Soixante secondes de bonheur

On cherche tous quelqu’un, une surprise, l’inattendu, l’étonnant, l’inaccessible. Alors on attend… on n’ose pas agir, comme si on était au bord d’un précipice, enivré de vertige, avec la peur de sauter dans le vide. Le doute devient notre maître, et l’espoir notre plus belle illusion.
Et pourtant, on désire tous brûler d’amour, se perdre dans des envies insensées et des rêves sans retour.
Mais on reste immobile, à l’affût de quelque chose, qui, enfin, nous bouleverse.

Combien de temps passons-nous à focaliser nos pensées sur le superflu et l’abondance, persuadés que l’accumulation de choses matérielles nous guidera sur le chemin d’un bonheur préfabriqué, mais acceptable ?
Cela dure parfois toute une vie !
Alors que l’essentiel réside dans la simplicité, l’échange, l’amitié, l’amour et la découverte des autres.
Cessons d’accumuler l’inutile et tournons-nous vers la légèreté.

Pourtant, les regards, les attitudes, les gestes, ça ne trompe pas. Et puis, pour que mon père emmène quelqu’un avec lui sur le terrain, faut vraiment qu’il en ait envie.

Quand je parle de rêves, ce ne sont que des choses simples de la vie courante, rien de plus ! J’aimerais pouvoir passer un week-end chez une copine, me rendre aux invitations pour les anniversaires lorsqu’ils finissent tard, faire du parapente au-dessus des dunes au printemps – je passe des heures à les regarder dériver dans les airs, ça doit être un sacré moment de liberté –, me dire qu’un jour je serai autorisée à passer mon permis de conduire, me marier peut-être, avoir des enfants. Enfin, vivre, quoi !

Depuis la veille, les deux adolescents ne se quittaient plus. Pourtant, à part leur âge, rien ne semblait les rapprocher. Ils n’étaient pas du même milieu, Maxime vivait à Londres et Océane dans une campagne retirée du sud-ouest de la France, leur éducation et leur histoire familiale n’étaient en rien comparables, et pourtant, ils n’hésitaient pas à se confier l’un à l’autre.

C’était leur moment, celui où, loin de tout, elles laissaient libre cours à leurs rêves les plus fous. C’était devenu un jeu pour Océane qui faisait à sa mère des confidences d’enfant, des rêves qu’elle oubliait aussi vite qu’elle les avait évoqués. Quant à Amalia, elle rêvait en silence. D’une seule chose : voir son enfant guérie, et s’épanouir librement. Mais jamais ce miracle ne se produisit.

Tu sais, il n’y a rien entre Elena et moi. Dans ma vie, seules deux femmes comptent : ta mère et toi ! Malheureusement, je n’ai pas su m’occuper d’Amalia, alors je m’efforce de te protéger, toi, au mieux. Il n’y aura aucune autre femme dans mon existence, sois rassurée.

C’était un homme qui ne faisait pas attention à son apparence. Il était vêtu d’un pantalon de velours épais et d’une chemise à carreaux en coton sur un pull à col roulé en laine. Aucune couleur ne s’accordait avec les autres, mais il s’en moquait. Son visage souvent impassible trahissait une retenue qu’il portait comme une obligation.

Elle aurait aimé qu’Amalia soit là et qu’elle partage ces instants avec sa famille. Mais la vie avait appris à Éloïse que la nostalgie ne servait à rien, sinon à se morfondre d’ennui et à renforcer sa peine.

Elena se sentait fragile et ne le supportait pas. Quel que soit le sujet auquel elle pensait, tout lui échappait. Sa famille, son fils, son travail. Même cette région qui l’avait vue naître paraissait la rejeter. Accueillie par une tempête, recueillie par un homme qui était une énigme et dont l’humeur oscillait entre une sincère et profonde gentillesse teintée de curiosité et un rejet presque viscéral. Seules l’amabilité d’Éloïse et l’attachante fragilité d’Océane l’apaisaient quelque peu. Elle était lasse, épuisée ; elle plongea dans un sommeil agité.