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EAN : 9782070376230
256 pages
Gallimard (12/02/1985)
4.33/5   6 notes
Résumé :
Le malheur du monde peut d'abord être le malheur d'un enfant, capable de ressentir l'humanité qui l'entoure, les événements, les lieux à la façon d'un médium. Tel est le cas de Tiffany, huit ans, qui vit à Ouregano, un cercle administratif d'Afrique noire, à la fin de l'époque coloniale. Abandonnée à elle-même par une mère sans tendresse et par un père qui a le goût de la guerre, la petite fille enregistre à travers les manifestations du pouvoir et du racisme la dét... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ouregano
premier roman (1980)
de Paule Constant
NRF


"Ils consultèrent en famille le Petit Larousse: Our, Oural, Ouranos, Ourcq, Ouro Prêto, ville du Brésil, 8800 h. Il n'y avait pas d'OUREGANO. Ils regarderaient dans l'atlas d e Tiffany."
Tiffany, c'est une fillette de huit ans (il y a toujours une petite fille dans les romans de Paule Constant) fille d'un médecin-militaire (Paule Constant l'a connu le monde des médecins-militaires) Michel, et d'une femme, Matilde, qui aime plaire en société. L'époux est affecté à l'hôpital d'Ouregano, parce qu'il ne voulait plus de corps de troupe, à Ouregano il n'y a pas de société. A faux triomphe, vraie défaite. Mais la défaite était antérieure à l'affectation. Elle sera révélée sur place.
A Ouregano, le village rouge sous la paille brune étonne le premier jour. C'est le village de la misère qui fait mourir. Mais les Blancs ne voient pas les Noirs qui crèvent. Ce sont aussi les bureaux
de l'Administration, mais il n'y a rien à administrer, si ce n'est la mort. Sur une colline, la Mission hollandaise vit en marge. Ce qu'il y a de vivant, c'est la boutique d'Alexandrou, qui fournit ce qui (lui)rapporte. C'est aussi le refuge des meurtriers.
A Ouregano, très vite on s'ennuie. On se reçoit entre Blancs, en respectant la hiérarchie, et on méprise les Noirs. Alors il faut un club de tennis, pour se changer les idées. Mais le changement, parce que les adultes blancs ne savent pas inventer, amène les dérives, et on laisse pourrir.
Ainsi, le médecin noir, malhabile, qui assiste le médecin blanc; il n'est plus ni Blanc (le maître) ni Noir (le sous-homme) mais lâche. L'Ecole n'assure pas son rôle d'égalisatrice ni d'émancipatrice. Il sera ébloui par une jeune Métisse, et la couleur de ses vêtements de Blancs mais portés avec grâce dans une fraîcheur naturelle. La métisse ne comprend pas ce qu'il veut d'elle, et s'offre en se cachant, comme elle a appris à le faire, absolument soumise. Cet amour impossible causera la mort du Noir, et sa mort sauvage sera camouflée en mort accidentelle. Ouregano n'est pas fait pour le scandale bruyant.
Ainsi le corps de l'institutrice blanche dégoûtera-t-il son mari, et elle perdra son bébé, fruit d'un amour qui n'existait pas.
Ainsi Matilde qui, privée d'yeux pour la regarder, et enfouie dans son égoïsme, ne sait plus qui elle est.
Deux personnages sortent du marais de cette vie morte, le Juge, amateur des Lumières, qui connaît le fond bourbeux des hommes, et qui aime l'aveu du crime, et Alexandrou presque revenu de tout. Personne ne trouve grâce à ses yeux, encore moins les femmes données avant que d'être prises.
Heureusement, il y a les enfants. Tiffany, délaissée par ses parents, aime les animaux, mais la chienne de l'Administratrice n'aime pas les enfants; elle se fait offrir par Moïse, un élève Noir, un rat palmiste et d'autres animaux. Les deux enfants se trouvent un endroit à eux, une voiture abandonnée à la nature, et explorent les grandes lectures et les environs, font corps avec la terre, s'ouvrent au monde véritable. Tiffany est toujours sale. Mais elle échappe à la bêtise des garçons du Juge, elle caresse la chevelure d'un Noir avec plaisir, donne à manger à une lépreuse. C'est dans cette voiture que se cachera sans se cacher, déjà assujettie aux règles des Blancs civilisés, la fillette, humiliée par l'institutrice, terrassée par ses parents, et Moïse (un futur Blanc-Noir)aura dévoilé l'endroit aux adultes.
le conseil des Blancs trouve une solution, la mise dans un pensionnat français de cette enfant-médium, sevrée de la tendresse de ses grands-parents, qui voit, comme le Juge et Alexandrou, les hypocrisies, les bassesses de ce monde figé des Blancs.
A Ouregano, qui ne sera jamais dans l'atlas de la fillette, meurent Tiffany et ses huit ans, qui regardait avec plaisir le corps de sa mère qu'elle est venue à haïr, qui dit "Maman" comme on dit "Non"! Au pensionnat, Marie-Françoise (alias Tiffany) est seule, sans l'aide d'une mère attentionnée, et cette solitude sera son lot.
C'est l'Afrique des années cinquante, qui remplit ce livre avec la beauté de ses animaux, la couleur et l'odeur de ses fleurs, les bêtes sur les viandes mortes, ses malades, ses morts ignorés, son absence de médicaments, ses lois bafouées . C'est le combat pathétique entre l'école laïque et l'école des Soeurs, la rivalité misérable pour des préséances d'un autre monde, l'inconsistance des Blancs condamnés à se voir eux-mêmes et refoulant cette image. C'est l'exercice d'un racisme virulent et bête, aveugle aux Noirs qui sont présents.
