Après
Bienvenue au club et
le cercle fermé, les deux précédents opus, il me fallait découvrir la suite même si j'en connaissais la fin et même plus, puisque nous avons tous suivi le feuilleton Brexit, mais surtout le devenir des trois amis : Benjamin, Philip et Doug au travers de la vie politique de leur pays l'Angleterre.
Jonathan Coe avoue à travers la voix de Benjamin :
"II avait en effet entrepris d'allier une fresque de l'histoire européenne depuis l'entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché Commun, en 1973, à un compte rendu scrupuleux de sa vie intérieur sur la même période, le tout compliqué par l'adjonction d'une "bande-son", également de sa composition, dont il peinait à définir avec précision la relation avec le texte. (...) Ce qu'il lui fallait, c'était un avis objectif. (p112-113)"
Bon et bien encore une fois je vais aller à contre courant des opinions et pour moi ce dernier volet est le moins réussi des trois (même si j'ai malgré tout été jusqu'au bout)..... J'ai attendu pour essayer de déterminer ce qui m'avait gêné pendant ma lecture.... Et j'en suis arrivée aux conclusions suivantes :
En premier lieu pas de suspens, évidemment, quant à l'issue politique du pays : nous l'avons vécue en direct et nous avons même un train d'avance par rapport à l'auteur puisque depuis il y a encore eu moult rebondissements :
Boris Johnson etc.....
Jonathan Coe y est pour rien mais écrire sur des événements réels et actuels est l'écueil. Bien sûr il évoque cela à travers Benjamin, l'écrivain et Doug, le journaliste (nous n'avons plus de nouvelles de Philip) mais c'est surtout Benjamin finalement le héros de cette aventure, le rapporteur et témoin des événements, le double de
Jonathan Coe.
L'auteur à travers ses personnages décortique ce qui a mené un pays à choisir de sortir de l'Union Européenne, l'immigration en particulier mais aussi le rôle joué par David Cameron. Comme pour les USA avec Donald T. chacun pensait connaître l'issue du vote pour finalement découvrir un résultat à l'opposé.
Ensuite j'ai trouvé que cette dernière partie, très centrée donc sur Benjamin, se transforme en un roman à la fois très politique mais aussi assez conventionnel, se focalisant sur les périples amoureux des différents personnages, avec des situations parfois semblables ou liées ou Brexit : je reste/ je pars, une certaine mélancolie, nostalgie parsème l'ensemble, c'était mieux avant et comment ne pas trouver des similitudes avec notre propre pays en particulier avec la montée du nationaliste.
Le Brexit, espéré pour certains, craint par d'autres a surpris tout le monde, bouleversant les vies de chacun, les familles, qu'elles soient anglaises ou issues de l'immigration comme celles qui avaient choisi ce pays pour y travailler et y vivre définitivement et j'ai trouvé que l'auteur pour terminer sa saga plongeait dans un final assez "facile" avec tous les ressorts du roman happy-end.
J'ai regretté également que certains personnages aient totalement disparu, j'aurai aimé connaître leurs opinions, réactions dans le contexte du tournant pris par l'Angleterre hors Europe, d'autres par contre reviennent à la surface à cette occasion, renouent parfois des relations quarante ans plus tard ou émergent en raison des circonstances.
"Toutes les cinq minutes, on arrive à un carrefour et il faut choisir sa voie. Chaque bifurcation détient le potentiel de changer une vie, parfois du tout au tout . (p134)"
J'ai retrouvé la "patte" de l'auteur, avec ses traits d'humour, parfois d'incompréhension vis-à-vis de son pays et de ses compatriotes, leurs contradictions mais qui pourraient s'appliquer à bien des pays finalement.
Vous savez quoi ? Je me demande si
Jonathan Coe ne s'est pas demandé lui-même comment tout cela (sa saga) allait se terminer, ne sachant pas où va son pays, dans quel guêpier il s'est engagé (ou vers quelle félicité (qui sait), il a pris le parti d'en finir à la manière d'un roman de littérature anglaise, avec ce qu'il faut d'espoir mais aussi de cynisme.
J'ai remarqué au fil de mes lectures que j'avais de plus en plus de mal avec les romans "saga" ayant trouvé que dans l'ensemble cela s'éternisait pour faire durer, souffrant de reprises des évènements, de longueurs pour justifier les opus et qu'au fur et à mesure cela s'essoufflait. J'en attendais peut-être beaucoup, trop.
J'ai tourné les pages de près d'un demi-siècle de la vie anglaise et comme pour les personnages, je suis restée avec le souvenir des précédents, attachée aux souvenirs du plaisir que j'avais eus à les lire, un peu de mélancolie et de nostalgie et une fois de plus le présent m'a déçue, inquiétée, interrogée mais n'a pas forcément répondu à mes attentes.
Une bonne lecture pour qui veut comprendre comment un tel chamboulement a pu arriver mais connaissant, comment dit-on déjà, la" Perfide Albion", faisons lui confiance pour tirer son épingle du jeu. Pour ma part j'ai été peut-être plus intéressée par les personnages, à leur évolution, à leurs rencontres et déboires dans un monde qui s'écroule pour renaître sous une autre forme, qu'aux aspects politiques, très présents (et pour cause) dans cette dernier opus. Une écriture plaisante, vivante, un roman instructif sur les arcanes du monde politique outre-manche mais que je quitte avec une petite note de déception.
"Elle savait aussi qu'elle lisait elle-même trop pour sa santé, accordait trop d'importance à la lecture, affligée d'une sorte de névrose obsessionnelle vis-à-vis de la littérature et de ses bienfaits moraux supposés. (p54)"
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