien comprendre ce qui se jouait, quand elle est arrivée avec son plat fumant – et la fumée semblait bourgeonner encore, le monstre était redoublé par son fantôme -, pour mieux me comprendre, il vous faut mesurer l'écart qui existe entre une truite aux amandes et un gratin de chou-fleur, sonder ce gouffre : si l'on veut bien ignorer leurs communes propriétés nutritives, rien ne permet seulement de les comparer.
D'un côté, nous avons le plus beau poisson des rivières ; de l'autre, le plus triste légume du jardin.
D'un côté, un mets raffiné digne des meilleures tables ; de l'autre, un plat de cantine, le mortier qu'une grosse patte dépote à la louche entre le catéchisme et les mathématiques
D'un côté, les soins délicats d'une maîtresse de maison qui sait recevoir ; de l'autre, l'improvisation bâclée d'une cuisinière sans imagination.
D'un côté, l'allègre foulée dans les prés verts, les pieds mouillés de rosée ; de l'autre, la reptation pénible dans la tourbière et le bourbier.
D'un côté, l'espace ouvert, la lune amie, le ciel encore derrière le ciel ; de l'autre, un horizon de poix, de plomb, le grenier effondré, la cave inondée.»

Afin de contenir les débordements éventuels de son imagination et (tenter de) rester maître de la situation, l'auteur est présent en bas de page. Mais l'écriture s'emballe et les notes de l'auteur envahissent peu à peu tout l'espace ; alors se développe un deuxième récit, l'histoire d'un fuyard recherché pour meurtre et qui, pour échapper à sa condition humaine et à ses poursuivants, suit la trace d'une fourmi. Il est bientôt rejoint dans cette folle aventure par une femme, un tamanoir et un petit garçon.

Avec des digressions hilarantes sur la littérature et le monde moderne (au gré des passants qui cheminent devant la terrasse du café), les parois des récits sont de plus en plus poreuses ; Blaise et son auteur se superposent : «L'auteur s'étant reconnu ici sous les traits de son personnage envisage sérieusement de se traîner devant les tribunaux». Auteur et personnages peuvent nourrir des doutes sur leur identité, mais la plume, elle, maîtrise totalement ses volutes et le chemin qu'elle trace.

Foisonnant comme les efflorescences de l'abhorré légume, « L'auteur et moi » est un livre virtuose, et juste merveilleux. J'ai ri à toutes les pages, de cette inventivité permanente, de cette exigence absolue, de ces rêves d'enfant et de ces mots d'adulte.
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Si vous cherchez un auteur capable de remplir des dizaines de pages sur la phobie à l'encontre du gratin de chou-fleur, rapportée à une extrême prédilection pour la truite aux amandes, et de brosser les évolutions d'un personnage poursuivi pour meurtre, en compagnie d'une femme, d'un petit garçon et d'un tamanoir échappé d'un cirque, tout quatre suivant le chemin d'une fourmi légionnaire, si tout cela pique votre curiosité, ce livre va vous amuser. Éric Chevillard a le talent de ne pas lasser avec ses sujets impromptus et interminables: une loquacité incroyable, un bien-dire presque déconcertant pour faire des phrases sur rien, voilà qui épate — enrage ? — ceux qui sèchent des heures pour tourner un billet acceptable sur la dernière lecture fameuse.
Un livre sur rien ? Pas tout à fait: si on prend la peine de soulever le coin des mots, la poussière d'étoile dont nous sommes faits s'envole sous nos yeux étonnés. Oui, ce peut être de vous et moi que, sous des dehors décapants, Chevillard rapporte les vérités trompeuses.

Avertissement: ne pas attendre d'histoire. Dès que naît l'ébauche d'un projet narratif traditionnel, il se voit postposé ad vitam æternam, fuyant comme la truite de rivière telle une flèche d'argent impossible à saisir. La digression règne en maître, il suffit alors de se laisser porter et de sourire en se posant quelque questions sur le bien-fondé de tout cela.

