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Sylvère Monod (Traducteur)
EAN : 9782070388295
445 pages
Gallimard (23/05/1995)
3.66/5   145 notes
Résumé :
Sa connaissance des voies surprenantes du monde est la plus étendue de tous les écrivains contemporains. Il a une force d'imagination inégalée et un profond sentiment du drame et de la logique des événements que certains appelleraient destin. (John Buchan) " Son être tout entier était mis à la torture par cette idée incertaine et affolante. Elle la sentait dans ses veines, dans ses os, à la racine de ses cheveux. Elle adoptait en esprit l'attitude biblique du deuil ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
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Voilà un roman extraordinaire, mélange d'espionnage, d'étude de moeurs, de polar… voire un thriller si Joseph Conrad n'avait eu la détestable idée de divulgâcher dans sa « Note de l'auteur » en ouverture de cette édition.
À qui se fier ? On arrive à comprendre qu'un sous-doué du marketing chez l'éditeur soit suffisamment crétin pour le faire en quatrième de couverture, mais à quoi donc pensait Conrad ? II s'imagine que l'histoire est universellement connue, notamment parce qu'elle reprend des éléments d'un attentat anarchiste réel ? Ou alors, c'est une façon de nous glisser que l'intrigue et le suspense n'en sont pas le principal ?

Le marketing de l'éditeur, lui, nous informe que Jorge Luis Borges « disait qu'elle était [cette histoire] le meilleur des romans policiers qu'on ait jamais écrits. »
Évidemment, je n'ai pas retrouvé la trace de cette affirmation dans ses oeuvres complètes dans la Pléiade. Laquelle est loin d'être exhaustive, malheureusement. Son panthéon du roman policier, mentionné plusieurs fois dans des articles ou conférences, est plutôt constitué d'Edgar Allan Poe (pour lui, inventeur du genre), Gilbert Keith Chesterton et Wilkie Collins.
Mais Borges a quand même écrit sur ce livre, dans une critique cinématographique qui assassine son adaptation par Hitchcock :
« Il est indubitable également que les faits rapportés par Conrad ont une valeur psychologique et seulement une valeur psychologique. Conrad propose à notre compréhension le caractère et le destin de Mr. Verlog, homme paresseux, obèse et sentimental, qui parvient au crime par confusion et par crainte. »

Cette finesse dans la description des personnages et situations a été remarquée dès la parution originale, puisque dans sa préface, l'auteur est tout heureux de s'en vanter en notant,
- à propos des milieux diplomatiques qu'il décrit : « je fus ravi d'apprendre qu'un homme avisé et expérimenté avait déclaré que Conrad avait sûrement fréquenté ce milieu-là ou qu'il possédait une excellente intuition des choses » ;
- à propos de sa description des milieux anarchistes : « un visiteur américain m'informa que toutes sortes de révolutionnaires réfugiés à New York maintenaient que le livre avait été écrit par quelqu'un qui les connaissait bien ».

Il embrasse plus large, mettant à profit sa découverte de l'immensité et de la diversité du Londres de la fin du XIXe siècle, ville monde : « Il y avait place en elle pour n'importe quelle intrigue, assez de profondeur pour toutes les passions, assez de variété pour tous les décors, assez de ténèbres pour y enterrer cinq millions de vies ».
Et il traite tout ces petits mondes, nous révèle leurs pensées intimes, avec un humour narquois et distancié, ce qui donne l'impression très agréable d'un livre écrit hier.

Bref, je suis en train de m'infatuer de Joseph Conrad et ce livre en est un jalon important, notamment parce que je le trouve bien plus digeste que l'apocalyptique Au coeur des ténèbres.
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Classique fondateur du genre "roman d'espionnage", "L'agent secret" de Conrad pose en effet les codes nouveaux qui inspireront par la suite de très nombreux écrivains.

Publié en 1907, le roman dont l'action se situe à la toute fin du XIXème siècle, brille davantage par le traitement méticuleux et psychologique de la physionomie des personnages, tant hommes que femmes, que par son action. Cette dernière se fera attendre jusqu'au dernier tiers du récit, heureusement plutôt court.

Nul doute, par conséquent, que "L'agent secret" ait davantage marqué le lecteur contemporain de sa parution que le lecteur actuel, habitué à plus de rythme et de "sensations". Personnellement, j'y ai retrouvé un peu de Graham Greene qui a sans doute compté parmi les auteurs qu'il aura inspirés.

