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4,1

sur 3391 notes
Philippe Claudel, un auteur dont j'ai lu beaucoup de belles critiques sur ce site, notamment de mes amies et amis, ce à quoi j'accorde plus d'importance que le fait qu'il soit membre du Jury du Prix Goncourt.

Je commence la lecture de ses romans par celui-ci, le rapport de Brodeck.
Je ne m'attendais pas à être aussi saisi, bousculé, ébloui par ce livre.
J'ai à la fois le coeur serré après l'avoir lu, et beaucoup d'admiration devant la beauté noire de ce livre et la richesse des thèmes qu'il évoque. A ce point, comme chaque fois que j'ai affaire à un chef-d'oeuvre, mes idées se bousculent, il y a tant de choses à dire, j'en oublierai sûrement.

C'est une fable sur l'intolérance et la haine, le refus de la différence et le rejet de l'étranger, de l'autre « qui est différent », sur la puissance néfaste de la foule, la suspicion, la lâcheté, sur le devoir de mémoire face à ceux qui veulent oublier, ou justifier leurs méfaits, sur la souffrance des coeurs purs face à la violence, sur le sentiment de culpabilité des victimes, sur celles et ceux qui ne sont rien, mais qui devraient compter tant dans une société, et bien d'autres choses encore.

Le début est saisissant.
C'est Brodeck qui parle: « Je m'appelle Brodeck et je n'y suis pour rien. Je tiens à le dire. Il faut que tout le monde le sache » Et très vite c'est l'événement horrible qui est raconté, ce que Brodeck appelle l'Ereigniës, « ce qui s'est passé », en réalité, l'innommable.
Le jeune Brodeck, venu chercher un peu de beurre à la demande de sa mère adoptive, Fedorine, arrive dans l'Auberge Schloss, et c'est la stupéfaction. L'auberge est remplie de la quasi-totalité des hommes du village, et ceux-ci viennent de cribler de coups de couteaux mortels, celui qu'il dénomme l'Anderer, un étranger venu on ne sait d'où pour s'installer dans ce petit village d'environ 400 habitants et y vivant depuis plusieurs mois.

Brodeck est chargé par le Maire et d'autres habitants de rédiger un rapport sur ce qui s'est passé, afin de justifier ce crime collectif. Peu à peu, de façon magnifique et terrible, l'histoire se dévoile, ou plutôt les histoires se dévoilent, gardant toujours une part d'ombre, d'énigme.
Brodeck vit dans un village de montagne à l'écart du monde, et faisant partie d'un pays qui a été occupé, puis récemment libéré, suite à une guerre déclenchée par un autre qui évoque l'Allemagne nazie.
Il est un orphelin, dont les parents ont été tués, on l'imagine lors d'un pogrom, recueilli par Fedorine, et arrivé enfant au village. Bien que ses capacités intellectuelles aient poussé le Maire du village, Orschwir, à l'envoyer à la « Capitale » (dont on ne saura jamais le nom), pour faire des études universitaires, il a toujours été un peu marginalisé, on apprendra pourquoi.

Il va progressivement nous raconter sa vie, un récit qu'il écrit en même temps que son « rapport ». Et c'est une histoire terrible que celle de Brodeck, faite de mois passés dans un camp d'extermination, dont il sortira vivant, alors que tout le village le croyait mort. Mais il découvrira à son retour toute l'ignominie, la lâcheté, qui est derrière son sort de victime, liée, sans doute sans que cela soit dit, à sa judéité.

Et en parallèle de son récit de vie, c'est l'histoire de l'Anderer qui nous est progressivement dévoilée, avec son lot d'abord d'incompréhension, de rumeurs, puis progressivement de haine d'un étranger qui renvoie en miroir aux villageois leurs défauts, leur bêtise et leur méchanceté.