On trouvera peut-être réponse en lisant Pierre Jourde dire du bien du livre.
Ou en activant l'inévitable Wikipédia: "Dès son premier roman, la critique a salué son humour décapant et son jeu avec les conventions narratives, qui le placent dans la lignée du nonsense britannique et du grand maître de l'antiroman, Laurence Sterne. D'un ton souvent incongru, faussement désinvolte, le style de Chevillard se plaît à détourner les conventions linguistiques et à faire jaillir, de situations apparemment anodines ou anecdotiques, les événements les plus absurdes afin de mettre en question les fausses évidences sur lesquelles repose notre rapport au monde et aux choses."
On ne saurait mieux dire. Les curieux ne manqueront pas de se captiver pour ce drôle d'oiseau anglais, Sterne Laurence (1713-1768), ancêtre précurseur du Chevillard contemporain.

Toutes les conventions narratives sont explorées et chamboulées. S'appuyant sur des anecdotes et embêtements survenus à cause de certains de ses livres, Démolir Nisard (2006) notamment, qui s'en prend à Désiré Nisard par narrateur interposé et qui lui a valu les réprimandes menaçantes d'une descendante du critique littéraire, Chevillard se propose de prendre des précautions vis-à-vis de son personnage: "Plutôt parasiter consciemment ce récit que d'en être d'un bout à l'autre la dupe ou le nigaud." Il projette donc d'apparaître dans les notes de bas de page, pour rectifier le tir et désavouer le narrateur si celui-ci venait à lui échapper. C'est amusant et inventif, car il joue habilement de l'autonomie de son acteur, mais là où Chevillard dépasse tout, c'est quand l'auteur reprend la main pour soudain développer une autre aventure dans les notes de bas de page. On assiste ainsi durant 106 pages à une fiction dans le roman, qui cesse brutalement faute de combattants (les fourmis légionnaires...) pour laisser à nouveau place au corps de texte avec ce malheureux quidam écoeuré par le gratin de chou-fleur. On ne sera pas étonné que ses confidences désespérées et désopilantes s'achèvent dans un final très déconcertant. Tout cela régulièrement suspendu par la voix désinhibée de l'auteur, qu'on peut considérer comme étant Éric Chevillard en personne. Encore qu'un doute subsistera toujours sur ce que ce dernier souhaite qu'on sache de lui: à force de brouiller les conventions...

Et le gratin de chou-fleur ? Je trouve là un dégoût prononcé pour le grossier, le sent mauvais, le flasque bourbeux que vous associerez à tout ce que vous trouverez d'assimilable. La truite aux amandes quoi de plus fin et léger, il y a de l'esprit, de la vivacité dans la truite ainsi accommodée.
Sur le plan du fond, les formulations claires ou implicites témoignent de constats amers sur la société. Certains artistes excellent et fondent leur carrière sur cette dénonciation acrimonieuse: Chevillard fait partie de ceux-là. On peut reprocher à certains de ne voir que le noir, oubliant le lumineux, mais ils sont là pour montrer — à chaque homme suffit sa peine — et vous diront qu'on ne leur demande pas de changer le monde.

L'Autofictif est le blog que Chevillard tient au jour le jour, en guise de journal extime, où il écrit "la chronique nerveuse ou énervée d'une vie dans la tension particulière de chaque jour."
Le 9 janvier il y rapporte un mot d'une de ses petites filles: "Je mets les mains devant mes yeux pour pas avoir peur de la nuit." le 8 il proposait: "Prisonnière encore des glaces du pôle, la paupière du globe sera la vague immense qui finalement le plongera dans la nuit."

Les Éditions de Minuit sont un vivier d'écrivains particulièrement doués (Toussaint, Echenoz, Mauvignier,...), pour la plupart des auteurs qui ont une griffe très personnelle, contribuant à l'apport d'une sève fringante dans la fiction française moderne et celui-ci ne déroge pas à la règle. Entamer l'année avec une révélation aussi marquante, un coup de coeur déjà, voilà qui augure bien de 2013.

