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EAN : 9782706710612
142 pages
Salvator (12/09/2013)
3.5/5   4 notes
Résumé :
Si elle semble a priori partir d'un louable effort de promotion de la citoyenneté, la proposition du Ministre de l'Education Vincent Peillon de remettre en avant la morale laïque, voire de l'enseigner dés le pius jeune âge, n'est pas sans susciter le débat. Car de quelle morale laïque s'agit-il? Aprés la question du« mariage pour tous », les polémiques sur les religions dans l'espace public, les dossiers de bioéthique, n'est-ce pas là une manière sournoise de nier o... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Il y a deux conceptions de la mission de l'école : l'une basée sur l'instruction, c'est-à-dire la transmission de savoirs, et l'autre basée sur l'éducation, c'est-à-dire la fabrication de l'homme nouveau. Monsieur Peillon relevant de la deuxième conception, il est tout à fait légitime de se demander ce que sa « morale laïque » risque de recéler de prosélytisme et d'endoctrinement.
J'étais donc intéressée par une analyse critique de cette proposition. le tirage au sort dans Masse critique m'a permis de recevoir le livre de Thibaud Collin.

Je n'avais jamais entendu parler des Editions Salvator (« sauveur »). Il s'agit d'une maison d'édition religieuse fondée en 1924, qui publie entre autres des ouvrages d'obédience chrétienne sur les grands sujets de société d'aujourd'hui.

Le thème est plutôt bien posé dans le premier chapitre, qui analyse le discours de V. Peillon et en révèle les ambiguïtés, dont la principale est une prétendue intention de donner à chacun les moyens de penser par lui-même, alliée à la volonté d'inculquer des valeurs décrétées comme justes et bonnes. (M. Peillon parle même de « redressement intellectuel et moral », on imagine le tollé si une telle expression avait été employée dans un autre camp, je ferme la parenthèse). Or, selon T. Collin, « pour inculquer des notions, il faut les croire justes et se sentir dépositaires d'une autorité légitimant un telle transmission ». Se pose donc le problème de savoir selon quels critères il convient de diviser les valeurs en bonnes et en mauvaises, et quelle instance est autorisée à poser un tel arbitrage. T. Collin demande : « Ces bonnes valeurs pourraient-elles alors être comparées à des dogmes ? »

T. Collin analyse ensuite la position prise par le philosophe Ruwen Ogien dans sa critique du projet Peillon, pour aboutir à la conclusion que le « contenu » de cet enseignement moral rejoindra les espoirs égalitaires et libertaires de Ruwen Ogien, malgré la critique qu'il dresse : en effet, pour T. Collin, le projet Peillon relève d'un relativisme déjà existant, qui en sortira encouragé et renforcé.

Arrive ensuite une intéressante analyse de la pensée des grands acteurs du débat sur l'école, la laïcité et la morale au XIXe siècle (Jules Ferry, Jules Simon, Paul Bert, Edgar Quinet...). Elle nous rappelle qu'ils se sont débattus eux aussi avec cette périlleuse notion de laïcité : comment parler de morale sans faire référence à la religion ? Comment concevoir et « gérer » l'universalisme ? Tous n'avaient d'ailleurs pas la même façon de traiter le sujet, ni la même approche quant au lien (ou à la différence) entre la morale enseignée dans l'école républicaine, et la morale basée sur la religion. Les débats et postures de l'époque montrent déjà de nombreuses ambiguïtés entre l'émancipation laïque du jugement et le conformisme moral, la formation de l'esprit critique et l'adhésion à des valeurs « universelles » et donc « obligatoires »… Entre le spiritualisme de Jules Simon et le relativisme de Jules Ferry, où placer le curseur ?... L'auteur regrette le constructivisme larvé qui préside à l'approche de Peillon.

