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France Meyer (Traducteur)
EAN : 9782493205018
96 pages
Perspective Cavalière (11/01/2022)
3.8/5   10 notes
Résumé :
Le 12 juillet 2006, Israël frappe le Liban suite à l’enlèvement de deux soldats israéliens par le Hezbollah à la frontière. Un bus affrété par l’ambassade de Russie à Beyrouth évacue les ressortissants russes vers un aéroport syrien. Pendant le trajet, la jeune narratrice, d’origine russe, retrouve Ali, un ancien camarade de classe d’origine ukrainienne qu’elle avait perdu de vue. Pourquoi Ali fuit-il le pays qu’il s’est toujours dit prêt à défendre ? Premier roman ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Alexandra Chreiteh raconte un exil, un trajet en bus entre Liban et Syrie tandis que ses héros fuient la guerre, s'acheminent vers la Russie. Avec beaucoup de prosaïsme, un style franc et direct, elle évoque ainsi les caprices des corps féminins, l'homosexualité et les contradictions de chacun dans un Liban aux moeurs étriquées (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2024/02/26/ali-et-sa-mere-russe-alexandra-chreiteh/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Lorsque j'ai commencé la lecture de ce titre, je venais de finir de visionner la série La fille d'Oslo, disponible sur Netflix (très intéressante sur le plan géopolitique, mais elle reste très orientée, d'autant que la réalisation est israélo-norvégienne), qui a pour cadre politique, le conflit israélo-palestinien. J'avais ainsi encore l'esprit au Moyen-Orient, ça a tracé pour moi une certaine continuité de lire ce texte libanais qui évoque non seulement Israël et ses antagonismes avec ses voisins, mais aussi la Russie et l'Ukraine. S'il y a bien une chose que ce récit aide à faire comprendre, c'est toute la complexité du conflit, qui finalement englobe tellement d'autres intérêts que ceux des Israéliens et des Palestiniens.

Les choses commencent en fanfare avec un enlèvement de la part du Hezbollah – parti et mouvement militaire musulman – qui fait du Liban un pays en guerre, à nouveau. La paix était presque redevenue un état normal pour ce pays déjà durement et longuement touché, avec une jeunesse presque insouciante, libre de déambuler et d'aller déguster ce que bon lui semble. En un claquement de doigts, l'état de paix, quoique fragile, est révolu, l'état d'urgence s'impose, la fuite, pour ceux qui le peuvent, est à l'ordre du jour. Car c'est bien dont il s'agit ici, la fuite d'un pays – dans ce bus surmonté d'un drapeau russe qui orne la couverture -, la fuite d'un conflit, une fuite sur les chapeaux de roue de la persécution armée, religieuse ou morale.

La prise de conscience a du mal à se faire : la narratrice, dont la mère est russe et qui a grandi avec la langue russe, est comme sidérée. Il faut les bombardements, les avions israéliens pour qu'elle réalise que la vie normale n'est plus un vague souvenir et pour qu'elle entame cette fuite en avant vers la Russie. C'est un cheminement, aussi psychologique que matériel, elle laisse derrière elle sa vie entière de façon assez violente. Cet itinéraire revêt à mes yeux une dimension métaphorique, ce passage d'une vie à une autre, de cet âge de la jeunesse insouciante à une gravité mature : ils se saisissent de la route secondaire à travers les montagnes pour rejoindre l'aéroport, la route principale ayant été détruite par les bombardements israéliens. Il suffit d'à peine vingt pages, une journée à peine, pour devenir un réfugié. Cette prise de conscience passe par un retour en arrière dans l'enfance, avec le retour dans sa vie d'Ali, un ancien camarade de classe, aux racines ukrainiennes. Cet Ali qu'elle rencontre n'est plus l'enfant qu'elle connaissait, cette prise de conscience s'identifie comme le point sensible du roman, car si Ali fuit le Liban, le pays auquel il est profondément attaché, ce n'est pas seulement par la faute des bombes qui frappent le pays.

Cette fuite n'est pas seulement celle d'Ali ou de la narratrice, c'est aussi celle de Maria, sa soeur, mariée à un homme trop rigoureusement islamisé, maintenue contre son gré dans ce que l'auteure nomme « le foyer de l'obéissance ». La résurgence de la religion et son influence dans la sphère intime est au coeur même de ces vies fuyant l'oppression dont les croyances religieuses est le fondement même. Une fuite loin du conservatisme et de l'intégrisme, loin du manichéisme de cette guerre aussi, ou il faut être soit juif et israélien d'un côté, soit musulman et palestinien ou libanais de l'autre, l'entre-deux étant inexistant dans ce traditionalisme obtus. En Ali, et en moindre mesure, la narratrice, l'auteure montre du doigt ceux qui n'appartiennent ostensiblement à aucun des deux camps. Et à cette impossibilité de se définir ou s'identifier par une appartenance à l'un des belligérants. le prénom Ali est d'origine arabe, lui-même est libanais, sa mère est originaire d'Ukraine, et sans oublier d'autres éléments issus – ou non – de la transmission familiale, sa réelle identité finalement reste difficilement dicible.