Voir le site de l'auteur avec bio/bibliographie complètes ainsi que Ventscontraires.net où il rédige des chroniques. Pour compléter le dossier, cette interview indispensable sur "Article11" avec ce que dit E.C. à propos "Du hérisson", un livre sur rien.

Lien : http://www.christianwery.be/..
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Chevillard est sacrément hilarant. Ses personnages, ses histoires et ses digressions sont extraordinaires. Tout dans ce roman est jeu, notamment la littérature et l'univers qui l'entoure: sa communauté, son économie, son histoire.
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Afin d'éviter tout amalgame entre ses opinions et celles de son narrateur, l'auteur a décidé, dans cet ouvrage, de commenter en notes de bas de page les propos et les actions de son personnage. Présenté ainsi, on se dit que cela risque d'être assez... lourd... Mais bon, on y va quand même. Après tout, un auteur qui règle ses comptes avec sa créature et ses lecteurs par la même occasion, cela peut être drôle.
Voilà pour le contexte.
Pour ce qu'il est du fond, il est ici question essentiellement de gratin de chou-fleur, de truite aux amandes, de meurtre, de fourmi et de tamanoir...
Oui, je vous comprend : ça parait saugrenu. Mais je vous rassure, l'ensemble, juste jubilatoire, est d'une parfaite normalité.
Avec beaucoup d'élégance et d'éloquence, le style de Chevillard est divin. Comme pour Umberto Eco, les idées et les mots s'enchaînent avec fluidité jusqu'à devenir musicaux.
Une lecture bien agréable donc, même s'il faut parfois se munir d'un bon dico, qui mérite le détour, rien que pour la lecture de la note 26 de 110 pages, proprement géniale !
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Compliqué d'en dire quelques mots ! Au premier plan du roman , le personnage principal crie sa détestation du gratin de chou-fleur, en opposition à la délicieuse truite aux amandes promise initialement. L'auteur intervient en note de bas de page, d'abord pour des considérations biographiques censées éclairer la fiction. Elles s'opposent souvent à celles du personnage principal du roman. L'auteur ne peut résister à la tentation d'inclure un second roman en note de bas de page, une fiction elle aussi loufoque, reprenant certains éléments du roman principal, mais aussi une nouvelle fiction (un couple, un enfant trouvé (et un tamanoir !) suivent une fourmi pendant des années, qui les mène en fait à leur perte. Retour au roman initial et aux interventions biographiques de l'auteur. Tout est drôlement imbriqué, pas si facile à suivre, il y a une sorte de jubilation de l'écriture mais probablement causée par beaucoup d'angoisse cachée. Bref, assez déroutant mais au final, une envie de lire à nouveau du Chevillard, malgré (ou à cause) de son côté imprévisible et tordu.
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Le narrateur n'aime pas le gratin de chou-fleur. Il le hait, il l'exècre, et devient méchant (jusqu'au meurtre?) quand on lui en propose. En revanche il adore la truite aux amandes. Quel drame alors quand au lieu de truite on lui sert du chou-fleur -en gratin? Voilà ce que dans un monologue fou il tente d'expliquer à une jeune femme en terrasse d'un café, alors qu'autour d'eux les passants vaquent à leurs occupations.

Dès le début, le lecteur est prévenu que l'auteur veut se démarquer du narrateur et qu'il interviendra! D'où de longs bas de page s'étalant sans ambages sous le texte principal. Et patatras, alors que le lecteur (moi en l'occurrence) commençait un peu à fatiguer du gratin de chou-fleur (sa vie, ses oeuvres), arrive carrément un bas de page prenant le pouvoir sur une bonne centaine de pages, ("Pourquoi, en effet, serait-il interdit d'écrire un roman en bas de page?") narrant l'aventure de l'auteur à la poursuite (non échevelée) d'une fourmi, bientôt suivi par une jeune femme, un tamanoir, un enfant, etc...

Puis la fourmi disparaît, laissant le lecteur abasourdi par la fin, et revient le chou-fleur, avec force et rage.

