Placé en présence des faits, sans théories préconçues, avec le souci exclusif de recueillir et de coordonner des témoignages précis, l'historien est obligé de résumer sa doctrine dans la constatation suivante :
Le chant profane vient du chant religieux;
Le chant religieux vient du chant magique.
Je sais bien qu'entre religion et magie des anathèmes très nets semblent avoir creusé un abîme : « Vous ne laisserez point vivre ceux qui usent de sortilèges et d'enchantements, » lit-on dans la Bible. Mais si la Religion est une tout autre personne que la Magie, la première a cependant le même costume que la seconde. L'Eglise des premiers siècles n'a-t-elle pas parlé, même en Occident, la même langue que les Grecs de l'antiquité païenne? Les rites magiques, eux aussi, sont une langue.
« Le chant exprime l'allégresse du croyant pénétré par le sentiment du divin; le chant est un moyen de proclamer et de publier la gloire de Dieu. » — Explication oratoire, suggérée par le texte d'un certain nombre de chants, mais insuffisante parce qu'elle ne rend pas compte des faits principaux.
Les anciens disaient : le chant est un don du ciel ; la musique vient des dieux. Les philosophes modernes, plus observateurs et suivant une tout autre orientation de la pensée, ont dit : Le chant est l'effet d'une loi physiologique ; il est produit par un sentiment intense ajustant d'une façon particulière les organes de la respiration et de la voix.
On admet, en général, que la musique instrumentale est une transposition et un développement de la poésie chantée, abstraction faite des paroles.
Le chant a son principe dans le cri de joie ou de douleur, dans un besoin inné chez tous les peuples à l'état de nature.