C'est un court roman, dont la forme privilégie le flux continue de mots aux chapitres : il met en exergue deux personnages aux antipodes l'un de l'autre. Si la narratrice, dont on ne saura jamais le nom, est le personnage secondaire, elle a surtout pour but de révéler les enjeux que porte la nature d'Ali et sa famille, pas seulement sa mère mais aussi sa soeur, et son identité composite, qui constitue un paradoxe à elle seule, et son avenir, somme toute, assez sombre qu'il soit au Liban ou en Ukraine. J'ai beaucoup aimé ce texte qui est d'un franc-parler salutaire, avec une écriture qui semblerait presque spontanée, directe et franche, tout en économie de détails superflus, et cette vision assez réaliste de ce conflit et de la montée inexorable de ce conservatisme au Moyen-Orient.






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Court texte particulièrement vif et incisif. On ne s'y ennuie pas, Alexandra Chreiteh usant d'un ton léger, ironique et mordant pour décrire des situations graves et tragiques. Ses premières phrases sont très explicites quant à l'ambiance voulue : "Le 12 juillet 2006, on apprit que le Hezbollah avait kidnappé deux soldats israéliens à la frontière. Ce qui ne nous empêcha pas d'aller manger des sushis. On finissait tout juste de déjeuner quand Israël déclara la guerre au Liban. Les employés du resto se dépêchèrent de fermer et nous demandèrent de partir tout de suite. On partit tout de suite, sans payer l'addition. Coup de bol, on avait choisi un des restos les plus chers du centre de Beyrouth." (p.5)

Le reste ne détonne pas, la jeune narratrice allant au plus direct, ne s'embarrassant pas de détours lorsqu'elle peut aller en ligne droite. J'ai beaucoup aimé ce texte fort et puissant qui raconte des faits violents -la guerre fait rarement dans la douceur- comme il pourrait le faire de notre quotidien. Cet extrait qui suit peut déranger, surprendre et faire rire ou sourire, et pourtant le pire y est écrit : "Je passai ensuite à la petite épicerie voisine, où je m'aperçus que les rayonnages étaient presque vides. Je pris un pack de quatre litres d'eau, un paquet de biscottes, une barquette de fromage à tartiner, et je m'approchai de l'épicier pour payer quand mon regard fut attiré par le petit téléviseur qui diffusait devant lui les dernières images des bombardements, et où apparut brièvement juste à ce moment-là le corps mutilé d'une enfant ; je me retournai, ouvris le frigo derrière moi, et attrapai une autre barquette de fromage à tartiner." (p.11/12)

En peu de mots, Alexandra Chreiteh parvient à décrire la difficulté de vivre dans un pays en guerre, de vivre dans un pays dans lequel la position et le statut de la femme ne sont pas très enviables, dans lequel il est impossible d'avouer son homosexualité -l'ironie du sort est de fuir en Russie où les homosexuels sont régulièrement agressés. Tout ce qu'elle décrit passe par les dialogues entre ses personnages, leurs attitudes, cette fuite en car étant révélatrice de leur personnalité, de leur for intérieur. L'auteure se moque de ses créatures fictives, la jeune narratrice ne se révélant pas sous son meilleur jour ni son ami Ali ni même les autres passagers du car. Tout passe par le filtre décalé et satirique de l'écrivaine qui semble ne rien respecter, et surtout pas la société dans laquelle elle évolue. Une satire sociale décalée et impitoyable. J'adore.

Très bien fait, ce court roman se lit vite quasiment sans faire de pause. C'est le deuxième à paraître dans la nouvelle maison d'édition Perspective Cavalière qui propose un livre très soigné et une couverture magnifique, très Tintinesque.

