Léonie sort d'un pas digne. Je l'aurai froissée une fois de plus. Il faut tant d'égards envers les subalternes! Tous les domestiques qui ont passé dans cette maison ont été de vraies sensitives, des sensitives grognons, qui ressentaient vivement les nuances d'autrui et le laissaient paraître sur leurs visages, en l'absence d'Alain
Elle ment. Je sens qu'elle ment. Elle le devine, et tourne enfin vers moi ses yeux de flamme.
_Oui, c'est une craque, sans témoins ; j'ai besoin de toi pour faire croire aux autres que tu nous accompagnes, lui et moi, un bout de chemin, à trente pas, comme l'institutrice anglaise. Tu prendras un livre, un petit ouvrage, ce que tu voudras.
Autrefois, chez ma grand-mère, je respirais de l'éther jusqu'à l'insensibilité, mais, aux premiers mois de notre mariage; Alain m'a trouvée un jour à demi pâmée sur mon lit, un flacon serré dans ma main, et il m'a interdit de recommencer.
J’ai le cœur serré d’être si seule au monde… Je voudrais laisser un adieu plus tendre que celui-là… mais à qui ? …
[...] Demeurez l'amphore étroite et grêle, que deux bras refermés peuvent aisément étreindre,
Votre
CLAUDINE."
- Bonjour, Claudine. Vous avez fait bon voyage ?
-- Très bon. Renaud charmant. Il a tout le temps flirté avec moi, si bien que je n'ai pas eu une seule minute la sensation d'être mariée...
La volonté d'être belle la transfigure.
[...]
Sans beauté réelle, sans grâce profonde, Marthe éclipse toutes les jolies créatures qui dansent à ses côtés.
- Cette Annie, quels yeux merveilleux elle a, n'est-ce pas, mon cher grand ? Des fleurs de chicorée sauvage, écloses sur un sable brun...
- Oui, complète Renaud..., quand elle lève ses paupières, on dirait qu'elle se déshabille.
J'ai abaissé mes paupières, ce qui est ma façon de rentrer chez moi [...].
A vingt-quatre ans, il a déclaré : "Maintenant, nous allons nous marier", comme il m'aurait dit onze ans auparavant : "A présent, nous allons jouer aux sauvages."