Plusieurs chapitres sont ensuite consacrés à la religion et à la spiritualité. En effet, la question qui taraude l'auteur est celle du fondement de cette morale scolaire : anthropologique et/ou religieux ?... Tout au long de ces chapitres, je me suis sentie parfois déconnectée du sujet principal. Et j'ai compris pourquoi à la fin ! En effet, les dernières pages révèlent que seuls le premier et le dernier chapitre sont inédits. Les cinq autres sont des réécritures de divers articles et conférences de T. Collin, élaborés entre 1999 et 2011. le projet de morale laïque a donc été pour l'auteur l'opportunité de décliner une nouvelle fois ses thèmes de prédilection. Si l'on ajoute à cela de nombreuses coquilles, l'ouvrage donne un peu l'impression d'avoir été « bricolé » à la va-vite pour coller à l'actualité.

Le dernier chapitre du livre revient sur le projet Peillon, l'auteur estimant que le meilleur terrain de diffusion de la morale est l'école privée catholique, du moins à titre de « laboratoire ». Il s'appuie sur Habermas qui souligne que « le débat public dans la société laïque ne doit pas se fermer à un contenu sous prétexte qu'il est formulé dans une langue religieuse ». Il estime que « l'école catholique peut éduquer selon une éthique du bien humain sans être nécessairement dans une démarche confessionnelle. » Cette posture est une marque de courage car elle ne manquera pas de déclencher des cris d'orfraie. Si on parle du livre, bien entendu…
Même si cette conclusion me paraît être le point faible de la démonstration, cet ouvrage apporte une bouffée d'oxygène par rapport aux habituels schémas superficiels et manichéens. Malgré ses défauts, je considère que sa lecture est utile pour nourrir intelligemment la réflexion et le débat. Il n'est pas toujours aisé à lire, mais il nous donne l'occasion de réviser certaines notions philosophiques, de revisiter certains auteurs et surtout de se nourrir aux sources historiques. Après tout, il n'y a que comme cela que l'on peut vraiment penser par soi-même, avec ou sans la morale de Monsieur Peillon !
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Voilà très longtemps que je n'ai pas lu un livre de philosophie et j'ai donc ouvert celui-ci avec plaisir
Sauf qu'un problème majeur s'est posé rapidement: Thibaud Collin est un philosophe catholique qui entretient des relations étroites avec l'église catholique
Pour info, ce philosophe est contre le PACS, contre la théorie du genre, contre le mariage gay, bref contre tout ce qui n'est pas en accord avec l'église catholique (il cite même sans problème le cardinal Ratzinger lorsqu'il compare l'avortement à un attentat...)
J'ai donc pris un gros recul par rapport à la thèse développée par l'auteur car je ne comprends pas comment on peut philosopher en admettant l'existence de Dieu: la pensée est forcément biaisée (merci les cours de philo qui m'ont permis de comprendre cela !)
Thibaud Collin affirme dans cet ouvrage que la morale laïque ne peut être enseignée car la morale nécessite un référentiel, or la laïcité ne permet pas d'avoir de référentiel puisqu'il s'agit de s'appuyer sur des généralités, généralités instables et discutables puisqu'elles deviennent en permanence particularités au cours de l'histoire
Et donc, selon Thibaud Collin, le référentiel ne peut être que...Dieu (mais Dieu vu par la religion catholique bien sûr)
Une phrase résume l'essence du livre (p.118-119): "Grande et actuelle est donc la tâche qui consiste à fournir aux hommes d'aujourd'hui ce grâce à quoi ils pourront se regarder et se comprendre comme recevant et partageant une nature commune, nature humaine donnée par une Source divine dont la gracieuse surabondance est inépuisable"
Le ton est donné ! Je considère donc que le propos et la pensée de Thibaud Collin sont complètement biaisés...(même si l'auteur s'arrange pour se placer aux dessus de tout le monde et dire que c'est le peuple qui a un raisonnement biaisé puisqu'il ne peut pas utiliser correctement sa raison sans directives de Dieu, montrant ici un ego de l'auteur assez affolant...)
Les références sont elles aussi biaisées: p.122 "Je deviendrai ce que je ferai de moi-même. le médiateur entre moi aujourd'hui et moi demain est l'acte que j'ai la possibilité de poser. J'expérimente ainsi mon propre pouvoir d'autodétermination" avec pour référence Karol Wojtyla (le futur pape Jean-Paul II), Personne et acte... sauf que c'est exactement ce que dit Jean-Paul Sartre avec son existentialisme, qui est, à mon sens, une référence nettement plus puissante (oui mais gros problème Sartre était athée...)
On peut noter quelques bonnes idées cependant: par exemple, la morale ne peut pas s'enseigner dans un cours mais s'apprend par la pratique, position que je partage
Bref, un livre à oublier rapidement qui n'apporte aucune réflexion profonde mais qui est plutôt un ouvrage publicitaire vantant les mérites et le bien-fondé de l'église et de l'école catholique (c'est d'ailleurs la conclusion de Thibaud Collin: seule l'école catholique peut enseigner correctement la morale laïque...)
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Voilà que je clos, à regret, cette lecture studieuse. Cet essai de philosophie appliquée m'a passionné. Et, pour tout vous avouer, ce n'était pas gagné. Thibaud Collin, enseignant en classe préparatoire, réussit ici, à faire de la philosophie une réalité palpable, concrète et efficace.