PS : je ne le fais pas souvent, mais cette maison d'édition qui débute n'est pas encore distribuée partout, donc si ce livre vous intéresse, ce qui est une bonne idée, voici le lien pour vous le procurer : Prespective cavalière.
Lien : http://www.lyvres.fr/
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Tout d'abord, je dois dire que ce livre est une belle surprise découverte dans la collection des éditions Perspective Cavalière dont j'ai déjà lu deux romans (cette petite maison d'édition est consacrée à la littérature mondiale et aux minorités sexuelles). La qualité des textes est remarquable, ce qui mérite d'être souligné. Alexandra Chreiteh a déjà été traduite de l'arabe à l'anglais mais ceci est le premier roman traduit en français. L'auteur est née à Moscou, de mère russe et de père libanais. Ses écrits sont d'abord en Arabe où elle décrit un Liban d'après guerre et la société tiraillée entre traditions et modernité.
A partir d'un évènement réel : un commando du Hezbollah enlève deux soldats israéliens à la frontière en juillet 2006 dans le but d'obtenir un échange avec plusieurs prisonniers libanais et palestiniens et en représailles Israël bombarde le Liban, l'auteur relate l'impact de la guerre sur les rapatriés d'origine russe avant et pendant le voyage en car de Beyrouth vers la Syrie (450 km environ).

L'auteur prend le contrepied de cette tragédie humaine (émigration), sociale (des familles se séparent) et spirituelle (la religion entre en compte) par l'humour tout au long du livre. A situation exceptionnelle, la narratrice semble ne pas s'émouvoir plus que cela et à prendre les choses avec beaucoup de détachement et d'optimisme car elle a des problèmes plus urgents à traiter : elle veut s'affranchir de l'emprise de sa famille en particulier de son père qui veut absolument la faire revenir auprès de lui et souffre d'une maladie chronique qui l'oblige à aller souvent aux toilettes.

L'auteur s'attache à traiter le sujet à l'échelle de l'humain : ainsi telle épouse va pouvoir échapper à son mari musulman fanatique (réclusion au foyer, interdiction de travailler, obligation du port du hijab) et retrouver sa liberté, Ali de son côté décide de partir en Russie où il va pouvoir vivre son homosexualité sans crainte d'être emprisonné voir pire. Durant le voyage, il avoue à la narratrice qu'il est juif et lui fait promettre de garder le secret. Perte et oubli de passeports accentuent l'effet tragi-comique de ce périple.

Avec un style très vivant intégrant de nombreux dialogues, beaucoup de réparties ironiques ou humoristiques, ce roman se lit très vite (90 pages).
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Le roman en quelques caractéristiques

Livre unique. Suite au bombardement du Liban, des ressortissants russes entament un voyage en car pour rejoindre la Syrie d'où décollera un avion pour Moscou. La violence (effets de la guerre) n'est pas décrite explicitement et est atténuée par l'humour. Pas de scène de sexe. Une bonne qualité d'écriture avec un style ironique.

Lien : https://lecturesencontrepoin..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Ali devina qui c’était et, quand j’eus raccroché, il me demanda si la société brimait ma liberté. Je lui parlai du temps ou j’habitais chez mes parents à Nabatieh, quand mon copain et moi ne pouvions nous retrouver que chez sa grand-mère, qui vivait seule depuis qu’elle était veuve et qui lui avait donné une clé de chez elle pour qu’il vienne passer la nuit de temps en temps. Elle était en parfaite santé et elle sortait tous les jours faire ses courses ; on savait exactement à quelle heure elle partait et quand elle rentrait, et on allait la voir… Quand elle n’était pas là ! Sauf qu’elle rentrait souvent plus tôt que prévu, et que, du coup, je me cachais dans sa penderie. Une fois, j’avais même dû me glisser dans son placard à chaussures, dans une posture si inconfortable que j’avais eu mal au dos pendant plusieurs jours, mais c’était toujours mieux que d’être découverts seuls chez elle, ce qu’elle aurait clamé sur tous les toits.

– Chacun sa galère… dit-il avec indifférence.

Il avait espéré que je lui parlerais de choses plus graves, de choses qui sentaient le sang et la souffrance, et il me demanda si c’était risqué dans ce pays d’être une femme libre ; comme je souriais sans répondre, il me relança : en tant qu’homo, mettrait-il sa vie en danger en revenant vivre au Liban ?

– Tout est possible ! me moquai-je.
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Quand on fut rassis devant nos valises, il me dit à voix basse que depuis le jour ou il avait ouvert l’armoire de sa grand-mère, il avait l’impression d’être partout en exil. Il soupira, alluma une autre cigarette, et répéta qu’il avait honte de fuir le Liban au lieu d’y rester pour le défendre.
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Or, à ma grande surprise, ma mère m'annonça qu'elle voulait maintenant quitter le pays grâce à l'opération d'évacuation que l'ambassade de Russie organisait pour ses ressortissants, mais qu'elle ne le ferait que si je l'accompagnais. je lui dis de partir seule si elle voulait, parce que moi, je restais à Tripoli. Sauf que les évènements du lendemain me firent changer d'avis. Car une bombe s'abattit sur le phare situé à quelques mètres de la piscine où on passait nos journées, et aune autre tomba sur le quartier voisin. (p.16)
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