Mon avis
Une expérience de lecture, ça c'est sûr! Qui peut bien sûr paraître totalement artificielle, sans queue ni tête, et laisser sur sa faim côté histoire (quoique, la fourmi, c'est pas mal du tout). Mais quelle maestria! le délire chou-fleuresque atteint encore des sommets vers la fin, emportant tout sur son passage.

"Les livres de l'auteur (...) suivent un cours digressif et déconcertant. le lecteur n'en peut sauter un mot sans en perdre le fil mais il ne lui est pas recommandé non plus de s'attarder trop, car alors il s'y emberlificote. (...) Toute lecture bien comprise est d'ailleurs affaire de vitesse.Il s'agit de trouver la bonne. Il en est une adaptée pour chaque écrivain qui sera fatale au lecteur s'il n'en change pas en s'engageant dans le livre d'un autre. Aussi est-il malavisé, selon l'auteur, de prétendre traverser toute la littérature dans une voiturette de golfeur."

Les interventions de l'auteur déconcertent. C'est un jeu? C'est à prendre à quel degré de folie? L'auteur est-il en fait un type imbuvable? Allez savoir... Mais il a une écriture incroyable, c'est évident.

"Or il n'est pire douleur que celle que l'on vous dénie. Elle augmente de ce désaveu. Puis il est encore ceux que réjouissent les conditions de votre malheur, qui y trouvent quant à eux celles de leur bonheur et de leur volupté, tant il est vrai que le ver de terre et le renard ne se font pas la même idée de la poule."

"L'instinct infaillible tout à fait remarquable des bêtes précipite ainsi les escargots par équipes de douze dans les alvéoles de l'assiette conçue pour les recevoir."

Après quelques lectures plus traditionnelles, je reprendrais bien une part de gratin de chou-fleur Chevillard, un jour ou l'autre.
Lien : http://enlisantenvoyageant.b..
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L'histoire racontée par lui-même d'un homme fugitif, qui peut être accusé d'un meurtre après avoir refusé, injurié, oh combien, un gratin de chou-fleur, par amour pour la truite aux amandes (pas d'accord, personnellement dit Brigetoun), qui rencontre une fourmi, s'en fait rempart, se renforce d'une jeune fille de légende, rencontre un tamanoir et un enfant, récit fait avec la logique loufoque et l'éventuelle mauvaise foi que l'on peut attendre d'un être né de l'écriture d'Éric Chevillard. Mais tout autant, ou plus, et tenant autant de place au moins dans la première moitié du livre, commentaire par l'auteur, justification de ses choix, refus d'être soupçonné de cynisme, d'ironie et de formalisme, théorie du roman, polémiques, adresses au lecteur, portrait sans complaisance de l'époque, vie de l'auteur qui est peut-être Chevillard lui-même (d'ailleurs on rencontre Agathe et sa soeur, ses filles, au coin d'une phrase) en «notes de bas de page», qui peuvent envahir toute la page... sans compter des passages en italique qui s'insèrent avec une liberté apparente, décrivent une autre action, ou sont contrepoints. La haine, la crainte du gratin de chou-fleur reprenant le dessus, tenant lieu de tout.
Tour de force fait avec bonne humeur, gravité dans la fantaisie affichée, plaisir de lecture.
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Il aime la truite aux amandes, il déteste le gratin de chou-fleur! Tout est dit!
On lui a promis le premier, on sert lui sert le second... Il ne peut que laisser exploser sa colère à la face du monde. Et c'est une malchanceuse demoiselle, dont le seul tort est de s'être assise en terrasse, à portée de sa lourdeur, qui en fera les frais. Elle ne dira rien, il dira tout!
Après 100 pages, il en viendra à une première réflexion de fond: "Certains, à choisir entre une truite aux amandes et un gratin au chou-fleur,choisiront, sans l'ombre d'une hésitation, le gratin! On en voit. J'en connais. Allez, après cela, vivre en bonne entente avec vos contemporains!"