Et face au mal, il y a le sentiment de culpabilité des victimes et de ceux qui, ayant le coeur bon, n'ont rien fait pour éviter les drames, les horreurs, pour lesquels il n'y a comme issue que le suicide, ce sera le cas de l'ami Diodème, ou la fuite, ce sera le cas de Brodeck et de sa petite famille.
Et il y a, à l'opposé, la volonté de « gommer » l'ignoble qui a été accompli de tous ces meurtriers, ces acteurs du mal. Et la puissance maléfique de l'effet de foule, que Brodeck nous fait voir, au village mais aussi lors de son séjour d'étudiant à la Capitale.

Et en contraste, il y a la beauté merveilleuse de la nature, avec des descriptions extraordinaires, mais une nature qui, aussi peut être au diapason des évènements, souvent de façon énigmatique. Pourquoi, par exemple, tous les renards meurent en pleine santé? Quel rôle joue la rivière Staubi, proche du village?

Et en contraste, il y a aussi la joie innocente des enfants, de Poupchette, la petite fille de Brodeck, elle aussi une victime, mais inconsciente, de l'horreur des événements.

L'écriture magnifique, riche d'images et de mots, d'une grande beauté, rend encore plus fort ce récit prenant.

Le lecteur ne peut que penser,en lisant cette fable, aux ravages qu'a provoqué et provoque encore la haine de l'autre, l'intolérance, le racisme. Cette histoire poétique d'un village, au sein d'une allégorie de la grande Histoire, dissèque les ressorts du rejet de celles et ceux qui ne sont pas comme nous, de la tyrannie de la majorité, de la foule à l'égard des minorités.
Toujours d'actualité n'est ce pas?
Mais raconté par Philippe Claudel, cette boue devient de l'or, pour paraphraser mon cher Baudelaire.

Et le lecteur que je suis, n'a qu'un désir, en lire d'autres du même auteur, et sûrement aussi, relire le rapport de Brodeck.




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Attention, chef d’œuvre...
Philippe Claudel aborde ici les thèmes de la lâcheté, de la xénophobie et de la mauvaise conscience.

L'histoire se déroule en Allemagne dans un village de montagne frontalier juste à la fin de la guerre mondiale.
Un étranger, "l'Anderer", est arrivé au village un an plus tôt, vêtu d'un costume d'un autre siècle, accompagné d'un cheval et d'un âne, "un sourire sur son visage rond et poudré". Il arrive de nulle part et intrigue tout le monde par son comportement notamment lorsqu'il note tout ce qu'il observe dans un carnet qui ne le quitte jamais.

Lorsque le roman débute, cet étranger vient d'être assassiné par les hommes du village dans l'auberge où il séjournait, ceux-ci contraignent Brodeck à écrire ce qui s'est passé, à rédiger "un rapport".
Brodeck n'a pas participé ni assisté à la mise à mort de l'étranger, il en est profondément bouleversé.
Il va commencer à rédiger ce rapport qu'on exige de lui mais va, en parallèle, raconter sa propre histoire.

Brodeck est un jeune homme qui a été recueilli à l'âge de 4 ans par une vieille femme Fédorine. Elle l'a trouvé seul survivant dans un village brûlé. Arrivé à l'âge adulte, Brodeck a été choisi par les notables du village pour aller poursuivre ses études à la capitale, tous les villageois se sont cotisé pour lui permettre d'aller à l'université dans l'espoir qu'il revienne avec une instruction utile à tous. Son métier consiste maintenant dans la prise de relevés et la rédaction de notices pour l'administration.

La construction du roman est très intéressante car l'auteur, d'une part nous restitue parfaitement l'atmosphère du village, et d'autre part, nous distille habilement les éléments du puzzle qui ont mené au drame.

On voit Brodeck se souvenir de sa captivité de 2 ans dans un camp, de l'humiliation subie, des pendaisons quotidiennes, des réactions des villageois lors de son retour au village. L'auteur nous laisse imaginer les horreurs qu'Emélia, la femme qu'il aime a dû subir pendant son absence.

