Je sais que
Bernard Clavel est un grand écrivain, même s'il ne s'est jamais poussé du col. Une histoire qui se passe dans sa ville choisie (mais jamais habitée) de Dôle, avec participation d'enfants, ne pouvait être ratée.
Léa Moureau vit avec ses morts. Charles, son mari, qu'elle a suivi dans sa vie de militaire, sous-off puis officier, finissant capitaine, hautement décoré. La grande guerre, puis les troupes d'Afrique du Nord. Retourné à la vie civile et devenu comptable. Il vient de mourir. Et Héloïse, sa soeur, épouse Gueldry, morte en 1945.
Son beau-frère Hanri Gueldry habite non loin, elle a un garage dans la cour de sa maison. Henri est un peu plus âgé, il est de la classe 93 (donc né en 1873), et à l'entendre raconter ses histoires il aurait même participé à la guerre de 70. Les deux sont comme chien et chat, Henri inondant ses interlocuteurs de ses sempiternelles histoires, Léa plus dynamique mais aussi plus sensible. Les deux sans le dire espèrent chaque année la venue du fils d'Henri, Baptiste, donc le neveu de Léa, mais surtout des trois petits enfants, Adrien (neuf ans), Denis, puis Colette qui joue encore à la poupée. C'est promis, ils viendront, mais quand ?
Noël arrive, Léa organise par surprise un diner avec Henri, lui offre une belle blague à tabac, Henri sort un Arbois – Pupillin de 1932. Mais les enfants ne sont pas là.
Début juillet, pas de nouvelle, puis soudain un télégramme : Les enfants arrivent seuls par le train.
Léa revit. Elle va organiser leur été, un été dont ils se souviendront longtemps, un été où ils s'amuseront, et qu'est-ce qui peut être plus amusant que de jouer à la guerre, la vraie, la grande, celle de 14-18, avec les reliques que Léa pioche dans son garage où sont stockés les souvenirs d'une vie militaire. Et puis on ira aussi à la pêche, dans l'antique véhicule (une Ansaldo 1926) de l'ami Mimille, cheminot. Et c'est Ida, celle qui fait le ménage une fois par semaine chez Henri qui s'occupera de faire manger toute cette troupe (payée, discrètement, par Léa).
Puis les parents viendront les récupérer, ne passant qu'une nuit rapide dans la maison du grand-père. Mais qu'importe, Léa aura profité au maximum. « A nos âges, on ne sait jamais si on ne vient pas de les embrasser pour la dernière fois ».
Histoire douce-amère donc, qui nous transporte dans une autre époque. A la fois très datée, mais aussi intemporelle dans ces relations entre deux générations, les enfants et la génération des grands-parents.