Bien qu'y ayant trouvé pas mal de défauts j'ai finalement assez aimé ce livre.
Le narrateur, cinquantenaire qui lit des livres, fait des films, fréquente des acteurs connus, et adore l'alpinisme, est assez proche de
Philippe Claudel. Approchant de la cinquantaine, se questionnant sur la vieillesse, la maladie et la déchéance des corps, il est écartelé entre la mort, (son grand ami Eugène, inspiré de
Jean-Marc Roberts dit la presse, est mort d'un cancer) et la vie (il a une liaison avec une jeune femme, beaucoup plus jeune que lui, lumineuse évidemment), et cette introspection se nourrit de son appétence culturelle et d'une réflexion sur la création.
Il y avait là beaucoup d'ingrédients pour me plaire car j'adore les scènes d' enterrement (dans les romans), et j'aime aussi bien (dans les romans) les cinquantenaires nombrilistes et pleurnicheurs. Il y a des personnages magnifiques, incarnant une superbe histoire d'amitié, et une relation curieuse et réjouissante avec Florence son ex-femme. Si globalement l'élément scénaristique est maigre, c'est de peu d'importance, car d'une part il y a des ressorts pleins d' intelligence maline tout au fil du récit (l'immeuble qui ressemble à Fenêtre sur cour, la rencontre avec
Kundera, le personnage de
Michel Piccoli et d'autres)… Enfin
Philippe Claudel a vraiment une prose magnifique, poétique, parfois à la limite du lyrique, je me suis laissée emporter par son écriture.
Par contre… Il y a un petit côté démonstratif, dans l'accumulation des rencontres du narrateur avec la mort et la déchéance des corps. Les réflexions existentielles sont, surtout dans la première partie, parfois un peu pontifiantes, avec trop de généralités bien pensantes (la Vie/la Mort, l'Orient/ l'Occident)... susceptibles d'être notées par les adolescentes dans leur carnet de citations. L'intrigue avec la jeune femme, quoique pimentée par la relation architecturale entre les deux appartements, est d'une banalité confondante (mais , me direz-vous n'est ce pas le cas de la plupart des liaisons entre un cinquantenaire et une jeune trentenaire, dans la vie comme dans les romans).
Enfin on a droit à l'inévitable scène « bonne conscience de l'auteur » avec le bateau de réfugiés en Méditerranée, certes présenté avec un point de vue assez original de réflexion sur le rôle de l'image, mais qui, au final, n'a pas grand-chose à voir avec la choucroute (tellement incongrue que le narrateur tombe sur cette scène à la télévision, une télévision que dit-il, il n'a pas allumée depuis des années… quel curieux hasard.). D'ailleurs le narrateur lui-même a la notion que c'était totalement annexe dans sa petite histoire d'observation personnelle puisque : « La nuit suivante, je ne suis pas parvenu à dormir. »… Et puis… on n'en parle plus.
Enfin, sans spoiler, tout cela « finit bien », et, je dois dire que j'attendais un peu mieux que ça : ah, oui, la Vie reprend le dessus.
Après avoir dit tout cela, je garde quand même une assez bonne impression, tout en gardant un regret pour le chef-d'oeuvre à côté duquel
Philippe Claudel est passé (et nous avec).