En ne situant pas son histoire précisément l'histoire dans l'espace et dans le temps, Philippe Claudel la rend universelle. A aucun moment, par exemple, le mot "juif" n'est prononcé....
Il montre comment la peur peut transformer tout homme en bourreau ou en dénonciateur.

C'est un magnifique roman superbement bien écrit, très puissant.
Inoubliable roman sur l'intolérance qui remue et fait réfléchir.
Lien : http://leslivresdejoelle.blo..
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Découvert d'abord dans son adaptation graphique par Manu Larcenet, je me suis plongé dans le texte d'origine par Philippe Claudel ...
...
Sans voix ...
Phénoménal, un roman d'une grande force, implacable ... la nature humaine dans ce qu'elle a de plus pervers, de plus retors, disséqué par Brodeck.
Un village perdu dans la montagne, une auberge un soir, la mort d'un homme, "l'Anderer", l'autre, arrivé quelques semaines auparavant et finalement absorbé, dévoré par le village ... tous sont coupables, et Brodeck doit écrire le Rapport de l'événement ...
Au fil de l'écriture, Brodeck va écrire une autre histoire, la sienne, celle d'un étranger au village, d'une guerre où l'occupant, le conquérant, envoie ceux qui ne lui conviennent pas dans des camps ... Brodeck y deviendra le "chien Brodeck", peut-être la condition de sa survie ...
A son retour, il découvrira peu à peu l'indicible ...
Philippe Claudel tisse avec beaucoup de talent, de façon à la fois tout en retenue et en même temps très lucide et sans concession, l'histoire de Brodeck, notre histoire, celle de l'humanité ou de l'inhumanité, de toutes les guerres, de toutes les saloperies dont l'homme est capable ...
Un livre indispensable, je crois, plus efficace que n'importe quel grand discours.
Mon énorme coup de coeur de ce début d'année de voyages en littérature(s).
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Que d'horreurs dans ce livre !!!
Comment l'homme peut en arriver à de telles ignominies face à l'étranger ou faire preuve d'autant d'intolérance face tout simplement à quelqu'un de différent ???
Comment le sort peut-il s'acharner à ce point sur Brodeck ???
Un an après la fin de la seconde guerre mondiale, un étranger arrive dans le village que Brodeck vient de retrouver après des mois d'absence, enfermé dans un camp de concentration. Il n'a survécu à ces années qu'en acceptant de nombreuses humiliations, transformé en « chien Brodeck », mangeant dans une écuelle avec des chiens, se déplaçant à quatre pattes, un collier autour du cou. A son retour, sa femme chantonne à longueur de journée, enfermée dans son monde, après avoir vécu elle-aussi des horreurs.
Dès le départ, on apprend que les villageois ont assassiné l'étranger, sans nom, de Anderer, qui a débarqué dans le village quelques semaines auparavant. Juste après ce drame, Brodeck sera désigné pour rédiger un rapport sur les événements qui ont conduit à ce meurtre. Habituellement, il écrit des notices sur la flore, les arbres, les saisons… pour une administration lointaine. Brodeck rédigera ce rapport en parallèle d'un récit, qu'il tiendra secret, soigneusement caché, dans lequel il pourra raconter librement ce qui s'est réellement passé.
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Le livre commence ainsi:

«Je m'appelle Brodeck et je n'y suis pour rien."

Brodeck est chargé par les villageois d'écrire un rapport sur ce qu'il appelle "
l'Ereignies"; l'événement dramatique qui s'est déroulé dans ce village, autour duquel gravite l'histoire.

Le récit est entremêlé de retours dans le passé, depuis la fuite du petit garçon de son village natal, devenu orphelin et recueilli par une vieille femme, en passant par l'évocation de la "pürishe nacht" et sa déportation. On devine qu'il est juif.
C'est un homme sensible, intelligent, qui sait voir au-delà des choses. Il va survivre aux camps grâce à l'amour qu'il porte à sa femme Emélia et à la vieille femme Fédorine. Il s'interroge sur l'humanité des hommes, lui l'orphelin qui vient de loin, qui sera toujours vu comme un étranger.