Difficile d'en dire plus sans dévoiler tout ou partie de l'intrigue, je dirais pour conclure que c'est un roman à découvrir par curiosité pour son côté précurseur mais on est assez loin de l'atmosphère oppressante d'"Au coeur des ténèbres".


Challenge XIXème siècle
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Paru en 1907, L'Agent secret fait partie des romans majeurs de Joseph Conrad, bien que n'ayant remporté qu'un succès d'estime lors de sa publication. L'histoire est celle de M. Verloc, agent infiltré parmi les milieux anarchistes de Londres pour le compte d'une puissance étrangère (la Russie), et accessoirement indicateur pour la police.
M. Verloc, c'est peu dire, n'a pas grand chose d'un héros. le portrait physique, moral et intellectuel que dresse Conrad ne le met guère à son avantage. Consciencieusement occupé à ne surtout rien faire, il se préoccupe avant tout de préserver le confort et les apparences d'une petite vie de boutiquier derrière la vitrine de son magasin louche, perdu dans les bas-fonds londoniens.
Le drame se noue à l'instant où Verloc se trouve justement contraint d'agir. Chargé d'organiser un simulacre d'attentat anarchiste, ses lamentables efforts n'ont pour seul résultat que de révéler un précipité de toutes les lâchetés et hypocrisies des différents personnages. Car dans L'Agent secret, tout le monde ment ou presque : M. Verloc, en premier lieu (à sa famille, à ses compagnons anarchistes,...) et Mme Verloc ensuite, qui ment tout autant à son mari en lui laissant croire qu'elle l'aime, alors qu'elle ne l'a épousé que pour sa sécurité matérielle et celle de son jeune frère. Les anarchistes que fréquentent Verloc ne valent guère mieux, entre le penseur confus qui se laisse entretenir par une riche bourgeoise, ou l'opportuniste prêt à tout pour séduire une femme et s'emparer d'un portefeuille bien garni. de leur côté, les policiers ne poursuivent à travers leur enquête rien d'autre que des intérêts personnels. Quant à M. Vladimir, l'employeur de Verloc à l'ambassade russe, il est à bien des égards le plus abject de tous.
Le seul innocent de l'histoire, c'est Stevie, frère de Mme Verloc et handicapé mental. Et le seul qui soit indubitablement sincère, Le Professeur, est quant à lui glaçant dans son appétit de destruction. Traversant le livre comme une menace de chaos et de néant, c'est à lui qu'il revient de conclure le récit. Il est le seul véritable terroriste de cette histoire, préfigurant de façon sinistre tous les fanatismes qui se sont épanouis depuis 1900 jusqu'à nos Daech d'aujourd'hui.
Bref, le moins que l'on puisse dire, c'est que l'Agent secret n'a rien d'un roman d'espionnage, et que c'est tout sauf un livre joyeux... A vrai dire, quand on connait Conrad, on n'en est guère étonné. le tableau, cependant, est ici particulièrement sombre. Aucun des personnages ne semble digne d'être sauvé, et ils évoluent dans une atmosphère de duplicité, de crasse et de pavés mouillés qui donne au roman une atmosphère assez poisseuse. C'est d'une noirceur qu'on dirait irrémédiable, et tout cela conté avec une ironie grinçante, étonnamment moderne.
Ce n'est pas joyeux mais c'est très fort, comme un alcool sait être fort.
Il ne manque qu'une seule chose dans ce roman de Conrad, la seule peut-être qui pourrait dissiper les brouillards glauques de tant de médiocrité humaine : la mer.
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Adolf Verloc tient un petit commerce avec sa femme Winnie dans Brett Street à Londres. Habitent également avec eux la mère de Winnie et son jeune frère un peu attardé. Mais Adolf Verloc cache une double vie. Il est en fait agent secret pour un pays étranger. Son rôle est d'infiltrer un groupe anarchiste afin de déstabiliser l'Angleterre. Au début du roman, Verloc est reçu à l'ambassade du pays pour lequel il travaille. M. Vladimir le sermonne et exige des résultats concrets. Il faut une action marquante, frappante pour les esprits anglais endormis. Verloc est chargé de poser une bombe à l'observatoire de Greenwich, un symbole fort pour créer l'émotion.

