Après la renversante découverte que fut pour moi
le Prince des Marées, il s'agit ici de ma seconde lecture de
Pat Conroy. J'ai beaucoup aimé ce livre, bien qu'il ne soit pas, selon moi, au même niveau que
le Prince des Marées, du fait de plusieurs rebondissements narratifs que j'ai trouvé quelque peu exagérés et irréalistes. J'ai néanmoins eu énormément de plaisir à retrouver ce style si unique de l'auteur, qui sait, dès les premières lignes, nous faire nous attacher à ses personnages et nous embarquer dans son univers. On s'attache ainsi très vite à Jack McCall, veuf, expatrié à Rome avec sa fille Leah dont la garde a fait l'objet d'une âpre bataille judiciaire à la suite du décès de son épouse, qui a mis fin à ses jours en se jetant du haut d'un pont de Waterford. Confronté à la maladie de sa mère, Jack va devoir mettre un terme à son exil, rentrer en Caroline du Sud, se confronter aux épisodes douloureux de son passé et de celui de ses proches ainsi que de ses amis, et introduire sa fille à son héritage familial, malgré ses propres réticences à revisiter un passé douloureux. J'ai lu ce roman en même temps qu'une amie, qui avait également lu
le Prince des Marées, et nous avons échangé, au fur et à mesure de notre lecture, sur ce qui rendait l'ambiance narrative créée par l'auteur si spécifique. Nous avions en effet du mal à cerner ce qui caractérisait cette écriture, si riche, si entraînante et sensuelle, jusqu'à ce que mon amie pointe du doigt, de manière tout à fait pertinente selon moi, la place prépondérante occupée par la nature dans l'écriture de
Pat Conroy : les péripéties vécues par les personnages -et elles sont nombreuses !- ont en effet toujours pour toile de fond un élément naturel : le fleuve qui traverse Waterford, la mer, où Jack et ses amis d'enfance vivront des expériences transformatrices, les animaux : tortues, marsouins, crabes, raie géante… cet environnement, ce « tout » qui est témoin des accidents de vie des personnages, de leurs joies, de leurs échecs, est présent à chaque page du livre. C'est pour moi ce qui fait toute la magie de l'écriture de
Pat Conroy, ce qui m'émeut le plus. La nature sauvage de Caroline du Sud, à laquelle l'auteur semble éperdument attaché, accompagne les vies de Jack, de ses frères, de ses amis et de sa mère, de la naissance à la mort. Je garde en particulier le souvenir de passages fantastiques dans le roman, où est raconté l'apprentissage de Leah auprès de sa grand-mère, qui lui enseigne à prendre soin des oeufs de tortues, et à connaître et protéger l'environnement maritime de Waterford ; de la même façon, les retrouvailles de Jack avec son fleuve dans lequel il se laisse porter après avoir sauté (nu !) d'un pont avec ses frères -scène mémorable du livre !-… toutes ces scènes uniques font de ce roman une pépite, et encore, je ne m'étendrai pas sur la richesse des personnages, leur humour malgré les obstacles qu'ils rencontrent, leur résilience (mais pas une résilience béate, non, une résilience vraiment « humaine », avec ses ratés et ses maladresses)…
Pat Conroy nous régale à chaque page. Je garderai un très beau souvenir de cette lecture, et je suis certaine que ce livre fera partie des ouvrages dont j'aurai plaisir à relire quelques passages au cours des années à venir.