N'est-ce pas que c'est plaisant de lire une critique qui carbonise un livre ? Avouez, vous n'en pensez pas moins, on ne résiste pas à un·e babeliote qui fait une sale bouillie de sa dernière lecture. Il rote sa bile, quelle inconvenance de publier du caca pareil, cette purée de meurt-de-faim qui lui fait perdre deux soirées. C'est que la résonance des éructations suffit à retourner mes mauvaises humeurs dans le bon sens. J'aime donc assez trainasser près de la crotaille de cet acabit-là, celle des critiques ordurières qui sèchent l'ennui en le racolant. Pas joli-joli mais c'est mon côté vieille fille avant l'heure.
Et que
Myriam Chirousse se rassérène, si tant est qu'un billet lu par trois pélos lui flanque la trouille, je suis une personne peu dynamique qui trénaille comme une limace mal fichue. Je renâcle déjà à l'esquinter, aussi je vais tâcher d'être justifiée.
L'écrivaine connaît son affaire quand il s'agit d'écrire. La partition est audacieuse, une eau tiède coule entre mes jambes, ça clapote joliment, l'odeur du galet caresse mon nez, du chaud-humide réconfortant, je pantèle dur, une soif épaisse me torche ma tempérance, je claque la langue, je me plonge dans le bouquin, je lis les mots, tourne les pages, ouf, c'est en berceuse liquide que les notes abreuvent ma gorge râpeuse.
Et cette mélodie douce chatouille par la volupté de son vocabulaire. Car la plume de
Myriam Chirousse roule des yeux, elle nous allanguit en nous câlinant le creux du cou, jamais à sec de jolies tournures, y'a pas a dire, elle nous effleure de sa poésie aboutie.
Mais voilà, si une belle plume peut me canarder le coeur d'émotion puis, façon de fignoler, le badigeonner de crème à la vanille, ça serait pipeauter de dire que c'était le cas ici. Les mouchoirs sont restés dans ma poche et la crème dans sa douille. Pire, les transports exaltés m'ont mastiqué l'estomac, comme un cassoulet trop grassouillet. L'autrice semble planer dans le contemplatif. Elle s'octroie ce petit plaisir, cette flatterie complaisante qui consiste à mirer la beauté de sa propre écriture.
Certes, il s'agit là d'un travail minutieux, de ceux de la trempe que délivre la première de la classe, car je me suis très précisément figurée l'auteure en écolière, rivée au premier rang, collée au derche de la prof, toujours pressée à choisir la plus belle formule, et à vrai dire, ça aurait pu faire le taf, car j'ai lu ça sans résistance, un brin savonnée par ce déballage de lyrisme propret, mais l'historiette entre André et Suzanne a eu ma peau.
Je me suis sentie dépassée par cet amour à l'inspiration affreusement romantique. Tout ce flafla m'a empâtée, l'histoire se calfteutre dans le téléphoné, on parvient à deviner d'un bout à l'autre ce qui va se passer. J'ai peiné à m'identifier aux personnages, la mise en scène d'une vie provinciale miséreuse aurait pu m'intéresser mais tout manque de force immersive, rien ne surprend, seul le gnangnan s'abat avec force.
Suis-je trop bourrue ? J'aime la grossiereté du mal élevé, le coup de genou dans les parties, la bassesse sordide du salaud, tout sauf les récits pincés qui se renfrognent dans leur délicatesse. Dommage car le niveau d'écriture était excellent.