Ma première lecture de Joseph Conrad fut intense et le talent de l'écrivain m'a impressionnée. le point de départ du roman fut l'attentat de l'observatoire de Greenwich qui eut lieu le 15 février 1894. Cet évènement a durablement marqué l'écrivain qui souhaitait évoquer la menace terroriste qui planait au-dessus de l'Angleterre victorienne. "L'agent secret" est au départ un livre politique. Conrad évoque les différents courants anarchistes. le groupe de Verloc n'est que dans le discours, ils veulent changer le monde depuis l'arrière de la boutique. D'autres en revanche, ne rêvent que de passer à l'acte. L'individu nommé Le Professeur est un spécialiste des explosifs, il se balade d'ailleurs avec une bombe sur lui au cas où il serait interpellé par la police. Pour lui, seuls le désespoir et la folie peuvent régénérer le monde. Par moment, les discussions politiques sont un peu trop longues, un peu trop détaillées. Mais il faut vraiment prendre son mal en patience car l'intérêt du livre est ailleurs.

Au travers de "L'agent secret", Conrad nous parle surtout de la médiocrité des hommes. Je pense que l'anarchie est un prétexte de départ (je dirais même un MacGuffin puisque Hitchcock a adapté ce livre, je vous en reparle bientôt). le groupe anarchiste, et Verloc en tête, est pitoyable, aucun de ses membres n'est à la hauteur de son engagement. Les personnages de Conrad semblent tous totalement englués dans la petitesse de leur quotidien, de leur vie. Même la douce et candide Winnie ne sera pas sauvée. Elle pensait son mari généreux puisqu'il accepta d'héberger sa famille, elle le découvre vil et mesquin. La noirceur gagne le roman dans sa deuxième partie, après l'attentat, et Conrad est magistral dans sa manière de conduire une intrigue plus complexe qu'il n'y parait.

Le côté sordide de l'âme humaine déteint sur la ville. Conrad nous montre un Londres sombre, perpétuellement noyé dans le brouillard et la pluie. Une ville où rien de bon ne peut advenir. "Les vitres ruisselaient de pluie et la courte rue sur laquelle il abaissa son regard était mouillée et vide, comme si elle avait été soudain balayée par une grande inondation. La journée avait été très pénible, suffoquée tout d'abord par un âpre brouillard et maintenant noyée de pluie froide. La flamme tremblotante et brouillée des becs de gaz avait l'air de se dissoudre dans une atmosphère gorgée d'eau. "

"L'agent secret" est l'unique roman londonien de Joseph Conrad, l'atmosphère y est noire et désespérée. Accrochez-vous si la première partie vous semble longue, ce roman en vaut vraiment la peine.
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Londres fangeux, pluie et suie, brume et brouillard. Dans une rue borgne de Soho, M. Verloc fait marcher sa petite entreprise, une boutique fort discrète à la clientèle masculine, vendant confidentiellement un ensemble hétéroclite composé de journaux aux tendances révolutionnaires et de marchandises louches discrètement cachetées, propices à satisfaire et à flatter les bas instincts de ses messieurs. le digne commerçant a pris en charge la famille de son épouse, femme de devoir effacée, famille composée d'un beau-frère simple d'esprit et influençable ainsi que d'une belle-mère presque impotente. Mais, sous cette couverture miteuse et rapiécée, Verloc fait profession d'agent double au service d'une puissance étrangère ainsi que d'indic de la police, alors que son arrière boutique est le repère d'une engeance composite d'anarchistes de bas étage.

