J'étais curieuse de lire un
Agatha Christie que je ne connaissais pas du tout, et au final assez déçue.
Ses romans d'espionnage :
Mr Brown (1922),
N ou M? (1941) ,
Destination inconnue(1954),
Rendez-vous à Bagdad (1951), sont sympathiques à lire mais ne figurent pas parmi mes préférés, l'enquête y étant des plus minces, bien qu'il y ait toujours une révélation finale.
Celui-ci, datant de 1970, est en plus infusé d'un grand pessimisme, sans doute dû à la vieillesse de l'autrice, et aux troubles mondiaux . En y mélangeant la vieille lune d'un Hitler qui ne se serait pas suicidé, et de l'organisation néo-nazie rêvant de conquérir le monde (qui elle n'est malheureusement pas un fantasme) ; et ressort l'antienne des jeunes, ah là là ces "jeunes" si influençables, si manipulables, immoraux et enclins à la violence, critique qu'on pouvait déjà sentir dans
un, deux, trois (1940) ou
la Troisième Fille (1966) et qu'on retrouvera un peu dans Poirot quitte la scène (1975), mais ici ressassée jusqu'à l'indigeste... Ajoutez un savant qui aurait découvert un traitement miracle contre la violence (houuuu, Orange mécanique, sorti en 1971, serait-il inspiré de cette idée louable et dangereuse?)... Tout cela fait un salmigondis bourré de discussions plus idéologiques que faisant avancer l'action ou l'enquête ( d'ailleurs, quelle est l'enquête au juste?).
On sent la romancière fatiguée et vieille, ne comprenant plus l'époque, des années 1960 qu'il faut bien reconnaître riche en bouleversements mondiaux : guerre d'Algérie et mai 68, guerre du Vietnam, crise des missiles soviétiques de Cuba, Apartheid en Afrique du Sud, assassinat de Kennedy, conflit irlandais, dictature des colonels en Grèce et nombre de conflits d'indépendance dans des états d'Afrique et Amérique du Sud, et enfin l'émergence d'une jeunesse qui proclame publiquement ne plus avoir envie d'obéir à l'ordre établi. Rassurez-vous bonnes gens, tout le monde vieillit et souvent les jeunes révolutionnaires d'hier deviennent les vieux popotes conservateurs d'aujourd'hui XD
Le début est sympathique et la suite ennuyeuse, surnagent quelques jolies images du château de Bavière et l'explication sur le pouvoir du charisme et de l'éloquence pour diriger les foules souvent vers le pire...
Bref, s'il peut être intéressant pour un.e fan d'
Agatha Christie de lire ce titre, je n'en n'ai clairement pas retiré le même plaisir que de ses whodunit. Je ne doute pas qu'à 80 ans je me sentirai probablement aussi dépassée et désespérée par l'état du monde ( je le suis déjà aujourd'hui) que la grande romancière à son époque, mais je ne saurais dire si les choses empirent vraiment ou si c'est surtout une question d'âge!
Fun fact: On y voit passer rapidement dans le chapitre 13 (Conférence à Paris) le "Général" non nommé, mais que tout le monde identifiera sans peine comme
De Gaulle qui s'en va héroïquement chapitrer la chienlit! le chapitre est d'ailleurs assez drôle avec des politiques français appelés Poissonnier, Coin, ou Grosjean, noms quelque peu ridicules en français, que l'autrice n'a certainement pas donnés sans idée derrière la tête, et des caractères férocement croqués.