Mais Ouregano est le lieu de l'absence d'amour, et cette absence est d'une telle violence, d'une si terrible brutalité, comme les coups de pied du meurtrier, l'acharnement de l'institutrice, l'enfermement des parents sur eux-mêmes, le voyeurisme des bigotes, l'indifférence à la métisse, qu'elle en donne la nausée. C'est un livre grinçant, où explose, comme un fruit trop mûr, la colère de l'auteure qui ôte tous les masques, et rend, indignée, la sordidité de ce monde. "Les hommes ne voyaient pas Dieu, le prêtre ne voyait pas les hommes, et Dieu regardait ailleurs." Et les autres pataugent dans leur veulerie, sans rien qui la minimise. C'est un livre fort. le Goncourt l'a raté.
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Encore une fois Paule Constant m'intimide et me fascine avec ce livre "Ouregano", village perdu dans la brousse africaine. Nous sommes dans les années 50.
Une petite fille de 8 ans est là parmi les blancs, c'est Tiffany, la fille du médecin-capitaine. le malheur d'un monde raconté peut d'abord être le malheur d'un enfant. Tiffany est abandonnée à elle-même par une mère sans amour et par un père trop occupé par son métier. Cette mère ne cesse de répéter "je déteste voir ces enfants qui s'accrochent aux grandes personnes" !!
Comment vivre avec le désamour d'une mère ?
Comment peut-on repousser sa propre fille lorsqu'elle a peur ou bien lorsqu'elle fait des cauchemars et ne pas la consoler lorsqu'elle perd son petit animal apprivoisé ?
Est-ce la véritable enfance de Paule Constant ? sûrement.
L'auteur nous fait pénétrer dans les méandres de la pensée de Tiffany, on partage avec elle ses sentiments profonds de révolte, sa haine grandissante pour sa mère. C'est tout un monologue intérieur que nous livre ici Paule Constant. Tiffany est d'un tempérament vif et est d'une grande sensibilité alors elle s'attache à tout ce qui est fragile. Elle nous livre les secrets d'une Afrique qu'elle aime, mais que de dureté dans ce roman.
Dès le début du livre on fait la connaissance de la colonie blanche qui vit repliée sur elle-même et sur sa supériorité imaginaire. Il y a l'administrateur Dubois avec son épouse, le couple Bonenfant, les enseignants Refons et enfin les parents de Tiffany. Et puis il y a les autres, Beretti, l'homme à tout faire, pas très net, Alexandrou le Grec, trafiquant et commerçant, Dubois et bonenfant se sont d'ailleurs déchargés sur lui pour les commandes de nourritures et de médicaments, un gendarme , des missionnaires hollandais et N'Diop le médecin africain.
Plus j'ai avancé dans ce récit plus j'ai été choquée par la vision qu'a eu cette petite fille de 8 ans de cette jungle humaine. Elle a vu des horreurs, elle s'est tue, elle devait toujours se taire... Et tout ce monde burlesque, cocasse ,avec ses personnages sombres, sont décrits avec des mots qui ont une force renversante. de plus j'ai ressenti dans l'écriture de Paule Constant une révolte totale, irrépressible et juste. A la lumière de la vérité Paule Constant est implacable. A lire absolument...
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Tout était bien au fond, les hommes ne voyaient pas Dieu, le prêtre ne voyait pas les hommes et Dieu regardait ailleurs.
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Faire des histoires, c'était finalement se mettre en travers de la vie des parents. Faire des histoires, c'était exister, aimer et détester, prendre plaisir ou avoir peur, le manifester devant les adultes.
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Avec les sports, Michel ne fut pas plus heureux. Il organisa un tournoi de tennis...... Ils ne faisaient pas ça par plaisir, par goût de l'effort, ou par une habitude remontant à une adolescence blonde et mince sur les courts verdoyants du Sussex ou sur les courts de brique des vacances d'été à Biarritz. Ils jouaient pour rien ou plutôt par snobisme, pour une facilité et une beauté qui leur échappaient.
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Le Père jean avait sous les yeux les responsables des forces mauvaises qui asservissaient les pauvres hommes. L'administrateur qui administrait le néant, le juge sans charité, l'instituteur sans courage, la femme sans amour, le médecin sans médicament.
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Vidéo de Paule Constant
https://www.librairiedialogues.fr/livre/14694728-l-insomnie-tahar-ben-jelloun-gallimard Lors de la rencontre avec Tahar Ben Jelloun, du 1er mars 2019 à la librairie dialogues à Brest, l'auteur nous propose sa sélection de livres coups de c?ur ! En l'occurrence : - la poésie française du XXe siècle. - Deux s?urs de David Foenkinos (Gallimard) - Maîtres et esclaves de Paul Greveillac (Gallimard) - La vérité sort de la bouche du cheval de Meryem Alaoui (Gallimard) - La Maison Golden de Salman Rushdie (Actes Sud) - Nouvelles de William Faulkner (Gallimard, Pléiade) - Les Mille et une nuits - Don Quichotte de Cervantès - Mes Afriques de Paule Constant (Gallimard) Entretien mené par Laure-Anne Cappellesso. Réalisation : Ronan Loup.
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