Le village est composé d'hommes sales, alcooliques, violents, bêtes, frustres et grossiers. Quelques uns sont des figures importantes ( Orschwir, Schloss et Göbbler), ils vont se démarquer par leur veulerie et par leur lâcheté en collaborant avec l'ennemi . C'est eux qui vont inciter le village à dénoncer l'un des leurs, à la manière d'un sacrifice, pour sauver leur peau. Diodème, le curé Peiper et Limmat, possédant pourtant le savoir, ne vont rien faire pour s'y opposer.

Un homme particulier va faire son entrée dans le village; "l'Anderer". Il semble tout droit sorti d'un conte ou d'un cirque. Il va vite inspirer la peur aux villageois, car il regarde, écoute, note . Il agit comme un miroir qui révèle la vérité, qui force les villageois à voir ce qu'ils ont fait. Ils ne le supporteront pas, ce miroir devra être brisé.

Brodeck n'a plus du tout foi en l'humanité. Il sait comment la peur peut transformer un homme. " Ce qui gouverne l'homme c'est la peur"." La guerre ravage et révèle", elle soulève les foules, c'est un vent puissant qui souffle sur les graines du mal qui ne demandent qu'à germer. La foule est contaminée par cette peur , par cette lâcheté, cette haine, cette colère. L'ignorance, du plus grand nombre est utilisée par les puissants pour détruire et réduire à néant des hommes, qui, seulement parce qu'ils ont les cheveux et les yeux sombres, parce qu'ils viennent de loin et qu'on ne comprend pas toujours leur dialecte, leurs croyances et leurs coutumes, vont être sacrifiés pour servir les théories nazies; "Notre race est la race première, immémoriale et immaculée." La tâche est facile dans un monde d'ignorants et de lâches;" Beaucoup d'effet pour peu de choses...On peut berner des peuples avec moins que cela."

Pour Brodeck, écrire soulage son ventre et son coeur, lui dont la vie déborde de misères, de cauchemars. " Raconter est un remède sûr". Il sait pourtant que les livres et le savoir ne peuvent sauver la vie; " N'oublie pas que c'est l'ignorance qui triomphe toujours, Brodeck, pas le savoir." Lui qui revient d'un pays d'où on ne revient pas , lui qui était aux marges de la vie, pour qui la peur n'existait plus. Il ne se fait plus aucune illusion sur l'homme et sa grandeur. " l'homme est grand, mais nous ne sommes jamais à la hauteur de nous-même. ". " L'homme est un animal qui toujours recommence."

Dans ce récit, où vérité et fable se côtoient, le chien Ohnmeist, semble être plus humain qu'animal. Les âmes des hommes sont décidément bien grises. L'homme mérite-t-il de vivre dans un monde aussi beau?

Le livre se termine ainsi;

je m'appelle Brodeck, et je n'y suis pour rien.
Brodeck c'est mon nom.
Brodeck.
De grâce, souvenez-vous.
brodeck.






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Ce livre figurait sur ma liste des livres à lire depuis quelques mois déjà. Donc, quand j'ai vu qu'il était enfin disponible dans ma bibliothèque de quartier, je n'ai pas hésité. J'en ai entendu parler à sa sortie, je me rappelle encore le bouleversement d'une de mes amies en cours de la lecture. Je l'ai donc mis de côté pendant un certain temps comme si j'appréhendais d'affronter l'horreur qu'il contenait.

Les descriptions des atrocités de la dernière guerre sont bouleversantes. Même s'il s'agit d'une fiction, les scènes de vie dans un camp de concentration sont poignantes de réalisme. Un précieux complément narratif après ma récente visite d'Auschwitz. Une lecture qui ne laissera personne indifférent. Un émouvant roman qui questionne et amène à réfléchir sur l'exclusion, la différence, la dépersonnalisation, la dignité, la peur instrumentalisée...

