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EAN : 9782382841846
381 pages
Editions des Equateurs (01/09/2021)
3.71/5   7 notes
Résumé :
Comment finir une vie d'écrivain ? Cette question s'imposa pour ma dernière année d'enseignement au Collège de France en 2020. Parce que la retraite m'attendait au tournant. Parce que je venais de perdre une amie très proche, compagne de longues années. L'hiver était au chagrin. La littérature a un lien essentiel avec la mort, le deuil et la mélancolie. De Montaigne à Roland Barthes, c'est son fil rouge.

Pourtant, les oeuvres tardives des écrivains on... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Professeur au collège de France pendant une quinzaine d'années, Antoine Compagnon a proposé des merveilleux cours, plein de finesse et d'érudition, aux auditeurs de la vénérable institution, mais aussi, grâce aux podcasts mis en ligne, à tous les amoureux de la littérature. Proust, Baudelaire, Montaigne…. différents auteurs ont été mis à l'honneur, explorés, fouillés, permettant de les lire autrement, mais sans jamais oublier l'essentiel, le plaisir de la lecture. Touché par la limite d'âge et obligé de partir à la retraite, il a consacré son dernier cycle de cours, avec une auto-ironie toujours présente dans ses conférences, aux adieux littéraires, aux dernières oeuvres, à ces moments où les écrivains mettent, d'une manière ou d'une autre, un terme à leur travail.

Il aborde le sujets sous différents angles, trop nombreux pour les évoquer tous. Je vais me borner à en citer quelques uns qui m'ont plus particulièrement frappé.

Les dernières oeuvres ont longtemps été vues comme une sorte de dégénérescence, de déclin d'hommes amoindris, qui se survivaient à eux-mêmes, à leur génie. Ainsi le Bernin juge sévèrement le dernier Poussin, exprimant l'idée qu'il faut s'arrêter à temps, avant que le déclin n'affecte la création. Mais ces derniers tableaux du maître français vont ensuite être vus différemment. Apparaît en effet progressivement l'idée du « style sublime » , qui se manifeste chez certains artistes à un âge avancé, par un élargissement et approfondissement de la forme et de la pensée, et qui compense le déclin physique. Une création plus libre, plus riche et originale, en avance sur son temps, et qui jette les ponts avec l'avenir. Beethoven, Goethe, Titien sont les représentant de ce style parmi les plus cités. En littérature, La vie de Rancé de Chateaubriand, dénigrée, peu appréciée à son époque, peut en constituer un exemple fameux. Se moquant d'une perfection formelle de rigueur à leur époque, ces artistes dans une vision annonciatrice des temps à venir, créent des oeuvres puissantes et originales, leur âge leur donnant la liberté pour pouvoir le faire. Mais ce style sublime est réservé à certains, d'autres auteurs perdent progressivement leur force créatrice et ne sont plus que l'ombre d'eux-même. La question étant bien entendu comment distinguer les uns des autres. Et comment l'artiste lui-même peut distinguer ce qui relève d'un radotage sénile d'une création libre et puissante.

Il y a aussi l'idée d'opposer les artistes conceptuels, qui donnent le meilleur d'eux-même dans une forme d'intuition dans leurs jeunes années, de l'artiste expérimentateur, qui améliore, progresse, polit son art, pour produire le meilleur à la fin de son itinéraire artistique. Mais l'artiste conceptuel peut, peut-être, dans certains cas, se renouveler, et faire surgir un nouveau concept. Au risque de se répéter. Mais arrêter de créer, d'écrire, est très difficile, voire impossible. Rimbaud est un cas isolé, exceptionnel. A l'opposé, il y a Proust, qui jusqu'à son lit de mort, polissait, perfectionnait, tant sa vie et l'écriture se superposaient l'une à l'autre.

L'artiste peut vouloir créer jusqu'à la fin parce qu'il sent qu'il est en train de donner le meilleur de lui-même, il peut aussi vouloir continuer jusqu'au bout, parce qu'il doute de la valeur de tout ce qu'il a fait, comme Bergotte dans la Recherche ou comme le personnage de l'écrivain de la nouvelle de Henry James « Entre deux âges ». Ils souhaitent une seconde chance, une possibilité de créer une oeuvre à la hauteur de leurs ambitions au moment de mourir. Souhait aussi impossible à réaliser que celui d'avoir une seconde vie que l'on pourrait davantage réussir, dans laquelle on pourrait éviter les erreurs, saisir cette fois les occasions manquées.