Durant 300 pages, le réquisitoire appelant à une condamnation sans appel du chou-fleur gratiné se poursuit dans le style propre à Eric CHEVILLARD!
Et quelle écriture! Mélange de lourdeur aussi pâteuse que la purée de chou-fleur et aussi frétillante que la truite aux amandes avant d'être passée à la poêle. Une écriture aussi 'fractalisée' que chaque bouquet et chaque fleuron du chou-fleur (chaque idée étant à son tour déclinée, en un tout identique mais à plus petite échelle, en posant le même message déjà 100 fois proposé!) ... du grand art!

Mais, en même temps, cette écriture 'Chevillardesque' est linéaire et, page à près page, elle propose au lecteur un cheminement vers la compréhension du crime final annoncé quasi d'entrée de jeu. du grand art!

CHEVILLARD est, à mon sens, l'auteur, actuellement, le plus à même de digresser pour perdre son lecteur, multiplier les points de vues en croisant les regards de l'écrivain, du personnage, du public qui assiste aux non-événements et du lecteur qui s'énerve devant tant de confusion, se pause pour comprendre et saisir, se délecte de tant d'humour et s'accroche aux différentes strates du récit qui, de valeurs ajoutées en redondances inutiles, l'immergent dans la quête du message caché de ce roman. Est-ce une allégorie? Une métaphore qui lui donne à voir une attaque en règle de nos bons vieux romans qui se mitonnent sempiternellement dans les cuisines de la littérature convenue? Ou est-ce plutôt , bien plus puissante, une vision du gratin de chou-fleur qui ne serait que la traduction de notre propre condition humaine, soumise en permanence à la contrariété et à l'enlisement de nos vies? Quel sens fait-il donner à cette croûte qu'il nous faut percer pour, au final, ne pas atteindre les petits bonheurs de la vie qu'on s'estime en droit d'espérer?

Eric CHEVILLARD, il faut l'admettre, est un auteur capable de nous entraîner dans le fantasque, à la suite des pas d'une fourmi, laquelle est suivie des pas d'un personnage ubuesque qui lui-même se fait suivre d'une femme énigmatique, que suit un enfant assoiffé de liberté et d'apprentissage, fasciné par un tamanoir qui, lui, est suivi d'une mère perdue, d'une troupe de cirque et d'une police qui n'a rien compris à la situation!

Alors là, oui, il faut suivre! le lecteur aime ou débecte - jurant, mais un peu tard, qu'on ne lui prendrait plus! - Pour ma part, j'ai aimé, plus pour le fond que pour la forme qui, à mon sens, est lourde et peu 'lisible' pour un lecteur qui ne peut s'accrocher au récit du début à la fin mais qui doit prendre, poser et reprendre le livre en fonction de ses disponibilités de temps et d'esprit!

Néanmoins, j'ai pêché, dans ce lvre, quelques belles pensées qui portent à réfléchir, penser, méditer ou, tout simplement, apprécier pour la sonorité des mots en concordance avec les idées émises. Je cite: "Nous mutons moutons!"; Comment se supporter dans l'oeil d'autrui?"; "Le savoir vivre est-il autre chose qu'un savoir-éviter?"; Mon coeur est dans ma main quand j'écris!"; "Que sera ma vie -dit l'enfant- si je commence déjà à snober les prodiges que je vois (ndlr: la découverte d'un tamanoir)"; "On ne saurait mettre en balance le risque et a chance. e premier toujours infiniment plus grand et vraisemblable que la seconde." ...

Bref, un réel plaisir de lire cet auteur et de mieux découvrir, je crois, son écriture que la lecture de 'Juste Ciel' m'avait fait découvrir mais sans en saisir toutes les subtilités.
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Monsieur Chevillard,

Je me permets de vous adresser cette lettre après avoir lu, que dis-je dévoré votre nouveau roman (mais en est-ce bien un ? le doute reste permis), L'auteur et moi. J'ose espérer que vous pardonnerez cette intrusion dans votre vie si foisonnante. Je n'ai pas pour habitude d'écrire aux auteurs de cette manière, directement.

Lire la suite sur mon site : http://chroniques.annev-blog.fr/2012/09/chronique-livre-lauteur-et-moi-2/
Lien : http://chroniques.annev-blog..
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