J'y trouve tous les ingrédients d'un très bon roman avec en prime l'élégance de plume de Philippe Claudel. Cinq étoiles sans hésitation.


Lien : http://edytalectures.blogspo..
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Un village de montagne, à la frontière, après guerre. On ne sait pas quel village, quelle frontière, les mots de patois inventés trouvent leurs racines dans une langue germanique.
La guerre, à lire les différents évènements, le parcours effarant de Brodeck, ressemble très fort à la Seconde Guerre mondiale, mais ça n'est pas dit non plus.

Un étranger est venu dans ce village. Il a cristalisé toutes les rancoeurs, toutes les haines, tous les rejets, il a fait ressortir les vilains secrets et les remugles puants du village qui n'en manque pas.
Cet étranger est mort.
Quelques hommes du village chargent Brodeck, absent au moment de l'évènement, d'écrire un rapport.

Brodeck va le doubler du récit de sa vie en une succession de moments, confrontations, souvenirs personnels, retours en arrière, dévoilant les liens qui unissent ou étranglent les villageois, les lâchetés, les faiblesses, ce courage qu'on aimerait avoir en pareille situation, mais l'aurait-on vraiment ?

Effacer les certitudes qui sont les nôtres, fermement appuyées sur nos connaissances, nos préjugés…

Philippe Claudel gomme dès les premières pages toute facilité, suspendant à quelques centimètres du sol l'histoire de Brodeck dans ce village encaissé, cerné de forêts profondes ; pas assez pour battre des pieds mais suffisants pour en avoir le vertige. On tend la pointe des orteils, fort, on ne trouve que le vide.

Il peut être n'importe où, ce village, ils sont n'importe qui, ces gens dont parle Brodeck qui ne s'épargne pas dans le récit. Leurs réactions, leurs épidermes épais comme du cuir ou fragiles comme un papier de soie sont universels, ils sont ce qui nous rassemblent et nous font humains, même si c'est pour le pire.

Les mots nous étouffent lentement. C'est un boa enroulant ses anneaux autour de nous dans une parfaite maîtrise des différents parcours qui se rejoignent inexorablement.
Ces êtres réunis par les mêmes petitesses, une médiocrité partagée, des veuleries voisines, l'auteur nous les décrit dans leur jus, à ras de couardise ou d'indifférence.

Etrangement, parce que le pire n'est jamais certain, parce qu'il est impossible de vivre sans une petite lueur d'espérance, ces mêmes mots réveillent dans le même temps le meilleur en nous, parce qu'on le souhaite forcément à Brodeck, qu'on veut voir la tête haute et le souffle libre, portant loin l'étincelle qui le tient vivant.
On le souhaite aussi aux autres villageois, bourreaux et victimes d'eux-mêmes, et à cet étranger qui est venu s'écraser contre le mur de leur haine.

Dans le déroulement du drame, des drames, on se prend à chercher du regard le bleu profond d'un jour qui se lève derrière les montagnes, une aube métallique signalant que non, toute humanité n'est pas abolie.
Toute humanité n'est pas laide et triste.
L'air est coupant mais il est pur.
Il faut juste continuer à chercher.
C'est l'écho que j'entends, la trace qui me reste, une fois le livre refermé. L'écho du nom de Brodeck.
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Nous n'oublierons pas Brodeck
Livre emouvant,un temoignage comme il y en a peu,avec beaucoup de respect et de pudeur.
On n'est pas de suite choque par les tristes evenements de l'histoire;on est emporte petit a petit,en douceur.
Tout se devine au fur et a mesure mais on n'est pas offusque.
J'ai beaucoup apprecie cet ouvrage
A lire absolument,pour ne pas oublier qu'il y a eu Brodeck et d'autres que nous ne connaitrons jamais.
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"La guerre ravage et révèle." C'est la réflexion que fait Brodeck au maire de son village en citant une poésie ancienne. Il faut dire qu'il en sait quelque chose sur la nature humaine, Brodeck, lui qui est revenu d'où on ne revenait pas. Mais peut-être ne s'en est-il pas sorti lui-même sans remords. Lui dont l'innocence a dû s'humilier pour survivre. "Moi, j'ai choisi de vivre, et ma punition, c'est ma vie", quand tant d'autres ne sont pas revenus de l'enfer.