Mais la création d'un artiste, n'est pas isolée. Chaque voix nouvelle ajoute une voix au concert humain, comme l'a formulé Péguy. Entre le temps des individus, très limité, et le temps divin, sans fin, il y a une sorte de durée intermédiaire, l'aevum. C'est le temps comme permanence de l'Homme, s'inscrivant dans une lignée, une chaîne, comme celle de la littérature. La voix de chaque poète, auteur, va continuer à se faire entendre dans celle de ses successeurs, comme lui-même a fait résonner celle de ceux qui l'ont précédé, le Poète ou l'Auteur, transcendant en quelque sorte les individus en tant que tels. Une manière de terminer de manière optimiste ce beau voyage dans la littérature et l'art, malgré son sujet.
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Au prétexte de sa dernière année de cours au Collège de France, l'auteur examine la vieillesse et la fin de vie des artistes : peintres, écrivains… Ce qu'ils en disent, ce qu'ils en font, ce qu'en ont dit leurs contemporains et les spécialistes de la chose écrite ou peinte. Trésor d'érudition dont on espère retenir quelques éléments à la fermeture de ce livre éclairant. Si l'on a envie de voir ou revoir les toiles, lire ou relire les livres, l'auteur aura fait oeuvre salutaire pour l'honnête homme. Il aura gagné son départ à la retraite !






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Un livre riche, trop riche. Ce livre est la reprise d'une série de cours donné au Collègue de France et cela se ressent. La matière est là, il y en a beaucoup et il y en a même de trop, alors lecteur lis patiemment ou survole, mais choisis ton chemin. Sinon, le livre est passionnant parce qu'il aborde la fin de carrière d'un artiste (peintre u écrivain) mais peut aussi être intéressant pour toute autre existence. La question est celle-ci : quand s'arrêter pour ne pas faire l'oeuvre de trop ? Et derrière cette phrase, il y a aussi plein d'éléments à prendre en compte : la dinde carrière peut être aussi une apothéose où l'artiste, libéré de toutes ses contraintes, produit pour lui-même et se fait plaisir. Il en résulte des oeuvres parfois dissonantes par rapport au reste de l'oeuvre parfois par le bien et parfois pour le pire. L'auteur s'intéresse aussi aux derniers mots ou dernières phrases des personnages connus,.
J'avais lu dans un livre sur les arbres, que si vous donnez à un vieil arbre fruitier quelques coups de bâton, l'arbre prend peur d'être abattu et produit beaucoup de fruits l'été suivant. Cette tradition agricole me rappelle beaucoup ce que j'ai lu dans le livre. Avant la décrépitude, l'artiste ose.
Cela peut vouloir pour nous tous à l'heure de la retraite.
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critiques presse (2)
LeMonde
02 octobre 2023
Une superbe enquête au cœur des arcanes du processus créatif.
Lire la critique sur le site : LeMonde
NonFiction
10 janvier 2022
L’œuvre ultime et le silence qui la suit sont deux fantasmes majeurs des artistes, dont Antoine Compagnon étudie la construction par les écrivains et les critiques.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Gagner la sortie ? Beckett joue sur l'expression : c'est se diriger vers elle, mais c'est aussi l'acquérir, la mériter, la réussir. Comme si une sortie, ça ne se perdait ou ne se dérobait jamais. Une sortie, ça se gagne, ça se conquiert, ça s'emporte, ça se prend, comme on dit "Prenez la porte".
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L'autre nuit, j'ai une fois de plus fait un rêve d'examen : je devais passer le brevet ; comme d'habitude, je le ratais.
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La mort d'un écrivain, c'est toujours une petite mort de la littérature, ca un de littérature meurt avec un écrivain qui s'éteint
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Tout ce qui proprement peut être dit peut être dit clairement, et ce sur dont on ne peut parler, il faut garder silence (citation de L. Wittgenstein)
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Videos de Antoine Compagnon (46) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Antoine Compagnon
Cycle de conférences autour du thème de l'exposition « À bras-le-corps ! Savants et instruments au Collège de France au XIXe siècle ». Conférence du 30 avril 2024 : Aperçu des chaires scientifiques au Collège de France durant le XIXe siècle
Intervenant : Antoine Compagnon, Professeur du Collège de France
Les chaires scientifiques du Collège de France étaient au nombre de huit sur dix-neuf en 1789, à la veille de la Révolution. Elles furent maintenues jusqu'en 1794, puis sous le Directoire, le Consulat, l'Empire et la Restauration, lorsqu'elles devinrent vacantes. Sous les régimes successifs, leur nombre augmenta lentement, pour passer à treize sur quarante-deux en 1900. L'évolution des matières enseignées, la démographie des professeurs, les vicissitudes politiques des recrutements méritent d'être examinées. Durant un siècle agité de l'histoire de France, le Collège de France, qui s'était réformé avant la fin de l'Ancien Régime, ne démérita point.
Retrouvez le programme des conférences : https://www.college-de-france.fr/fr/agenda/grand-evenement/exposition-bras-le-corps-conferences
Le Collège de France est une institution de recherche fondamentale dans tous les domaines de la connaissance et un lieu de diffusion du « savoir en train de se faire » ouvert à tous. Les cours, séminaires, colloques sont enregistrés puis mis à disposition du public sur le site internet du Collège de France.
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