Ce roman politique, urbain, glauque, occupe une place à part dans l'oeuvre conradienne par le cadre de son récit et son propos. La volonté de l'auteur était d'employer l'ironie comme mode d'expression universel du narrateur, de traiter le sujet conspirationniste de l'instrumentalisation de l'attentat politique sous le prisme parodique. A ce titre, c'est une belle réussite. Les aficionados de l'oeuvre du génial auteur, dont je suis, trouveront leur content d'acuité psychologique, de vérité humaine, et de trituration du temps de la narration. En revanche, les amateurs d'exotisme conradien en seront pour leur frais, le décor (bas fonds, salon distingué, bureau d'embrassade, officine occulte ) n'est rien moins que tropical!
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
– Voilà ce que vous devriez essayer ! Un attentat dirigé contre une tête couronnée ou un président, c’est sensationnel, si l’on veut, mais plus autant qu’autrefois. C’est entré dans la conception générale de l’existence de tous les chefs d’État. On s’y attend, comme à une chose infaillible, surtout depuis que tant de présidents ont été assassinés. Prenons maintenant un attentat contre… mettons une église. La chose, à première vue, paraît horrible : eh bien, croyez-moi, elle ne fera pas autant d’effet que pourrait le croire un esprit moyen. Si révolutionnaire ou anarchiste qu’en soit l’origine, il se trouvera nombre d’imbéciles pour y voir une manifestation antireligieuse, ce qui retirerait beaucoup de la signification particulière que nous voulons prêter à l’action. Un attentat meurtrier contre un restaurant ou un théâtre ne servirait pas davantage : on y verrait l’exaspération d’un affamé, un acte de vengeance individuelle. Tout cela est usé ; les journaux ont des explications rassurantes toutes prêtes pour ce genre d’exploits. Je veux, de mon point de vue, vous énoncer la philosophie de la bombe ; à votre point de vue, vous prétendez avoir servi notre cause depuis onze ans. J’essaie d’être précis et clair. Les sens de la classe que vous attaquez sont émoussés ; la propriété lui semble une chose indestructible ; il ne faut pas compter, de sa part, sur une émotion de longue durée, soit de pitié, soit de frayeur. Pour influencer l’opinion publique, aujourd’hui, un attentat à la bombe doit avoir une autre portée, dépasser toute intention de vengeance ou de terrorisme : il faut qu’il soit purement destructif. Il doit être cela, rien que cela. [...]
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- Malheureusement, je le répète, vous êtes un paresseux ; vous ne savez pas profiter des circonstances. Du temps du baron Stott-Wartenheim, il y avait à l’ambassade un tas d’écervelés ; ce sont eux qui furent la cause de l’opinion fausse que se firent les gens de votre sorte sur le caractère du service secret. Il est de mon devoir de corriger cette erreur en vous exposant ce que le service secret n’est pas, et il n’est pas une institution philanthropique. Si je vous ai convoqué ici, c’est à dessein de vous en informer.
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- Balivernes ! s’écria-t-il, avec un calme relatif. Il n’y a ni loi ni certitude. Au diable la propagande par l’éducation ! Ce que savent les gens, cela nous est bien égal, quelle que soit l’exactitude de leur connaissance. Ce qui nous importe, c’est l’état d’émotion des masses. Sans émotion, pas d’action !
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Moi, je vais vous exposer la philosophie du terrorisme de mon point de vue, de ce point de vue que vous prétendez avoir servi depuis onze ans. [...] La sensibilité de la classe à laquelle vous vous attaquez s'émousse vite. Aux membres de cette classe la propriété apparaît comme indestructible. On ne peut compter longtemps sur leurs émotions, soit de pitié, soit de crainte. Pour qu'un attentat à la bombe ait une influence quelconque sur l'opinion publique aujourd'hui, il faut qu'il aille au-delà des intentions de vengeance ou de terrorisme. Il faut qu'il soit purement destructeur. Qu'il soit cela et rien que cela, sans qu'on puisse le soupçonner un instant d'avoir un autre objectif.
("L'agent secret" est publié en 1907.)
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Car, de toute évidence, on ne se révolte pas contre les avantages et les bénéfices qu’offre l’ordre social, mais contre le prix dont il faut les payer sous les espèces de moralité courante, de contrainte personnelle, de labeur. La majorité des révolutionnaires sont surtout les ennemis de la discipline et de la fatigue. Il est aussi des natures qui estiment, d’après leur sens de la justice, que le prix exigé est monstrueusement disproportionné, odieux, opprimant, vexatoire, humiliant, rapace, intolérable : ceux-là sont des fanatiques. Le reste des rebelles sociaux sont les rebelles de la vanité, cette mère de toutes les illusions, nobles et viles, compagne des poètes, des réformateurs, des charlatans, des prophètes et des incendiaires.
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Un navire de croisière qui s'échoue. le commandant qui prend la fuite. Une trentaine de passagers qui perd la vie. Ca c'est passé il y a quelques années, vous vous en souvenez. Pour un marin, déserter le bord c'est le déshonneur suprême. Et pour un romancier, c'est l'occasion de sonder les abysses de l'âme humaine.
« Lord Jim » de Joseph Conrad, un classique à lire chez Folio.
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