Et lorsque la paix retrouvée, un inconnu se présente au village, avec l'intention d'y séjourner, les interrogations vont bon train. D'autant qu'il semble plutôt perspicace pour ausculter les consciences, cet inconnu, sans toutefois être très causant. Une présence étrangère silencieuse, ça fait naître l'inquiétude et courir les rumeurs. La population du village pourrait bien en avoir sur la conscience justement, au lendemain de la guerre.

Aussi, lorsque comme un seul homme, la population du village lui aura réglé son compte à cet étranger embarrassant, c'est à Brodeck, le seul à avoir fait des études, que le maire du village demandera de rédiger le rapport. Peut-être aussi pour l'impliquer, car il n'a pas participé à la folie meurtrière. Un document que le maire veut suffisamment complaisant pour ne rien expliquer.

C'est avec un style qui fait de cet ouvrage une grande allégorie que Philippe Claudel dresse une fresque de la nature humaine, capable de faire de gens ordinaires des monstres. Que ce soit en circonstances de guerre ou non. Mais à l'instar de Romain Gary, il ne blâme pas les hommes. Qui est le vrai responsable ? "Dieu? Mais alors, s'Il existe, s'Il existe vraiment, qu'Il se cache. Qu'Il pose Ses deux mains sur Sa tête, et qu'Il la courbe … aujourd'hui, je sais qu'Il n'est pas digne de la plupart d'entre nous, et que si la créature a pu engendrer l'horreur, c'est uniquement parce son Créateur lui en a soufflé la recette?"

C'est un roman magnifique.

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Encore une preuve que l'on peut faire confiance aux lycéens pour leur prix Goncourt !
Un livre bouleversant, qui tisse sa trame dans les souffrances de la vie de Brodeck. Brodeck a une vie qui me fait penser à cette phrase de Platon : "Fais preuve de gentillesse envers tous ceux que tu rencontres, leur combat est peut-être plus dur que le tien." Et Brodeck en terme de malheurs, il a été bien servi. Orphelin, rescapé d'un camp, il a retrouvé son village où manifestement les autres n'ont pas tous et toujours suivi les conseils de Platon...
Ce roman m'a aussi fait beaucoup pensé à La Vague de Todd Strasser ; on retrouve comment tout un chacun, par peur, instinct de survie ou instinct grégaire, peut basculer du côté obscur.
Brodeck est émouvant et vous n'êtes pas à l'abri de verser quelques larmes de compassion. Avec la vieille Fédorine, la petite Poupchette et sa bien aimée Emelia, ils forment un quatuor de gentillesse, de simplicité, de pureté et d'innocence, broyé dans la machine de l'Histoire jusqu'au coeur d'un tout petit village perdu.
L'Anderer quant à lui, titille l'imagination, avec ses animaux plus humains que le humains, ses manières délicates, ses occupations artistiques et les mystères qui l'entourent : d'où vient-il ? Pourquoi est-il là ? Des questions auxquelles le village choisit de répondre...à sa manière.
J'ai aussi beaucoup apprécié l'écriture qui est très axée sur la nature, comparant souvent avec beaucoup de justesse les personnages à des animaux et certaines scènes à des espaces naturels. On croirait presque sentir l'odeur d'un champ après la pluie et celle d'un chien au poil mouillé. Quant à la présence des mots en allemand, cela sonne très joliment, comme une mélodie jouée sur un carillon cristallin.

Alors, faut-il le lire ? Oui oui oui. Et je m'engage auprès des lycéens : je vais continuer à lire les livres que vous primez ! Merci.

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