En effet, bien que le thème soit ardu et fasse appel à des notions que je ne maîtrise pas tout à fait, le verbe pédagogue de l'auteur m'a conduit à mieux comprendre les ressorts des réformes sociétales en cours. Et, de fait, je lui suis reconnaissant de ce décryptage moral et politique de notre aujourd'hui social.

On assiste au fil de ces 140 pages, au combat d'un individualisme relativiste libertaire face à l'affirmation d'un bien commun supérieur et partagé par tous. Finalement, la morale laïque est l'occasion de s'interroger sur la nature même de l'humanité. Or dans ce siècle où tout va si vite, ce livre est salutaire. Il offre cet oasis où l'on peut s'arrêter et se questionner.

S'il y a une certaine jubilation à prendre ce temps de questionnement, force est de constater toutefois que cette lecture est aussi un combat contre notre paresse intellectuelle. Il faut accepter de devoir relire certains passages pour être sûr de bien les saisir. Il faut souffrir parfois de devoir « digérer » avant que de poursuivre notre festin littéraire.

Je conseille donc vivement la lecture de ce traité et remercie Babelio et les éditions Salvator de me l'avoir adressé suite à l'opération Masse Critiques.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Est-ce à l'école de prendre en charge les questions touchant le sens de la vie ? Ces questions ne relèvent-elles pas de la seule éducation familiale voire de l'intimité de chaque personne en construction ? Où fonder cette mission de l'école républicaine à fonder le bien et le mal ? Faut-il réintroduire ces notions, si passéistes aux yeux de certains, de vertu et de vice dans le vocabulaire scolaire ? Bref, Vincent Peillon, quoi qu'il dise, n'est-il pas là le promoteur d'un "ordre moral" nouvelle formule ?
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Son exigence d'universalité se déduit de sa fonction de promotion des valeurs permettant la vie commune. Ainsi plus la société est traversée par des revendications particulières, plus le besoin de morale se fait sentir. Comment alors continuer à soutenir que la morale ne doit en rien blesser la liberté de conscience si on prétend lutter contre des revendications identitaires et communautaristes mettant en danger le pacte républicain ?
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L'homme moderne se perçoit alors comme révélant la vérité sur ce qu'est l'être même de l'homme, un être qui se fait lui-même et non qui se reçoit.Dans cette perspective la rupture moderne est vue comme la révélation de l'homme à lui-même, sa sortie de cette illusion sur soi.
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Quelles sont les valeurs communes que les cours de morale laïque auront à transmettre ? Peillon en nomme quatre : connaissance, dévouement, solidarité et égalité des filles et des garçons. Il les oppose à d'autres valeurs : argent, concurrence et égoïsme. On peut en conclure que pour Peillon, il convient de diviser les valeurs en bonnes et en mauvaises. Peut-on justifier cette division des valeurs ? Dans la réflexion philosophique contemporaine, la valeur est en effet l'objet d'un âpre débat quant à son statut et à son origine.
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Citant Vincent Peillon dans Une religion pour la République :

"La laïcité apparaît pour ce qu'elle est : une religion recherchée par la Révolution, une doctrine à la fois philosophique, morale, politique, pédagogique et religieuse précise et déterminée [...] Elle vient fournir un fondement et une doctrine à ce nouveau monde, issu de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, qu'il nous reste à bâtir."
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